Les effets de groupe dans les sociétés animales: chez les vertébrés
Ici, les effets de groupe sont tout aussi nombreux et marquants. Souvent, ces stimulations sensorielles dans le groupe agissent profondément sur la physiologie de l’appareil génital et sur le comportement sexuel.
Chez les oiseaux:
Les pigeons:
Ainsi, M.L. Harrisson (1938) a pu constater qu’une pigeonne isolée ne pouvait pas pondre. Si elle se trouve à nouveau parmi ses congénères, ses ovaires se remettent à fonctionner normalement. Mais le résultat est identique si on se contente de la placer devant un miroir qui lui renvoie sa propre image ! Ses centres cérébraux recueillent alors une « image » spécifique « pigeon » et stimulent à leur tour l’hypophyse qui sécrète la gonadostimuline. Cette substance permet à l’ovocyte d’achever son développement et de parvenir à l’oviducte.
Le même phénomène se produit pour la sécrétion lactée issue des glandes du jabot. Lorsqu’un pigeon mâle (les mâles, comme les femelles, sécrètent ce «lait») est maintenu dans l’isolement complet, il ne peut plus produire ce lait, mais, ici encore, un simple miroir suffit à rétablir la sécrétion.
Il est possible qu’un tel mécanisme se produise dans les parades qui précèdent l’acte sexuel chez de nombreux vertébrés. Ces rituels, avec leur gamme de stimuli incluant parfois des déploiements de couleurs et de sons, joueraient un rôle de synchronisation entre les sexes, préparant l’acte sexuel, ou déclenchant l’ovulation de la femelle. Cette fonction des parades serait peut-être plus cruciale que le rôle sélectif – assurer la réussite des « meilleurs » – qu’on leur a souvent attribué. Il est possible aussi que les deux mécanismes agissent conjointement.
Toute parade entraîne une action psychosomatique et constitue donc bien un effet de groupe, c’est-à-dire une action sociale, même s’il s’exerce sur le comportement sexuel que nous avons pris soin de bien différencier d’un comportement social type.
Les sternes et mouettes:
La même réflexion vaut pour les oiseaux vivant en société (sternes, mouettes) qui ne peuvent pondre que lorsque le groupe comprend un nombre suffisant d’individus. La ponte est d’ailleurs plus intense dans les grandes bandes que dans les petits groupes de quelques individus. Certes, chaque couple de ces oiseaux a besoin d’un certain isolement (territoire du nid), mais les congénères ne doivent pas être trop éloignés : l’excitation du groupe lui est probablement transmise par les cris des membres de toute la colonie.
Chez les batraciens:
On savait depuis longtemps (Bilski) que la taille de têtards bien nourris dépend de celle de leur aquarium. Plus tard, on a appris (I.S. Richards, 1974) que les têtards groupés produisaient une substance inhibant la croissance des congénères. Cette substance n’étant pas sécrétée par les isolés, si on isole des têtards initialement groupés leur croissance redevient normale.
Chez les poissons:
Des phénomènes du même type ont été mis en évidence chez plu-sieurs espèces de poissons. Les effets de groupe à stimulation visuelle semblent courants chez ces animaux.
Chez un poisson de l’espèce Tilapia, la femelle doit voir un autre poisson, mâle ou femelle, pour creuser son nid et y déposer ses œufs : isolée, elle ne peut se reproduire, mais la seule vue d’un congénère, même à travers une vitre, est suffisante pour la stimuler.
Les poissons rouges consomment plus d’oxygène lorsqu’ils sont groupés: la vue d’un congénère augmente leur métabolisme. Dans l’obscurité, ou lorsque leurs yeux sont masqués, l’effet disparaît. Il persiste, en revanche, même si l’animal ne peut avoir aucun contact avec ses congénères mais se trouve dans un aquarium lui permettant de les voir, ou même s’il peut se voir lui-même dans un miroir. Le phénomène se déclenche aussi lorsque les poissons sont colorés artificiellement: la forme jouerait plus que la couleur.