Les mystérieux rayons du professeur Röntgen
Les mystérieux rayons du professeur Röntgen
L’histoire commence donc en novembre 1895, et en Allemagne, avec Wilhelm Conrad Röntgen.
Né à Lennep (Allemagne), Röntgen vécut d’abord en Hollande, pays natal de sa mère, puis fit ses études à Zurich (Suisse), où il rencontra son épouse Bertha. Diplômé en 1868, docteur en 1869, il enseigna successivement à Würzburg, à l’université de Strasbourg, alors possession allemande, puis à Giessen. Ses travaux de recherche concernaient principalement les propriétés thermiques et électriques de différents matériaux. Nommé directeur de l’institut de physique de l’université de Würzburg en 1888, c’est dans ce laboratoire qu’il découvrit les rayons X en 1895, ce qui lui valut le premier prix Nobel de physique de l’Histoire, en 1901.
Dans son laboratoire de Würzburg, en Bavière, ce professeur de physique travaille sur les rayons cathodiques. C’est un thème de recherche très actuel à cette époque, car il s’inscrit dans une série d’études sur les décharges électriques dans les gaz, initiées une cinquantaine d’années plus tôt par Faraday, et dont le but ultime est d’éclaircir le mécanisme du courant électrique1. Pour ces recherches, les physiciens utilisent une ampoule de verre munie de deux électrodes et reliée à un système de pompage permettant d’évacuer le gaz initialement présent dans le tube. Le plus populaire de ces systèmes a été mis au point en 1879 et est connu sous le nom de tube de Crookes.
Le tube de Crookes utilisé par Wilhelm Röntgen est donc une ampoule de verre dans laquelle règne un vide très poussé pour l’époque, de l’ordre de quelques centièmes de millimètres de mercure (soit quelques centièmes d’hectopascal). À l’époque de Röntgen, ce vide est obtenu au moyen de pompes à mercure, analogues, dans leur fonctionnement, aux trompes à eau que l’on peut faire fonctionner sur un robinet ordinaire, et où le courant de liquide entraîne des bulles de gaz vers l’extérieur de l’enceinte à vider. D’autre part, ces tubes à décharges sont munis de deux électrodes, l’une négative, la cathode, et l’autre positive, l’anode. Entre ces deux électrodes, on établit une tension élevée (de l’ordre de quelques milliers de volts), en utilisant une bobine de Ruhmkorff, semblable, dans son principe, à celles qui équipent encore aujourd’hui les automobiles .
Dans ces conditions, des rayonnements sont créés dans le tube. On les appelle « rayons cathodiques », parce qu’ils émanent de la cathode. Ils sont invisibles et ne se manifestent que par la fluorescence, c’est-à-dire l’émission d’une lumière bleutée, que leur impact provoque à l’avant du tube. Röntgen, donc, étudie les rayons cathodiques. Selon une méthode récemment mise au point par Hertz et Lenard, il a fait pratiquer, à l’avant du tube, une ouverture, une « fenêtre », où le verre est remplacé par une mince feuille d’aluminium, qui préserve l’étanchéité de l’ampoule, mais peut être traversée par ces rayons. Pour les détecter hors du tube, il utilise un écran enduit d’un sel de baryum (le platino-cyanure de baryum) dont la fluorescence est plus accentuée que celle du verre. Dans une expérience normale, le tube est enveloppé de papier noir pour absorber la lumière provenant des décharges électriques et de la fluorescence du verre, et l’écran est placé tout près de sa face avant pour détecter les rayons cathodiques ayant traversé la fenêtre d’aluminium – et le papier noir. Les décharges se succèdent dans le tube de façon discontinue, selon le rythme de fonctionnement de la bobine de Ruhmkorff.
Ce jour-là, le 8 novembre 1895, tout est en place, le tube, enveloppé de papier noir, est en fonctionnement, mais l’écran en est resté assez éloigné. Malgré cela, Röntgen remarque qu’il devient fluorescent à chaque décharge électrique dans le tu- ,be. Le physicien procède alors à une série de vérifications et de tests. Il éloigne encore l’écran, le tourne sur lui-même, interpose une planche de bois, un livre, et constate que le phénomène persiste. Röntgen sait que les rayons cathodiques ne peuvent parcourir une telle distance dans l’air, ni traverser les objets qu’il a interposés. Il en déduit qu’au-delà du tube se propage un autre rayonnement qui fait briller le sel de baryum dont est enduit l’écran. Finalement, il place sa main entre le tube et l’écran, et sa surprise atteint son paroxysme. Là, devant ses yeux, dans l’obscurité de son laboratoire, une ombre apparaît sur l’écran. Mais ce n’est pas l’ombre de sa main, c’est l’ombre du squelette de sa main !
Stupéfait, et craignant de passer pour fou, Röntgen ne parle à personne, pas même à sa femme, de cette étrange découverte. Pendant plus d’un mois, il continue à étudier, jour et nuit, en cachette, ces rayons mystérieux qu’il appellera « rayons X » pour bien marquer que leur nature et leur origine sont inconnues.
Röntgen découvre également que les plaques photographiques sont impressionnées, c’est-à-dire qu’elles noircissent lorsqu’on les expose à ce rayonnement. Lorsqu’il dévoile enfin son secret à sa femme, Bertha Röntgen, c’est pour la faire participer à une expérience inédite. Elle place sa main devant une plaque photographique et il expose le tout aux rayons de son appareil. Röntgen vient de réaliser la première radiographie au monde. Cette image, représentée sur la figure 2 deviendra célèbre sous le nom de « La main de Bertha ». Outre les os des doigts et du métacarpe, on distingue nettement la bague que l’épouse de l’illustre savant portait à son annulaire. Et on peut dire sans risque d’erreur que c’est la main de Bertha qui va lancer, en France, le processus qui aboutira bientôt à la découverte de la radioactivité.
En effet, Wilhelm Conrad Röntgen est maintenant convaincu de la réalité des phénomènes qu’il a observés. Il sait que la possibilité de visualiser les os à l’intérieur des membres en fait une découverte majeure. Le 28 décembre 1895, il publie ce résultat auprès de la Société physico-mathématique de Würzburg, et, dès le 1er janvier 1896, envoie une copie de son mémoire, accompagnée de la radiographie de la main de Bertha, aux plus éminents scientifiques européens.
Ä partir de ce moment, tout va aller très vite.
Alors qu’il n’existe, bien entendu, aucun des moyens de communication rapide de notre époque, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre dans les milieux scientifiques et médicaux. Dès janvier 1896, la grande presse s’en empare. Les lecteurs sont fascinés par l’information sensationnelle selon laquelle on peut désormais voir les os à travers le corps.
des démonstrations sont organiséés, à berlin, dès le 13 janvier 1896, puis dans toutes les grandes capitales européennes. Sur les Giaftds Boulevards, à Paris, au printemps 1896, ces séances publiques de radiographie rivalisent avec les représentations cinématographiques. Le cinéma est alors un art tout nouveau, puisque le premier film des frères Lumière a été projeté à Paris le 28 décembre 1895, le jour même de la publication des résultats de Röntgen.
Mais, dis 1902 apparaissent, chez les radiologues, les premiers cancers cutanés et les premières leucémies, produits par l’exposition répétée aux rayons X. On sait, dès lors, que ces rayons, capables de guérir le cancer, peuvent aussi le provoquer. Ce n’est cependant qu’en 1928 que des règles strictes de « radioprotec- tion » seront élaborées.
Vidéo : Les mystérieux rayons du professeur Röntgen
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