Les pays exportateurs de pétrole et de gaz et le nationalisme pétrolier
Depuis la guerre en Irak (2003) et la hausse des prix du pétrole, le nationalisme pétrolier (cas particulier de ce que l’on appelle plus généralement le nationalisme des ressources) a été relancé dans un certain nombre de pays exportateurs de pétrole et de gaz. Ce changement est fondé sur l’augmentation de la valeur économique de leurs réserves pétrolières et gazières et sur une longue histoire de la souveraineté sur les ressources naturelles. On doit garder à l’esprit l’histoire de l’industrie pétrolière (Chevalier 1975 ; Yergin, 1991). Le Mexique a été le premier pays, en 1935, après des années de domination impérialiste, à nationaliser son industrie pétrolière et à inscrire dans sa constitution la souveraineté de l’État sur les ressources naturelles. La création de l’OPEP en 1960 par l’Iran, l’Iraq, le Koweït, l’Arabie Saoudite et le Venezuela a été le résultat de longues discussions et négociations pour réclamer un contrôle accru sur la production de pétrole, les prix et la fiscalité. La plupart des pays exportateurs de pétrole ont créé leurs propres sociétés pétrolières et gazières nationales.
Les principaux pays exportateurs de pétrole et de gaz sont les 11 pays membres de l’OPEP (Les cinq membres fondateurs de 1960 plus les Émirats arabes unis, l’Algérie, le Qatar, la Libye, le Nigeria et l’Angola) aux côtés de la Russie, du Mexique, de la Malaisie et de la Norvège. Le rôle actuel et potentiel de l’OPEP sera examiné plus loin. Les questions géopolitiques essentielles sont le nationalisme des ressources, la sécurité de la demande, la malédiction pétrolière et l’instabilité potentielle.
Le nationalisme des ressources
La résurgence du nationalisme des ressources est fondée sur l’idée que l’État doit garder un contrôle absolu sur les réserves de pétrole et de gaz : les conditions d’accès pour l’exploration et la production (souvent réservées à des entreprises nationales), le rythme de développement et de production, le régime fiscal, les prix intérieurs, les conditions de l’exportation (quantités et prix). Plusieurs arguments sous- tendent cette volonté politique de contrôle. Tout d’abord, les gouvernements ne veulent pas être accusés par leur population de brader la richesse naturelle à des entreprises étrangères, ou encore à des oligarques locaux. Mon Russie, après la privatisation partielle du secteur pétrolier par lioris Eltsine, le Président Poutine a fermement restauré le contrôle do l’État sur l’industrie de l’énergie et rendu les conditions d’entrée des entreprises étrangères plus sévères. Juste avant les électrisations législatives et présidentielles (2007-2008), il était important de montrer que la richesse de la population restait sous le contrôle du Kremlin. Politiquement, Il était aussi important de montrer que la «îrande Russie » était de retour sur la scène internationale
Une autre composante du nationalisme des ressources consiste à définir une limite politique aux exportations et à garder des réserves pour les besoins internes et pour les générations futures. Cette attitude reflète ce que l’on pourrait appeler « la tentation de créer la rareté ». Pourquoi les pays riches en pétrole et en gaz voudraient-ils épuiser leurs ressources pour nourrir les systèmes énergétiques inefficaces et polluants des nations les plus riches ? Plus prosaïquement, les retards dans les investissements poussent les prix à la hausse. Les raisonnements sur les limites à la croissance de la production nationale, le souci de l’environnement et les besoins des générations futures ont été très bien analysés et appliqués par les Norvégiens lors de leurs premières découvertes de pétrole en mer du Nord au début des années 1970. Le débat du Parlement Norvégien demeure toujours l’un des documents les plus intéressants relatifs à la gestion démocratique des ressources nationales 13.
L’Amérique latine fournit la meilleure illustration d’un nationalisme pétrolier et gazier ravivé. Avec la hausse des prix du pétrole, la plupart des pays riches en hydrocarbures ont agi pour accroître la part nationale et celle de l’Etat dans les ressources pétrolières et gazières : augmentation des impôts et royalties, un plus grand rôle dévolu aux compagnies publiques, durcissement des conditions d’entrée et d’investissement pour les sociétés étrangères. Le Venezuela, la Bolivie et l’Équateur mènent le mouvement. Au Mexique, l’espoir d’une ouverture de l’amont aux investisseurs internationaux a du mal à se concrétiser, en dépit d’une baisse inquiétante de la production.
La sécurité de la demande
Pour les pays exportateurs de pétrole et de gaz, sécurité énergétique veut dire sécurité de la demande. Ils critiquent sévèrement les taxes que certains pays importateurs de pétrole placent sur les produits pétroliers et la part qu’ils prennent de la rente pétrolière. Ils ont longtemps ignoré, de même que l’industrie pétrolière internationale, la question du changement climatique. Maintenant, <1 s’inquiéter pour la sécurité de la demande. La préoccupation crois santé pour l’environnement, dans le monde entier, el les mesures qui sont prises pourraient accélérer la fin de l’âge du pétrole avec l’apparition d’un « pic de la demande ».
La malédiction pétrolière
La géopolitique des pays exportateurs de pétrole et de gaz est largement influencée par la malédiction pétrolière (chapitres 4 et 5). La structure de leur balance commerciale montre que les ventes de pétrole et de gaz représentent un pourcentage très élevé des recettes d’exportation. Cela signifie que ces pays ne sont pas en mesure d’exporter autre chose que des hydrocarbures. Les ventes de gaz et de pétrole représentent également une part importante des revenus de l’Etat. Ces économies sont fortement dépendantes du prix du pétrole et de la demande. Les revenus générés par les activités pétrolières et gazières sont répartis entre tous les participants de l’industrie : le gouvernement, les organes d’Etat et les agences publiques, les entreprises privées, nationales ou internationales. La corruption est souvent associée aux mécanismes de partage. Pour garantir la paix sociale dans le pays, une partie de l’argent est redistribuée par le biais de dépenses publiques et de tarifs subventionnés pour le gaz naturel, l’essence, le gazole, l’électricité et le butane. Ces subventions, qui représentent des milliards de dollars, aggravent les distorsions économiques et l’inefficacité énergétique (IEA, 2006). Par rapport aux prix internationaux, l’essence et le diesel sont vendus avec une subvention de 80 à 90 % du prix en Iran, en Algérie et au Venezuela. Les revenus du pétrole permettent aux gouvernements d’échapper à la dépendance financière à l’égard de la population (les revenus du pétrole remplacent les revenus fiscaux) et de ne pas se soucier, au moins en partie, de leur légitimité démocratique. L’argent du pétrole renforce le pouvoir de la classe dirigeante, mais elle pourrait aussi encourager les rébellions et révoltes, dès lors qu’il ne conduit pas au développement économique et tend à aggraver les inégalités.
Instabilité potentielle
La plupart des pays exportateurs de pétrole et de gaz ne sont pas des démocraties stabilisées. L’argent du pétrole et du gaz, la malédiction de la ressource, sont la source réelle et potentielle de conflits permanents. Les conflits peuvent provenir de l’intérieur du pays ou de l’extérieur. Les troubles sociaux au Nigeria et un certain nombre de guerres civiles en Afrique ont été motivés par l’argent du pétrole. L’intervention américaine en Irak a exacerbé les rivalités entre Chiites, Sunnites et Kurdes. La guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988), l’invasion du Koweït par l’Irak, illustrent la tentation de la violence alimentée par des achats massifs d’armes, y
compris les armas chimique et nucléaires, constitue une grave menace pour les stabilité politique .Un autre sujet de préoccupation est l’islam radical, qui se développe dans le monde musulman. Le monde musulman 1,1 est lui même une mosaïque de pays et d’ethnies. Ces pays sont plus ou moins vulnérables à l’islam radical. La pauvreté et les inégalités croissantes fournissent une base solide pour le développement du terrorisme, à la fois dans chaque pays et à l’étranger.
D’un point de vue énergétique, les risques comprennent l’apparition de régimes politiques qui limitent la production, interrompent les exportations et stoppent l’évolution vers un mode de vie occidental.
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