Les primates : La pensée et le raisonnement
Dans les sites où l’on a trouvé des ossements classé Homo hobilis, étaient des objets, des outils à la fabrication desquels une pensée conceptuelle et un raisonnement avaient été nécessaires. « L’homme est un animal raisonnable » dit-on ; il ne diffère de l’animal que parce qu’il est doté de raison. La raison a commencé avec lui et on peut aussi bien dire qu’il a commencé avec la raison. L’homme se servit certainement d’abord d’un morceau de bois, d’un os long, pour prolonger son bras ou pour se défendre. De ces outils, il reste peu de traces ; ceux qui étaient pierre ont été par contre retrouvés. On reconnaît qu’une pierre a servi d’outil ou d’arme au fait qu’elle est façonnée, taillée d’un côté ou à une extrémité pour devenir tranchante ou pointue. On en a trouvé dans des couches dont l’ancienneté remonte à près de 3 millions d’années.
Certains animaux nous disputent le privilège de l’usage de l’outil. Les fourmis ouvrières se servent de morceaux de bois spongieux pour transporter une plus grande quantité de provisions liquides. Les vautours d’Afrique orientale se servent de pierres pour briser les œufs d’Autruche. Les pinsons des îles Galapagos de brindilles tenues dans leur bec pour attraper des Insectes situés dans les fentes du sol. La loutre marine casse un coquillage à l’aide d’un galet. Au plus haut de l’animalité, les grands Singes gorilles ou chimpanzés se servent d’un bâton pour décrocher un fruit ou pour l’attirer vers la rive s’ils le voient dériver sur un fleuve. La différence essentielle serait que ces animaux utilisent un objet naturel ; qu’ils ne fabriquent pas un outil. L’outil manufacturé est au contraire conçu avant d’être réalisé.L’esprit de l’Homme diffère de celui de l’animal parce qu’il peut s’abstraire du monde des objets et se mouvoir dans celui des idées, dans un programme, dans une activité raisonnée. L’Homme qui a trouvé une source de nourriture, un point d’eau, trace un chemin de son gîte à cette source, coupe les branches, enlève les pierres, car il prévoit d’abord son retour et ensuite l’utilité future ; l’animal au contraire passe et, s’il finit par faire une piste, c’est à force de passer et non dès son premier passage. L’Homme qui est attaqué par un animal se défend avec un caillou trouvé sur le sol ; il le choisit pointu ; il n’abandonne pas après usage cette arme qui lui a servi ; au contraire, il la taille pour qu’elle devienne tranchante et facile à tenir. Il s’intéresse à cette arme en dehors du moment où il en a besoin pour se défendre car il sait que cette nécessité peut revenir. Un Singe se sert d’un bâton ramassé sur le sol pour faire tomber une banane et il l’abandonne. L’Homme vit dans le présent et dans le futur, l’animal s’abandonne à l’improvisation.
Le feu
Avant de savoir le produire, les premiers Hommes l’avaient probablement capté à partir de la foudre. Il paraissait venir du ciel. Le thème du vol du feu que l’on connaît surtout dans la version de la mythologie grecque – Prométhée volant le feu aux dieux pour l’apporter aux Hommes – se retrouve dans l’histoire . Le feu conserva longtemps un caractère sacré. A Rome, sa conservation était un acte religieux réservé aux vestales. Dans la préhistoire, le feu transforma la manière de vivre ; il permit de faire cuire les aliments, de se chauffer, de se protéger la nuit des bêtes féroces qui ont peur du feu. Les foyers les plus anciens datent d’environ 400 000 ans.
Le langage
Sinon indispensable, le langage est du moins essentiel pour que naissent chez l’Homme la pensée logique et la capacité d’abstraction. Le moment de son apparition dans la souche humaine restera à jamais inconnu car aucune structure du squelette n’est liée à son existence. « Le langage ne se fossilise pas » selon l’expression de Henry de Lumley. Tout au plus, peut-on dire que la station debout, avec le redressement de la tête et l’abaissement du larynx qui en résultent, a pu favoriser son apparition. Chez le nouveau- né, chez les chimpanzés, chez la plupart des animaux, le larynx est en position haute près de la bouche. La position basse du larynx permet d’émettre une plus grande variété de sons.
La plupart des animaux poussent des cris divers ; dans certains cas, celui du dauphin en particulier, on peut y reconnaître l’ébauche d’un langage. On est arrivé à apprendre les signes du langage sourd-muet à des chimpanzés ; ils ont pu composer des associations de mots mais sans jamais atteindre la réflexion complexe. L’homme primitif a dû d’abord produire des sons et constater qu’il pouvait les modifier, les combiner selon des conventions pour désigner des objets usuels ou exprimer des sentiments ; le langage s’est progressivement construit.
La naissance de l’art
Elle correspond à la création d’objets inutiles : bijou, dessin. Il y a environ 100 000 ans, au Moustérien (Paléolithique moyen) et plus envore, 30 000 ans au Magdalénien (Paléolithique supérieur), les outils devinrent plus variés, plus spécialisés ; parmi les pierres travaillées, on découvre des racloirs, des couteaux, des perçoirs, des pointes les plus variées et parfois très artistiques, telle que l’admirable « feuille de laurier » parfaitement symétrique et très mince. A partir du Solutréen, c’est-à-dire il y a environ 18 000 ans, en dehors de l’efficacité recherchée de l’outil, l’artisan s’est efforcé de lui donner une forme agréable symétrique ou figurative telle que la tête d’un animal. Il sculptait sur la pierre ou sur un bois de cerf une « Vénus préhistorique ». Il peignait : les peintures pariétales rupestres des grottes qui datent de 10 000 à 20 000 ans sont surtout concentrées dans le sud de la France (Lascaux) et le nord de l’Espagne (Altamira). Cet art caché, peut-être sacré, était situé dans des grottes d’accès parfois difficile.
Le culte des morts
Le culte des morts est aussi un indice d Humanisation. L’animal abandonne ses morts, passe et se détourne e p .s souvent sans paraître prêter attention. L’homme n’est probablement jamais resté indifférent devant la mort. Les sépultures indiscutables datent de époque de l’Homme de Neandertal : 95 000 à 35 000 ans av. J.-C. Les cadavres sont saupoudrés d’ocre rouge et ils portent des parures colliers, pendeloques ; ils sont souvent en position foetale, c’est-à-dire en flexion les genoux au menton, ce que l’on retrouve dans les tombes pré-incaiques de Paracas au Pérou ; ils ont été placés dans des sortes de construction limitée par des plaques de pierre.
L’écriture
L’écriture est née bien après le langage. On considère généralement que la civilisation a commencé le jour où les Hommes ont communiqué par des signes graphiques. L’écriture représente un tournant capital de l’évolution humaine. Avec le premier texte écrit cesse la préhistoire et commence l’histoire. Le message oral n’assure pas la permanence et la transmission. « Verba volant, scripta manent ». Les premières inscriptions furent probablement des dessins réalisés avec des argiles colorées sur les parois des cavernes.
Si tous les Hommes sont des Hominidés, tous les Hominidés ne sont pas des Hommes. Quel est celui des Hominidés qui a franchi la frontière qui sépare l’animalité de l’humanité et qui fut le premier représentant du genre humain ? Ce ne sont ni des critères morphologiques, le cerveau de l’Homme ne présente aucune particularité, ni des critères biologiques et génétiques, car il y a peu de différences de ce point de vue avec les Singes anthropomorphes et donc avec les préhumains et entre les humains. Il faut donc s’en tenir aux critères psychiques, à la preuve de l’existence d’une pensée réfléchie. L’homme habile (Homo habilis) a laissé des outils de pierre dont la conception et la fabrication nécessitent un raisonnement intelligent. Est-ce suffisant pour en faire un Homme au sens plein du terme malgré son cerveau de 5 à 600 g ? L’homme dressé (Homo erectus) fournit des arguments plus lourds : pierres taillées en instruments spécialisés diversifiés, domestication du feu, premiers campements, vie en société… ? L’Homo sapiens (Neandertal, Cro-Magnon, Chancelade, Grimaldi) fait preuve de réflexion et de capacité d’abstraction et d’imagination ; il enterre ses morts… Il fait partie de l’humanité.
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