Les primates : Le premier homme
La nature animale ou humaine d’un fossile est établie sur : 1 ) les particularités du cerveau lorsque les pièces osseuses recueillies permettent de les reconnaître, 2) l’existence pouvue d’une pensée rationnelle : Homohabilis, Homo erectus, Homo sapiens, stades évolutifs d’une même espèce. Quel est celui qui mérite le premier le nom d’Homme .
Les critères morphologiques
L’Homme est semblable à tous les Primates, et même à tous les Mammifères, par ses organes, ses tissus, ses cellules, ses humeurs. La station érigée et la bipédie précèdent l’Homme ; déjà les Australopithèques, et même avant eux les Primates, se dressaient et marchaient verticaux. Seule la croissance de l’Homme diffère car elle est beaucoup plus lente, ce qui lui permet d’aller plus loin. L’argument génétique ne tient pas davantage car, entre l’Homme et les Singes qui lui sont proches, chimpanzé, gorille… la différence est très faible.
Les particularités du cerveau qui permettent de reconnaître la nature humaine sont de quatre ordres : accroissement de volume, extension ou perfectionnement de certaines formations, apparition de formations nouvelles, modifications des types de neurones.
Le volume du cerveau
Son poids absolue ne représente pas un critère puisque celui de certains animaux est le même : dauphin, et même plus lourd : baleine, éléphant, et puisque celui de certains Hominidés pesaient beaucoup moins que le nôtre. Le poids relatif, c’est-à-dire le rapport avec le poids du corps, a plus de valeur. L’Australopithèque a un cerveau qui ne dépasse pas 600 g ; de l’Homo habilis, Homo erectus, à Y Homo sapiens, la capacité crânienne passe de 600 g à 13-1 400 g, en deux à trois millions d’années, alors qu’elle n’avait guère varié pendant les dix millions d’années antérieures. H.V. Vallois avait fixé à 800 grammes la ligne frontière qu’il appela « le rubicon » qui pouvait permettre de conclure que l’on a affaire à un crâne d’Homme ou à un crâne de Singe. Il a fallu abaisser cette frontière ; l’Homo habilis, dont le cerveau ne dépassait pas 600 g, était classé parmi les humains puisqu’il avait une activité créatrice. L’Homo erectus a une capacité crânienne qui varie de 900 cm3 à 1 000 cm3. L’Homo sapiens a un cerveau qui pèse en moyenne 1 300 g ; celui du Neandertalien atteint souvent 1 500 g, c’est-à-dire plus que ceux de l’Homo sapiens et des Hommes actuels (1 400 en moyenne). Le poids absolu du cerveau n’est donc pas un critère : les Singes anthropoïdes actuels ont un cerveau du poids du cerveau de Y Homo habilis. Le poids relatif a plus de valeur car un gorille pèse 150 kg et l’Homo habilis pesait 50 kg.
L’expansion de certaines formations ?
On ne peut pas avoir une idée précise de la morphologie cérébrale à partir des crânes de fossiles. Les voûtes crâniennes portent l’empreinte des vaisseaux des méninges mais absolument pas celle des vaisseaux du cerveau. Les reliefs correspondant aux sillons et circonvolutions ne sont pas appréciables, tout juste reconnaît-on la vallée de la scissure de Sylvius et par là le lobe temporal… On peut davantage tenir compte de la forme et de la hauteur du crâne. Il y a lieu de rappeler que le crâne des Mammifères se modifie progressivement : 1) la rotation occipitale a déplacé vers l’avant le trou occipital qui repose sur la colonne vertébrale, 2) le massif facial s’est réduit en raison du remplacement de la préhension maxillaire par celle des membres.
La forme du crâne et donc du cerveau s’est modifiée : celui du chimpanzé et du gorille, bien que moins volumineux, présentent déjà une certaine ressemblance. La tête des préhumains et des premiers humains était étroite et allongée, de type dolichocéphale ; la région frontale était moins haute et moins large. Le cerveau de l’Homo erectus (sinanthrope) est allongé, étroit et aplati. Ses circonvolutions ont un aspect gracile… Celui de l’Homme de Neandertal est plus arrondi, il bombe à ses extrémités. Celui de l’Homo sapiens est plus gonflé latéralement au niveau du lobe temporal. On peut admettre que, de l’Homo erectus à l’Homo sapiens, le cerveau s’est « humanisé ». Il est difficile d’apprécier cette évolution région par région. Il est certain que la dolichocéphalie (crâne long et étroit) a précédé la brachycéphalie (crâne large). Les primitifs actuels (Australie) sont dolichocéphales. L’accroissement en largeur du cerveau correspond probablement au développement des lobes temporaux et pariétaux qui ont un rôle important dans les processus psychiques. Actuellement, il y a autant de dolichocéphales que de brachycéphales. Au nord et au sud de l’Europe, prédominent les dolichocéphales, au centre il y a plus de brachycéphales.
La hauteur du crâne augmente aussi progressivement au cours de l’évolution des Hominidés. Elle représente 35 % de la longueur chez le Pithécanthrope, 40,5 % chez l’Homme de Neandertal, 42,5 % chez l’Homme actuel. Le développement en hauteur du crâne s’accompagne du redressement de la voûte crânienne frontale qui s’est réalisé dans l’évolution qui va du Singe à l’Homme actuel. Il correspond au développement des lobes frontaux dans lesquels s’élaborent les opérations mentales, réflexion, idéation ; leur volume représente 40 % de celui des hémisphères cérébraux ; le cerveau de l’Homme de Neandertal pesait autant que le nôtre, mais l’inclinaison de son front laisse supposer que son lobe frontal était moins haut.
En somme, le cerveau s’est accru en largeur,et correspond à l’extension des centres dits processus psychiques.
L’écorce cérébrale a dû se plisser pour contenir dans la cavité crânienne, ce qui provoque la présence des sillon s et des circonvolutions. Chez l’Homme actuel les deux tiers de sa surface sont cachés dans la profondeur des scissures et des sillons : la surface visible est moins étendue que celle qui est cachée. On ne peut estimer ce qui en était chez les Hommes fossiles que grâce au degré de sphéricité du cerveau qui traduit l’expansion des circonvolutions ; plus le cerveau est globuleux, plus on peut déduire que les circonvolutions sont développées. Il n’est pas douteux que les lobes frontaux, pariétaux et temporaux sont aplatis et graciles chez le Sinanthrope (Homo erectvs) alors qu’ils sont gonflés chez l’Homo sapiens. Les moulages nous apprennent que le cerveau du Sinanthrope ne présente un certain relie de convexité que dans la région occipitale : cerveau visuel et dans la réc:on centrale : aires motrices et sensitives, ce qui signifie qu’il avait usage de ses mains et connaissance de son corps… Par contre, les aires psychiques sont moins développées que les nôtres, et la faible saillie du lobe temporal dans la région de la gnosie auditive peut faire conclure à I absence de langage… ? Le Sinanthrope, malgré une morphologie crânio-faciale humar sée malgré les rudiments d’outils et les traces de foyer, n’a cas un développement cérébral et des facultés psychiques de l’Homo sapiens.
La particularité principale du cerveau de l’Homme est donc l’étendue de son écorce cérébrale (néocortex) .Les mates ont moins de circonvolutions et de sillons corticaux. La surface corticale de l’écorce cérébrale de l’Homo
sapiens atteindrait 22 260 cm3: ce Ile du grand gorille n’est que de 5 400 cm3. L’écorce cérébrale d’un singe anthropomorphe compte 3 milliards de cellules provenant de31 divisions cellulaires. Celle de l’Homme comprend 9,5 milliards de celules provenant de 33 divisions cellulaires. Deux millions supplémentaires semblent suffisants pour passer du cerveau d’un anthropomorphe à celui de l’Homme.
L’extension se trouve donc importante au niveau de l’écorce cérébrale, mais pas de toute sa surface car elle est hétérogène. Ce ne sont ni les aires primaires et secondaires sensorielles ou notrlces, dont l’étendue est proportionnelle à celle des surfaces cutanées et des masses musculaires (ce qui explique le poids des cerveaux de I éléphant et de la baleine), et représente la raison pour laquelle ces aires qui correspondent à la sensibilité et à la motricité de la main sont plus étendues que celles du pied. Ce ne sont pas non plus les aires tertiaires de gnosie et de praxie qui sont aussi corrélatives des fonctions sensitives et motrices et dont l’étendue et la qualité sont en rapport avec la finesse des sensations et des mouvements. Les aires corticales dévolues à la main et à la face ont chez l’Homme une étendue proportionnelle non à l’étendue de la main et de la face mais à leur importance fonctionnelle : gestes, adresse, expression verbale, mimique, langage… La différence d’étendue de l’écorce cérébrale siège, à l’évidence, au niveau des aires corticales appelées muettes ou associatives (car elles ne sont ni motrices ni sensitives), et elles correspondent aux fonctions supérieures : intégration, processus mentaux, mémoire, pensée, parole. Ellessont situées surtout dans les lobes frontaux et temporaux. Au XIXe siècle, Jackson (1865) situait le siège de l’intelligence dans les lobes frontaux. D’autres, tels que Munk (1 881), soutiennent au contraire que toute l’écorce cérébrale y participe. Les neurologues ont reconnu depuis que les lésions des lobes frontaux déterminent des troubles psychiques, de la personnalité, du caractère et de la mémoire. Les opérations de psychochirurgie sur les lobes frontaux ont fourni la preuve que les opérés restaient capables de réflexion, de jugement, de mémoire. L’intelligence est une fonction de l’ensemble du cerveau. L’humanité se sépare de l’animalité par quelques cm3 de substance grise corticale frontale en plus. Elle représente 24 % de l’étendue de l’écorce cérébrale chez l’Homme et 1 6 % chez le Singe le plus évolué.
Il est impossible d’apprécier, d’après l’examen d’une voûte crânienne, ce qui en était chez l’Homo habilis, chez l’Homo erectus, et chez les premiers Homo sapiens. On a pu seulement parfois découvrir, d’après situation de la scissure de Sylvius, qu’elle était plus haute à gauche qu’à droite, ce qui correspondrait peut-être au fait que dans le lobe temporal gauche se trouve le centre du langage I?
De l’Homo habilis à l’Homo sapiens, le cerveau n’a pas seulement augmenté de volume, il s’est aussi perfectionné ; la surface corticale non spécialisée s’est enrichie de centres sensoriels plus précis (vision, audition, toucher) et de centres d’intégration et de mémoration, de création, d’imagination, de communication plus perfectionnés.
Des formations nouvelles
Il n’y en a pas. Toutes les formations de l’encéphale de l’Homme se retrouvent dans celui des Primates, et même des Mammifères et de les Vertébrés. Il est toujours constitué par un tronc cérébral (myélencéphale, métencéphale, mésencéphale), par un cerveau (diencéphale, télencéphale). Le télencéphale lui-même a des noyaux, une écorce, une substance blanche, des ventricules. La neurophysiologie et la régulation chimique sont les mêmes.
Des types de neurones différents
Le nombre des grandes cellules pyramidales, cellules de Betz qui sont dans la circonvolution frontale ascendante et dont dépend la motricité volontaire atteint 34 000 chez l’Homme, 28 000 chez le chimpanzé ; eles sont plus volumineuses chez l’Homme. Les connexions interneuronales sont plus nombreuses.
Vidéo: Les primates : Le premier homme
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