Les produits cancérigènes
Il est désormais clair que l’alimentation joue un rôle primordial dans la genèse des cancers. En effet, les grands facteurs cancérigènes sont avant tout la suralimentation, les déséquilibres alimentaires (trop de graisses au détriment des fibres végétales), l’alcool et le tabac, tous ces facteurs prédisposant aux cancers digestifs et pulmonaires. S’il est possible, individuellement, de contrôler et d’améliorer son alimentation, il est beaucoup plus difficile d’évaluer sur soi-même les effets des produits chimiques ou autres, qui ne se manifestent qu’à long terme et à l’échelle d’une population entière.
Les additifs alimentaires
Les additifs alimentaires regroupent de très nombreux produits. Ce sont les colorants, les conservateurs (antioxydants, antilevures, antibactériens), les acidifiants, les émulsifiants et stabilisants, les ex- hausteurs de goût, les agents de surface, les agents de texture, les édulcorants, dont la liste impressionnante fait de chaque étiquette un véritable roman. On les trouve partout : dans le vin et la bière, les pâtisseries et le pain, les biscuits, les aliments en conserve. Seuls les petits pots pour bébés en sont relativement protégés en raison d’une législation draconienne sur la nourriture des tout-petits.
Les colorants, édulcorants, etc.
• Les colorants
Parmi tous ces additifs alimentaires que nous consommons chaque jour, les colorants sont les plus nombreux. Ils sont désignés par la lettre E suivie d’un numéro entre 100 et 200.
La plupart de ces produits qui sont utilisés en confiserie, en pâtisserie ou en charcuterie, sont heureusement sans danger.
Cependant, un certain nombre de ces produits a un rôle cancérigène reconnu ou suspecté. Il s’agit par exemple des colorants alimentaires ; les plus dangereux, désormais interdits, sont le rouge Soudan, le brun Soudan, la chrysodine, ainsi que l’amarante, ce colorant rouge qui a été prohibé dans l’industrie alimentaire en 1978.
• Les édulcorants
Si les édulcorants de synthèse à base de saccharine, de cyclamate sodique se sont également révélés nocifs lors d’expérimentation à fortes doses chez l’animal, ils ne présenteraient aucun danger aux doses habituelles. Ce n’est pas le cas d’un certain nombre de ces produits qui font l’objet d’un alarmisme constant. C’est le cas de l’aspartame (édulcorant utilisé dans de très nombreux produits diététiques ou non), des ni tri tes et des nitrates.
De nombreuses études, au cours des dernières décennies, ont essayé de prouver que l’aspartame, par exemple, est un produit cancérigène ou toxique pour le cerveau. La dernière d’entre elles, publiée en 2005, nul une étude faite sur le rat, qui prouverait que dans certaines condi- IIons l’aspartame pourrait être cancérigène. Ceci demande encore à Pin: confirmé et ne concernerait pas l’aspartame consommé par l’homme aux doses usuellement recommandées.
Les conservateurs
Les nitrosamines sont des substances qui se forment à partir des dérivés nitrés, et qui ont un rôle connu dans la genèse de certains cancers, en particulier ceux de l’estomac. Ces dérivés nitrés sont utilisés sous forme de nitrites dans l’industrie alimentaire, comme agents conservateurs. On les emploie, par exemple dans la fabrication du jambon (ce sont eux qui donnent au jambon sa célèbre couleur rose !), du saucisson et de certains fromages. Ils servent à la conservation et aussi à la protection des denrées contre la prolifération de certaines bactéries, comme Clostridium botulinum, à l’origine du botulisme (voir page 127).
L’utilisation intensive d’engrais à base de nitrates ou l’accumulation dans certaines régions d’excréments animaux, comme le lisier de porc, contamine la nappe phréatique et augmente le risque d’eutrophisation. Ce risque, qui schématiquement consiste en 1’« enrichissement » de l’eau par les engrais, provoque une prolifération de la végétation aquatique (les algues), ce qui entraîne une diminution de l’oxygène de l’eau et, par conséquent, une disparition des poissons.
Le rôle des nitrates
On s’interroge depuis longtemps sur l’éventuel rôle nocif des nitrates dans l’alimentation. Les nitrates sont des composants essentiels des plantes, et toutes les plantes en contiennent, en quantité très variable. La température (en fonction de la saison) et la lumière influent également sur les taux de nitrates. Il existe ainsi des aliments à très fort taux de nitrates, comme les épinards ou les radis. Les nitrates et nitrites, utilisés par l’industrie alimentaire comme agents de conservation, ne représentent qu’une faible part de notre absorption quotidienne de nitrates. Pour la santé humaine, les nitrates en eux-mêmes ne sont pas dangereux, et une grande partie est excrétée via les reins.
Seul un faible pourcentage des nitrates circule dans le sang et les glandes salivaires dans la cavité buccale, où ils sont transformés par des bactéries en nitrites, qui sont eux bel et bien néfastes. L’absorption directe de nitrites au départ de l’alimentation est faible. Les concentrations de nitrites dans l’estomac sont beaucoup plus importantes dans la mesure où les nitrates sont transformés en nitrites, tant dans l’alimentation que dans la salive. Chez des adultes sains, environ 5 % de la quantité totale de nitrates absorbés est transformé en nitrites. Le problème est que chez les nouveau-nés, ce pourcentage peut augmenter jusqu’à 80 % et entraîner une perturbation de l’hémoglobine sanguine (la méthéglobinémie) responsable d’un défaut de transport de l’oxygène par le sang, provoquant une coloration bleue de la peau. Il est donc fortement recommandé de ne pas utiliser des eaux riches en nitrates pour la préparation des biberons des nourrissons (la quantité de nitrates est obligatoirement indiquée sur l’étiquette des eaux minérales). Chez un adulte, les nitrites ne sont dangereux que s’ils se lient dans l’estomac à des acides aminés, formant ainsi des nitrosamines, qui sont de potentiels agents cancérigènes. La quantité de nitrates tolérée dans l’eau de boisson est de 50 milligrammes/litre. Dans les légumes et végétaux, les taux de nitrates peuvent atteindre de 2 à 4 grammes/kg.
Les toxines
Les bactéries et les champignons sont nocifs par eux-mêmes, C’est-à-dire par leur seule présence dans le corps humain, obligeant (‘elui-ci à mettre en jeu des mécanismes de défense, dont les plus con- mis sont la fièvre et l’inflammation. Mais les bactéries et autres éléments étrangers peuvent également produire des « poisons » ou loxines qui ont leurs propres propriétés toxiques ou bénéfiques. Par exemple, le botulisme ou le tétanos sont des maladies provoquées par des toxines bactériennes. À l’inverse, la pénicilline et autres antibiotiques produits par les bactéries ou les champignons sont des » toxines » qui sont devenues des remèdes. Les toxines produites par les champignons ou moisissures, responsables parfois d’intoxications alimentaires, sont appelées mycotoxines.
Les mycotoxines
Qu’est-ce que les mycotoxines ?
Les mycotoxines sont des toxines produites par des moisissures présentes dans l’alimentation, en particulier les céréales, le lait et la viande. Les effets nocifs des mycotoxines sont connus depuis fort longtemps, pour certaines d’entre elles, mais c’est seulement depuis une trentaine d’années qu’elles commencent à être répertoriées. À ce jour plus de 300 mycotoxines sont connues, rendant difficiles la prévention et leur élimination.
Une vingtaine de mycotoxines est considérée comme dangereuse. Il s’agit en particulier du groupe des aflatoxines, produites par la moisissure Aspergillus flavus, que l’on rencontre surtout dans le lait. L’ochratoxine A, également très dangereuse, est produite par Aspergillus ochraceus ou Pénicillium verrucosum. On la rencontre dans le maïs, l’orge, les tourteaux, dans la bière et le lait, la viande de porc. On connaît également la toxine T2, les trichothécènes, produites par le fusarium (maïs, blé, orge), ainsi que la zéaralénone, la patuline, la ci- trinine, les trémorgènes neurotoxiques, responsables de nombreuses maladies animales.
• Un poison naturel
Les moisissures, et donc les mycotoxines, ne sont pas à proprement parler des agents polluants de l’environnement, mais des poisons en quelque sorte naturels, qui peuvent se développer chaque fois qu’il y a production et stockage d’aliments. Elles sont responsables d’intoxication dont les degrés de gravité sont variables en fonction de la quantité, des individus, des maladies bactériennes ou virales concomitantes. Parmi les maladies aiguës qu’elles provoquent, les plus connues sont l’ergotisme (gangrène des extrémités, troubles nerveux), et toutes sortes de maladies bien connues des vétérinaires, comme l’eczéma facial des ruminants, l’hyper-œstrogénisme du porc, la maladie du mélilot gâté, la sialorrhée des ruminants, la dermatose des manipulateurs de céleri, la néphropathie endémique des Balkans, et des dizaines d’autres maladies qui apparaissent sous forme d’épidémies localisées.
Les mycotoxines, à des degrés divers sont cancérigènes, tératogènes (pouvant créer de graves malformations sur le fœtus), immunosup- presseurs, œstrogéniques, la classe la plus dangereuse étant l’afla- toxine, en raison de son action carcinogène.
Toutes les plantes cultivées peuvent être contaminées par des mycotoxines, lorsque sont réunies des conditions de chaleur et d’humidité qui favorisent le développement des moisissures. Pour des raisons évidentes de climat, les pays tropicaux sont plus atteints, mais aucune région du monde n’est épargnée lorsque les conditions de stockage des aliments sont inadéquates.
L’ergotisme et les intoxications par des mycotoxines
Au Moyen Âge, on connaissant déjà le « feu sacré » ou « feu de Saint-Antoine », maladie provoquée par des alcaloïdes sécrétés par une moisissure (l’ergot de seigle, d’où le nom d’ergotisme donné à cette maladie), responsable de véritables hécatombes, et qui se manifestait par des gangrènes, des convulsions et des hallucinations. La citréviridine, active au Japon, était responsable de paralysie et de mort par arrêt respiratoire. En Sibérie, la toxine T2 provoquait des nécroses de la bouche et des maladies sanguines. De nombreuses maladies ont été décrites au cours de l’histoire, dont on sait maintenant qu’elles sont le résultat d’intoxications par des mycotoxines, comme des épidémies de maladies rénales, d’hépatites, et de morts inexpliquées de troupeaux entiers.
En fin de nombreuses mycotoxines ont un effet cancérigène confirmé, rn particulier au niveau du foie (aflatoxines), du rein, du poumon et île l’intestin. Plusieurs études ont attesté la relation entre les mycotoxines et l’augmentation de certains cancers observés en milieu pro- lossionnel. Le risque semble moins évident pour la population générale, mais on aurait constaté un taux de moisissures cancérigènes plus important dans les habitations où vivent des patients porteurs de cancers par rapport à celles dans lesquelles vivent des personnes non malades.
Les effets des mycotoxines
Les mycotoxines peuvent détruire les cellules de l’immunité (lymphocytes) et ont une action avérée sur le système nerveux : en dehors de l’ergotisme que nous avons déjà évoqué, elles provoquent des maladies à tremblement chez l’animal et elles seraient peut-être responsables de syndromes de fatigue chronique.
La prévention des mycotoxines
La lutte contre les mycotoxines est difficile, car leur connaissance est encore récente. La première mesure consiste à limiter autant que possible le développement des moisissures, par le séchage et la ventilation des récoltes à toutes les étapes du processus de production, de stockage et de transport, par l’utilisation de fongicides et par l’aération des habitations. Dans presque tous les pays, des réglementations sont mises en place pour limiter la présence de mycotoxines dans les aliments. Par exemple, pour les aflatoxines, le seuil toléré est de 1 nanogramme/mètre3 dans les poussières atmosphériques.
Les toxines marines
Comme les mycotoxines, les toxines marines sont responsables de nombreuses maladies. Si ces maladies sont parfois connues depuis fort longtemps, les toxines elles-mêmes n’ont été répertoriées que très récemment. On les trouve dans les poissons, les crustacés, les algues, surtout dans les régions tropicales et les régions côtières à forte densité humaine. Elles sont présentes dans le monde entier, sous forme d’épidémies sporadiques, du fait d’un ensemble complexe de phénomènes environnementaux, allant du réchauffement climatique à la pollution des eaux marines, l’eutrophisation des côtes, ou le transport de nouvelles algues par les coques des bateaux. Selon les spécialistes, il est encore trop tôt pour affirmer une relation directe entre une perturbation de l’environnement et le développement des toxines marines.
Les maladies
Les maladies provoquées par les toxines marines sont l’intoxica4 tion amnésique par les fruits de mer, l’intoxication diarrhéique, l’intoxication neurologique, l’intoxication paralysante. Toutes ces maladies, plus ou moins graves, associent des troubles neurologiques, en particulier des pertes de mémoire, des vertiges, des troubles musculaires respiratoires et des troubles intestinaux. On compte par exemple chaque année 2 000 cas d’intoxication paralysante, avec près de 10 % de décès. On peut citer également la ciguatera, intoxication grave débutant quelques heures après la consommation d’un poisson contaminé, et que l’on rencontre fréquemment dans les Caraïbes, Cette maladie se manifeste par des troubles gastro-intestinaux auxquels s’associent rapidement des signes neurologiques, avec douleurs articulaires et troubles moteurs des membres. Cette maladie fréquente et récurrente, qui s’aggrave à chaque épisode, est encore peu étudiée. Elle est associée à la consommation de poissons bien sûr, mais aussi à la consommation d’alcool, à l’activité physique ou aux relations sexuelles. L’hypothèse toujours non confirmée est que la toxine (une ciguatoxine) s’accumulerait dans le tissu adipeux et serait libérée dans la circulation sanguine lors d’un effort physique.