Les réacteurs à neutrons rapides
Les réacteurs à neutrons rapides
Les neutrons thermiques, qui provoquent la fission de l’uranium 235, interagissent également avec l’uranium 238 qui compose 96,5 % du mélange combustible en produisant du plutonium 239, qui est, comme l’uranium 235, un isotope fissile. Une partie de ce plutonium est à son tour « brûlé » par fission, mais la plus grande part subsiste en tant que « déchet » dans le combustible irradié lorsque celui-ci est retiré du réacteur. L’idée d’exploiter cette conversion de l’uranium 238, qualifié de « fertile » en un produit fissile est ainsi venue tout naturellement aux ingénieurs du nucléaire. Une des solutions, actuellement exploitée, consiste à séparer le plutonium des autres déchets afin de le réintroduire sous forme de combustible.
Mais une autre approche, beaucoup plus séduisante a été imaginée. Il s’agissait de construire un réacteur dans lequel la production du plutonium à partir de l’uranium et sa combustion par fission s’opéraient de façon continue. La mise en œuvre de cette technique nécessitait de réaliser des réacteurs d’un type différent, dans lesquels la fission était produite directement par les neutrons rapides. Cette modification comportait deux conséquences importantes :
– la probabilité de capture des neutrons rapides par les produits fissiles étant notablement plus faible, la charge initiale de ces réacteurs en produits fissiles (239Pu) devait être plus importante (de l’ordre de 15 % du mélange uranium-plutonium) ;
– l’eau, qui est un ralentisseur de neutrons, ne pouvant plus être utilisée comme caloporteur, on devait avoir recours à un métal fondu.
La France s’est d’emblée classée parmi les pionniers de cette technique en construisant, tout d’abord, à Cadarache, en 1967, un réacteur d’essai, nommé Rapsodie, puis à Marcoule, le réacteur expérimental Phénix, qui fut capable de fournir de l’électricité en décembre 1973, et enfin, Superphénix. Ce réacteur à neutrons rapides d’une puissance électrique de 1200 MW, réalisé par un consortium européen, entrait en service à Creys-Malville en 1985. Phénix et Superphénix doivent leur nom au fait que, tel l’oiseau mythique qui renaissait de ses cendres, ils régénèrent en permanence le combustible 239Pu à partir de l’uranium présent dans leur cœur. C’est pourquoi on qualifie ce type de réacteurs de « régénérateurs » ou « surgénérateurs ».
La construction de Superphénix constituait à la fois une prouesse technique et un défi ambitieux. En effet, elle impliquait notamment l’utilisation, comme fluide caloporteur, de sodium fondu. Or ce métal alcalin, très réactif avec l’eau et avec l’oxygène de l’air, représente un danger potentiel important en cas de fuites, ce qui ne manqua pas d’inquiéter les populations riveraines de la centrale. D’autre part, comme on aurait dû s’y attendre, cette centrale, qui était en fait un prototype d’installation industrielle, eut à subir un grand nombre d’incidents qui interrompirent fréquemment son fonctionnement, rendant son coût prohibitif en termes de rentabilité. Qui plus est, des fissures dans certains circuits confirmèrent les craintes sur les risques de feux de sodium et de dissémination de la radioactivité. Les contraintes sur l’énergie et ses coûts n’étant pas encore assez fortes pour justifier les investissements qu’auraient nécessité la remise en état du réacteur ou la construction d’une seconde centrale du même type, le gouvernement français finit par céder à la pression écologiste et Superphénix fut arrêté en 1997.
Ce type de réacteur présente cependant un intérêt certain, et la filière RNR (réacteurs à neutrons rapides) est au cœur des études actuelles concernant la production future d’énergie nucléaire132. Superphénix serait-il en train de renaître de ses cendres ?
Vidéo : Les réacteurs à neutrons rapides
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