Les relations entre micro et macroévolution
Les relations entre micro et macroévolution
L’exemple du chiridium des Tétrapodes est très pratique à de multiples points de vue. Il se fossilise très bien et on le retrouve donc fréquemment, dans de nombreux types d’environnement. Selon le degré de modification qu’il subit, on peut l’utiliser dans des scénarios micro (Équidés) ou macro évolutifs (Tétrapodes et Oiseaux). Dans les deux derniers exemples que nous venons de développer, on peut identifier un certain nombre de similitudes. À chaque fois, on voit des structures réorientées vers des fonctions qu’elles n’accomplissaient pas au moment de leur mise en place. Par exemple on conçoit mal la différence au plan fonctionnel en milieu aquatique entre une nageoire pluribasale et une nageoire monobasale. Elles fonctionnent toutes les deux et on peut simplement s’interroger sur leur origine, nous y reviendrons. Il n’y a sans doute pas à rechercher dans la mise en place du chiridium, en milieu aquatique, de scénario adaptatif. Mais seul ce type de nageoire a permis la construction d’un membre efficace en absence de poussée d’Archimède. En ce qui concerne l’aile, on a vu qu’elle dérive vraisemblablement d’un organe de capture des proies chez un animal coureur, quant à la plume la plupart des paléontologues l’associe à la thermorégulation. Nous sommes là en présence d’exemples d’exaptation, c’est-à-dire de réutilisation d’une structure préexistante dans une autre fonction, à laquelle elle se trouve ainsi adaptée. Ces réorganisations sont très importantes car elles permettent la réalisation de nouveaux plans d’organisation et donc d’enclencher des processus de macro évolution.
Cependant comme nous l’avons dit, l’apparition d’un nouveau taxon semble nécessiter « l’invention » rapide et simultanée de nouvelles structures caractéristiques du nouveau groupe. Par exemple, concernant l’émergence des Tétrapodes à partir des Poissons il est difficile d’admettre que toutes les structures nécessaires à la vie en milieu aérien sont mises en place en même temps. Mais d’un autre côté, il est également difficile d’admettre l’existence de formes possédant des structures intermédiaires. Par exemple, si une nageoire sert à nager et une patte à marcher, entre les deux cela ne sert à rien et celui qui possède un tel organe intermédiaire mourra sans descendance. C’est la première limite à l’application, à la macro évolution, des modèles graduels de spéciation.
Il existe une autre limite : les formes intermédiaires de ces grands sauts évolutifs semblent en règle générale inconnues malgré leur probabilité élevée d’existence. En effet, si l’évolution se fait graduellement, la probabilité de trouver des formes intermédiaires entre des groupes d’ordre supérieur (entre Poissons et Tétrapodes par exemple, un changement qui a dû prendre du temps, selon le modèle graduel) est supérieure à celle de trouver des formes intermédiaires entre des espèces. Or c’est l’inverse qui se produit, des formes intermédiaires entre espèces fossiles sont souvent connues en abondance et généralement inconnues pour les transitions évolutives de niveau supérieur. Les ouvrages de zoologie qui présentent le passage d’un membre horizontal à un membre transversal puis parasagittal lors de l’évolution des vertébrés aériens sont ainsi bien obligés de reconnaître que le premier palier de cette lignée évolutive n’a jamais été trouvé à l’état fossile (Beaumont & Cassier 1997). De même, Archœopteryx a déjà le corps couvert de plumes. La lignée hominienne n’échappe pas à cette règle : l’analyse des hominidés fossiles découverts ces dernières années les ont fait rapidement passer du statut enthousiasmant de chaînon manquant à celui de cousin placé sur une branche latérale. Comme le fait remarquer Denton (1988), l’argument selon lequel ces formes intermédiaires fossiles n’auraient pas encore été découvertes perd de sa pertinence au fur et mesure que les paléontologues fouillent les dépôts sédimentaires.
Toutes ces réserves sont recevables si les formes intermédiaires ont été nombreuses et si elles ont vécu longtemps. Elles seront également valables si la transition s’est faite uniquement par l’acquisition de structures totalement nouvelles, adaptées. Or l’exemple des Tétrapodes conduit à les rejeter en partie car la réinterprétation des collections de fossiles et la découverte de nouveaux spécimens a fait apparaître sinon des formes de transition du moins des formes présentant des caractères intermédiaires, limitant ainsi le nombre d’événements nécessaires au changement évolutif ou plus exactement les étalant dans le temps et les échelonnant. Ces événements s’accumulent alors progressivement, accompagnés de processus d’exaptation, de telle sorte que l’on peut dire, bien que de nombreuses incertitudes demeurent, que la macroévolution est une micro évolution qui aurait particulièrement bien réussi. En effet, si les transitions permettant la mise en place de nouveaux plans d’organisation se déroulent sur de courtes périodes au sein de lignées relativement restreintes, la réalisation d’un plan adaptatif enclenche alors la radiation. La réussite de la macroévolution est la plupart du temps liée à des radiations adaptatives dans des niches écologiques jusque là inoccupées ou récemment libérées. C’est le cas de la sortie de l’eau chez les Tétrapodes ou de la conquête des airs par les oiseaux.
Vidéo: Les relations entre micro et macroévolution
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