Les souvenirs d'enfance de Goethe et de Léonard de Vinci
Les souvenirs
Le poète et peintre surréaliste Salvador Dali commence, certes, son autobiographie en évoquant ses souvenirs de la période où il était dans le ventre de sa mère. Mais il est connu pour son humour dévastateur. Jean Piaget, le plus célèbre, sans doute, des spécialistes du développement intellectuel de l’enfant, raconte dans l’une de ses publications un incident qui lui était arrivé alors qu’il avait un an, ce qui surprit fort ses collègues. Jusqu’au jour où Piaget découvrit – et expliqua – que cet épisode lui avait été raconte, en réalité, par sa gouvernante alors qu’il avait une dizaine d’années. C’est presque toujours le cas pour ce qu’on croit être de très anciens souvenirs de la petite enfance : ils proviennent la plupart du temps de l’entourage, et sont mémorisés à l’adolescence.
On peut aussi remarquer que les deux exemples que cite Freud à l’appui de sa thèse et sur lesquels il a longuement écrit, sont extrêmement discutables. Le premier est celui de Goethe, qui se serait souvenu qu’avant l’âge de trois ans, il aurait lancé par la fenêtre la vaisselle de ses jouets et celte de ses parents, dans un geste de jalousie vis-à-vis de son frère, mort quelque temps plus tôt. L’incident est vrai, mais Goethe lui-même explique qu’il lui fut rapporté bien plus tard. Le second exemple sur lequel Freud a bâti toute une théorie qu’il livre dans « Poésie et vérité », est celui de Léonard de Vinci. Alors que le futur peintre était encore dans son berceau, un vautour serait venu le visiter et, de sa queue l’aurait frappé sur la bouche. Il paraît évident qu’il s’agit d’un fantasme, mais pour la psychanalyse, les fantasmes ont beaucoup et Freud découvre beaucoup de choses dans celui-là, notamment le signe de l’homosexualité de Léonard.
Freud insiste à juste raison sur le fait, incontestable, que la mémoire enfantine est intimement liée à l’individualité, à l’identité de chacun de nous, mais il défend la thèse, plus contestable, que les premiers souvenirs seraient très souvent refoulés – tout comme celui des rêves – car ils correspondraient à des traumatismes du tout petit eni’ant, à sa sexualité, et qu’ils sont importants à la fois par ce qu’ils livrent et par ce qu’ils cachent. La psychanalyse veut ainsi remonter jusqu’au traumatisme de la naissance, ou à celui du sevrage, tout ce qui traduit des chocs – probablement réels – du nouveau-né avec le monde extérieur. Le psychanalyste estime que cela va conditionner ensuite la vie de l’homme, « l’adulte n’hériterait que des échecs de l’enfant », dit le philosophe Georges Gusdorf. Cette pratique revient à négliger tout ce qui se passe ensuite lorsque l’enfant grandit, qu’il acquiert sa personnalité au contact de son entourage, qu’il se socialise. Georges Gusdorf insiste aussi sur le fait que les psychanalystes, Freud le premier, tirent leur expérience de !’observation de malades psychotiques et névrosés, qui ne forment, heureusement, qu’une minorité, et qu’ils ont ensuite tendance à généraliser à tous les hommes les déséquilibres observés.
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