Marchés de carbone et le 2e paquet énergie et le climat
L’introduction en janvier 2005 du système d’échange pour les quo- tas de C02 (le European Emission Trading System ou EU ETS, en anglais) est incontestablement l’initiative la plus innovatrice de la politique européenne d’énergie de ces dernières années. Certes, il existe d’autres marchés d’émission, notamment le marché pour les émissions de S02 des Etats-Unis, mais l’initiative européenne est sans précédent en ce qui concerne son envergure et son impact. Avec deux milliards de permis d’échanges d’une valeur commerciale allant jusqu’à 60 milliards d’euros, l’EU ETS est parvenu à créer une nouvelle catégorie d’actif financier en interaction étroite avec les autres marchés de l’énergie, en particulier le marché du gaz et celui de l’électricité. L’EU ETS constitue également une étude de cas importante pour la discussion internationale puisque c’est l’outil principal de l’Europe pour réaliser ses objectifs de Kyoto. L’Europe est aujourd’hui le promoteur principal du Protocole de Kyoto, l’ensemble d’objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre solennellement adopté à la 3e Conférence des Parties tenue à Kyoto en 1997. Sans le leadership européen et son pressing politique, le Protocole de Kyoto n’aurait pas été en mesure de rassembler la majorité qualifiée nécessaire pour être mis en vigueur.
La lutte contre le changement climatique est le secteur où l’Europe a su développer une initiative politique cohésive et incisive sur la scène internationale. C’est également l’un des rares domaines politiques, où les leaders européens et leurs citoyens partagent le même point de vue. Ce consensus, précieux en période d’euroscepticisme et d’une méfiance générale vis-à-vis de nouvelles initiatives politiques européennes, est porté par deux facteurs, l’un explicite et l’autre implicite.
Le facteur explicite est que le public européen est vraiment inquiété par le changement climatique. Le rapport Stem, la synthèse de tous les savoirs qui touchent au climat, compilé par Sir Nicholas Stern, haut fonctionnaire du gouvernement britannique et publié en 2006, a eu une influence énorme en cristallisant ces préoccupations écologiques et en convaincant politiciens et grand public que le changement climatique était un danger réel et présent dont seule une action décisive et immédiate pouvait encore éviter les conséquences les plus catastrophiques. Le rapport Stern affirme, en particulier, que les températures moyennes mondiales ne doivent pas augmenter de plus de deux degrés en comparaison avec le niveau de température durant la période préindustrielle, ce qui signifie que les concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère devraient être limitées à 450 ppm (parties par million ; pour la comparaison, les niveaux actuels sont d’environ 430 ppm et étaient de 280 ppm durant la période préindustrielle]. Ceci exigerait une diminution annuelle globale de 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. L’objectif plus réaliste de 550 ppm avec une prévision de hausse de température de trois degrés (mais climatiquement plus dangereux) exigerait une réduction de 25 % d’émissions de gaz à l’effet de serre mondiales. Une grande partie de la discussion politique tourne autour d’un objectif de 500 ppm qui exigerait une baisse de 50 % des émissions annuelles de gaz à l’effet de serre au niveau mondial d’ici 2050. Ceci exigerait un effort des pays industrialisés y compris des Etats membres de l’Union européenne correspondant à une réduction de 80 % des émissions de gaz à effet de serre – objectif ambitieux s’il en est.
Le facteur implicite est que toute augmentation du prix des émissions de carbone implique une augmentation des prix de consommation des combustibles fossiles, charbon, pétrole et gaz, et découragera ainsi la demande pour ces carburants. L’augmentation massive des prix sur le marché de l’électricité est également en partie due à l’augmentation du coût de ces combustibles fossiles (y compris le coût des émissions de C02) étant donné que le gaz fixe souvent le prix de l’électricité durant les heures de pointe et le charbon fixe fréquemment le prix durant les heures creuses. En d’autres termes, dans une situation où les taxes sur l’énergie sont presque aussi difficiles à faire passer qu’aux Etats-Unis, la réduction des émissions de gaz à effet se serre serait une option politique acceptable pour réduire la consommation de pétrole et de gaz.
Ceci dit, l’introduction de l’EU ETS a été un succès mitigé. Sa première phase, 2005-2007, a été troublée par des revirements violents des prix qui ont sévèrement éprouvé la confiance des investisseurs. Après un pic en avril 2006 où les prix dépassaient les 30 euros par tonne de C02, les prix sont essentiellement tombés à zéro lorsqu’il apparaissait de plus en plus clair que le Commission européenne avait assigné plus de permis que nécessaire aux émetteurs
Fort heureusement, les prix de la 2e période ont bien ? B B- avec le contrat de décembre 2008 . Ils existent toutefois de grandes incertitudes également en ce qui concerne la 2e période, 2008-2012. La baisse récente le prix du pétrole, du gaz et de l’électricité a poussé les prix du car- ‘hue en dessous des 10 euros. Des telles corrélations financières dois pourtant encore être confirmées par les réalités industrielles, vu la théorie le coût de l’abattement technique devrait correspondre à jcc§ terme au prix du marché. L’absence de tels investissements est [principalement due au fait que les délais disponibles étaient trop . Pour le moment on ne peut pas exclure que la fin de la seconde période verra également un surplus de quotas alloués. Malgré ces incertitudes, l’EU ETS reste la pièce maîtresse de la nouvelle économie de carbone – à laquelle on doit ajouter les énergies renouvelables, les améliorations d’efficacité énergétique, les indices boursiers « low ?bon ». les fonds dédiés, les investissements dans la capture de car- »:ce et stockage. Dans pratiquement tous ces domaines, l’Europe joue JLC : le principal.
L’Union européenne a récemment mis au point la 3e phase, la zeriode post-Kyoto de 2013 à 2020. Au cœur de cette stratégie se trou- rait le 2e paquet législatif « Énergie et climat », sorti le 23 janvier -008. En conjonction avec le 3e paquet législatif sur la libéralisation ces marchés du gaz et de l’électricité, il définit le cadre de la politique
européenne pour atteindre le fameux objectif 20 – 20 – 20 de l’Union, soit une baisse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, une augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique (tous deux en comparaison avec leurs niveaux de 1990) et une part de 20 % d’énergie renouvelable dans la consommation d’énergie d’ici à 2020. Les trois objectifs ne se recouvrent que partiellement ce qui complique les choses d’un point de vue économique. Néanmoins l’allitération rhétorique des « 20s » a capturé l’esprit du public et a développé sa propre légitimité.
Le 2e paquet législatif « Énergie et climat » est composé de sept propositions législatives qui couvrent d’une manière systématique toutes les orientations principales de la politique énergétique et climatique de l’Europe. Son objectif politique immédiat est de montrer que l’Europe est sérieuse en ce qui concerne ses objectifs annoncés. Une fois mis en application pourtant, le 2e paquet influencera profondément l’avenir du secteur de l’énergie de l’Europe :
1) Deux textes s’intéressent aux réductions d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. Le premier contient une proposition sur la question politiquement sensible du partage des efforts entre les 27 Etats membres d’UE. Le deuxième constitue une révision de la Directive 2003/87 réglementant le marché européen du carbone. Elle contient, en particulier, la proposition controversée de vendre aux enchères (plutôt que de les offrir gratuitement) les quotas d’émission, une décision qui affectera profondément la rentabilité des producteurs d’électricité à base de charbon.
2) Un texte contient une proposition pour une Directive de promotion des énergies renouvelables. Le dispositif le plus intéressant ici est la proposition que les Etats membres peuvent se conformer à leurs obligations en achetant l’électricité produite à base d’énergie renouvelable d’autres Etats membres (ce qui essentiellement établit un marché pour les énergies renouvelables dans toute l’UE).
3) Un autre texte porte sur l’objectif d’améliorer l’efficacité énergétique de l’UE avec l’obligation d’évaluer des plans nationaux d’efficacité énergétique. Alors que l’efficacité énergétique constitue clairement le « ventre mou » de la politique énergétique européenne son impact ne doit pas être sous-estimé. Il reste lié à un certain nombre de questions structurelles telles que la politique des transports, du logement, de la rénovation urbaine et des questions de style de vie qui peuvent, avec le temps, avoir de profonds impacts, même s’il est difficile de les évaluer à court terme.
4) Deux textes se réfèrent à la capture et le stockage géologique du C02 (CCS). L’Union européenne favorise activement ce point en créant des incitations financières ainsi que les infrastructures de régulation pour permettre le déploiement de cette technologie capable de réconcilier le charbon avec la protection du climat.
5) Un texte final définit les règles sous lesquelles les subventions publiques, par exemple les tarifs spécifiques pour les énergies renouvelables, sont compatibles avec les dispositions de l’UE contre l’aide : Etat sur le Marché commun.
Il est rare qu’une proposition législative ait une telle position centrale dans la définition des réalités du marché de l’énergie. Il faut, toutefois, comprendre que mettre en application cette ambitieuse vision de l’Europe pour réconcilier la protection du climat, la sécurité approvisionnement et la compétitivité exigera une combinaison de mesures sophistiquées de marché et non-marché. Le succès dépendra <à la capacité de l’Europe à répondre à deux questions clé. Premièrement, est-ce que l’UE pourra résister à la micro-gestion et réussir à définir quelques objectifs clairs (telle qu’une réduction d’émissions de 31 :d), mettant des incitations économiques simples en place (transaction/commerce de carbone, impôt sur l’énergie) et laisser faire le marché ? En second lieu, l’Europe pourra-t-elle engager le monde rieur dans ses efforts de réduction des émissions et d’amélioration de la sécurité d’approvisionnement ? Ces deux questions amènent à mue seule réponse : le succès dépend de si l’Europe adopter : de marché multilatérale pour tous produits énergétiques : pétrole, . charbon, nucléaire, énergies renouvelables et, bien sûr, carbone.
Engager le monde
À nouveau, l’énergie est devenu un enjeu « ça passe-ou-ça-casse à l’Europe. Fort heureusement la situation est légèrement moins dramatique que vers la fin des années 1940. Néanmoins dans la crise i identité prolongée que vit l’Union européenne, ses actions en faveur ne la protection du climat et les implications de ces dernières sur les marchés de l’énergie sont un dispositif puissant pour forger une identité européenne. La difficulté est que l’Europe s’adresse ici à un pro- Même mondial mais que les autres pays importants ne sont pas bien à l’écoute. Actuellement, les décideurs européens préfèrent auto-entrepreneuse de leur vertu si bien affichée plutôt que de s’engager dans un élargissement efficace de leur approche. Certes, il est parfaitement Guatemala de commencer à mettre en place des politiques au niveau national, mais les sujets en jeu exigent une approche mondiale. En ce « concerne la gouvernance multilatérale du marché de l’énergie ou le renforcement du « Mécanisme de développement propre » (MDP), .Europe a été aussi silencieuse et inefficace que tous les autres principaux acteurs. En juillet 2008, un sommet du G8 au Japon ? Cool Earth » (la « Terre fraîche ») censé aborder la question du primat est passé sans résultats ou engagements. L’Europe, en tant que groupe de pays industrialisés s’étant engagé à une réduction