Pétrole : Les autres fournisseurs
Les fournisseurs
La volonté de réduire la dépendance internationale à l’égard des pays du Golfe, conjuguée à la crainte d’une déstabilisation croissante du Moyen-Orient, pousse donc les Etats-Unis à rechercher d’autres fournisseurs de pétrole, dans d’autres zones de production intéressantes tant du point de vue énergétique que géopolitique : la région de la mer Caspienne et l’Afrique de l’Ouest.
La mer Caspienne
La région de la mer Caspienne, située géographiquement au sud de la Russie et au nord de l’Iran, comprise entre le Caucase, à l’ouest, et l’Asie centrale, à l’est, a suscité l’intérêt des Etats-Unis dès la disparition de l’Union soviétique. Cet événement, survenu en décembre 1991, avait en effet conduit à l’apparition de quinze Etats indépendants, dont trois situés dans le Caucase (Azerbaïdjan, Arménie et Géorgie) et cinq en Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Tadjikistan et Kirghizstan), dont plusieurs étaient riverains de la mer Caspienne, dans une région riche en hydrocarbures, qui détiendrait environ 4 % des réserves mondiales de pétrole et 5 %, voire davantage, des réserves mondiales de gaz naturel.
C’est pour cette raison que, dès 1992, naissent autour de ces Etats de multiples rivalités géopolitiques, non seulement pour décrocher des contrats d’exploitation des gisements, mais aussi pour dessiner des voies d’acheminement des hydrocarbures à destination des pôles de consommation. Les Etats-Unis se sont donc attachés à établir leur influence économique dans toute la région, notamment en participant à la création d’une organisation régionale indépendante, le GUUAM (Géorgie-Ukraine-Azerbaidjan-Moldavie) dont font partie des pays qui ont en commun d’être des ex-républiques soviétiques et d’être tous situés sur le tracé des conduits d’hydrocarbures.
Très rapidement, les Américains ont annoncé qu’ils soutenaient un projet d’oléoduc reliant l’Azerbaïdjan à la Turquie, qui réunirait le double avantage de ne pas transiter par le territoire iranien, un pays avec lequel les Etats-Unis entretiennent de très mauvaises relations depuis la révolution islamique de 1979, et de limiter l’emprise de la Russie sur les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale et du Caucase, par l’intermédiaire des exportations de pétrole et de gaz. Pour les Etats-Unis, il s’agit alors non seulement de diversifier ses zones d’approvisionnement en hydrocarbures, mais aussi de contenir l’influence de Moscou sur son « étranger proche », de façon à l’empêcher de redevenir une puissance régionale.
Cet oléoduc, d’une distance de 1 750 kilomètres, passe par Bakou, capitale de l’Azer- baïdjan, puis, contournant l’Arménie, rejoint Tbilissi, capitale de la Géorgie, avant d’atteindre le port turc de Ceyhan, sur la Méditerranée. Une société créée à l’été 2002, la BTC Pipeline Company, a supervisé sa construction ; le Bakou-Ceyhan est finalement entré en service en 2006.
On peut imaginer que ce projet d’oléoduc a joué un rôle dans le départ précipité du président géorgien Edouard Chevardnaze, contraint de quitter le pouvoir en novembre 2003 après des soulèvements populaires. Ce chef d’Etat, ancien ministre soviétique des Affaires étrangères de Mikhaïl Gorbatchev au cours des dernières années d’existence de l’URSS, était depuis plusieurs années soumis à l’influence de la Russie. A la suite du départ du président géorgien, c’est l’ancien leader de l’opposition, Mikhaïl Saakachvili, qui a été élu en janvier 2004, offrant à son pays une plus grande autonomie vis-à-vis de l’URSS.
A l’initiative de compagnies américaines, nombreuses à s’être implantées dans la région, d’autres projets ont vu le jour en vue de réduire les coûts d’acheminement de la production.
Ainsi, consciente de l’importance de la Russie dans le transport d’hydrocarbures, la compagnie américaine Chevron-Texaco a soutenu la construction de l’oléoduc reliant le gisement de pétrole de Tenguiz, au Kazakhstan, au port russe de Novorossisk, sur la mer Noire, achevé en 2001.
Un autre projet, né dans le milieu des années 1990, visait à construire un gazoduc reliant le Turkménistan au Pakistan, via l’Afghanistan. Mais cette idée avait finalement été abandonnée en raison des grandes incertitudes politiques pesant sur les relations avec les pays concernés.
Une autre option, visant à relier le pétrole kazakh au Pakistan via le Turkménistan et l’Afghanistan, avait été suspendue en attendant une évolution favorable de la situation en Afghanistan.
Avec l’intervention militaire américaine en Afghanistan à l’automne 2001, qui avait conduit au renversement du régime des talibans et à la nomination d’Hamid Karzaï à la tête du pays (le nouveau président afghan avait par le passé travaillé avec des compagnies pétrolières américaines), les Américains avaient à nouveau espéré faire du pays une zone de transit pour les hydrocarbures et réactiver les anciens projets. Mais la profonde instabilité politique que traverse le pays ne permettait toujours pas de les rendre possibles à la fin 2006.
Outre le domaine des hydrocarbures, les Etats-Unis se sont donc également impliqués militairement dans la région. Ils détiennent ainsi, non seulement des bases militaires en Afghanistan, mais aussi dans d’autres pays d’Asie centrale, comme l’Ouzbékistan ainsi qu’en Asie mineure, en Turquie, membre de l’OTAN.
L’Afrique
Actuellement, l’Afrique fournit 11,4 % de l’offre pétrolière mondiale. Les pays producteurs sont essentiellement situés dans le nord du continent africain, et dans l’ouest, en particulier autour du golfe de Guinée. C’est surtout dans cette région que, depuis plusieurs années, les Etats-Unis ont décidé d’investir. En 2001, alors que l’or noir d’Afrique représentait déjà 15 % du total des importations américaines de pétrole, le rapport de Dick Cheney recommandait de les faire passer à 25 % des importations. En 2002, les Etats-Unis ont mis en place un comité baptisé African Oil Policy Initiative Group (AOPIG), réunissant des représentants du Département d’Etat et du Pentagone (qui correspondent respectivement aux ministères des Affaires étrangères et de la Défense aux Etats-Unis), du Congrès, des entreprises pétrolières et des sociétés d’investissement. Ceux-ci visent avant tout à faire reconnaître le golfe de Guinée comme une région d’intérêt vital pour les Etats-Unis. Le 21 octobre 2003, Matthew McManus, directeur de l’énergie internationale et des matières premières au Département d’Etat, a défendu devant le Sénat l’importance du rôle des Etats-Unis dans la production pétrolière du golfe de Guinée et l’intérêt stratégique représenté par cette région en faveur de la sécurité énergétique américaine.
Il s’agit en effet d’une région très prometteuse : sa production journalière, de l’ordre de près de 4 millions de barils (soit 54 % de la production africaine en 2006), devrait passer à 7 millions de barils en 2008, et même davantage d’ici une quinzaine d’années.
Les compagnies américaines (telles que Exxon Mobil, présente en Guinée équatoriale, au Nigeria et en Angola) se trouvent aujourd’hui en rivalité avec les autres compagnies occidentales, telles que la société française Total ou la compagnie brésilienne Petronas, que ce soit pour les contrats d’exploration ou de production. L’intérêt présenté par l’Afrique de l’Ouest est double : d’une part, il s’agit d’une région richement dotée en ressources énergétiques, même si proportionnellement, le golfe de Guinée ne détient actuellement que l’équivalent de 10 % des réserves prouvées d’Arabie Saoudite ; or, ces réserves pourraient croître ces prochaines années au fil de la découverte probable de nouveaux gisements. D’autre part, ces pays producteurs, er développement, voire en reconstruction après une guerre comme l’Angola, cherchent à attirer les investisseurs par des mesures fiscales avantageuses et des contrats attractifs. Ces pays sont d’autant plus enclins à attirer les firmes étrangères qu’ils cherchent à exporter massivement pour faire des bénéfices, qui leur permettront à moyen terme d’améliorer leur situation économique. On s’aperçoit effectivement que, l’Egypte exceptée, tous les principaux pays producteurs d’Afrique consacrent la grande majorité de leur production à l’exportation, et non à leur consommation intérieure. Autre avantage : il es: plus facile de transporter la production par voie maritime depuis l’Afrique que par vo e terrestre depuis la région de la mer Caspienne.
Les compagnies occidentales doivent néanmoins affronter la corruption et l’absence C€ structures étatiques réellement efficientes.
L’ambition américaine de diversifier ses approvisionnements commence aujourd’hui à porter ses fruits : en 2006, les importations américaines de pétrole en provenance Nigeria et d’Angola étaient plus élevées que celles en provenance d’Arabie Saoudite La part totale du continent africain, qui représente actuellement 16 % des importation américaines de pétrole, devrait passer à 25 % d’ici dix ans. Le continent africain devenir une région stratégique…
Les autres mesures de sécurisation
Les Etats-Unis ont tenté, au cours de l’année 2006, de convaincre leurs alliés memcres de l’OTAN d’élargir le rôle de cette organisation à la garantie de la liberté de circulator sur les routes énergétiques. Dans cet objectif, Washington a proposéde transforme » s des comités de l’OTAN : l’Organisation de gestion du réseau d’oléoducs de Centre-Eirx? (le CEPMO) deviendrait un comité de sécurité énergétique consacré à la protectio » infrastructures et des voies d’approvisionnement. Mais la France, la Norvège et l’Allemagne, pays membres de l’Alliance, se sont opposées à cette extension de la mission de l’OTAN.6
La Russie, qui n’est pas pays membre, a également manifesté sa désapprobation, et ce d’autant plus qu’elle aurait pu un jour y être confrontée, en cas de chantage énergétique auprès des pays européens. Outre les pays membres de l’OTAN, les Etats-Unis se sont également tournés vers leurs alliés asiatiques, et plus précisément vers le lapon, avec qui ils ont signé en mars 2006 un nouvel accord stratégique. Cette alliance renforcée avec le lapon entend réagir à l’émergence de la puissance chinoise, notamment militaire, qualifiée de « préoccupation sécuritaire » dans le programme de défense national japonais de 2005.
Le recours à d’autres sources d’énergie
L’encouragement porté à la production nationale d’énergie aux Etats-Unis ne concerne pas que celle des hydrocarbures. En effet, l’intérêt du nucléaire est de nouveau mis en avant, puisqu’il constitue une énergie « propre » (elle ne diffuse pas de gaz à effet de serre) et plus sûre que les hydrocarbures (quant à l’approvisionnement, par exemple) ; il s’agirait aujourd’hui de renouveler le parc de centrales nucléaires américain, qui comprend aujourd’hui une centaine d’installations. C’est un véritable changement car les Etats-Unis n’ont pas construit de centrales depuis plus de trois décennies ; l’accident, survenu en 1979 à Three Miles Island, avait bloqué pour de longues années les perspectives de cette industrie.
Le 21 février 2006, dans le cadre de l’Advanced Energy Initiative, le président Bush annonçait son intention de relancer la construction de centrales nucléaires aux Etats- Unis. Mais, craignant d’encourager la prolifération en relançant le recours au nucléaire civil, les Américains ont souhaité mettre en place un partenariat international pour la production du combustible nucléaire, le Global Nuclear Energy Partnership (GNEP). A cette fin, le Département de l’Energie envisage un budget de 250 millions de dollars pour l’année 20077
Vidéo : Pétrole : Les autres fournisseurs
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Pétrole : Les autres fournisseurs