Pétrole : Les choix énergétiques
Les Etats-Unis ont récemment adopté des mesures visant à réduire leur dépendance énergétique, un choix aujourd’hui considéré comme vital pour leur sécurité. A cette fin, il s’agit de diversifier les sources d’approvisionnement et de sécuriser les voies de transit des hydrocarbures, mais aussi d’influer sur le comportement des consommateurs. De son côté, l’Union européenne peine à adopter une politique énergétique commune mais compte tenu de l’augmentation considérable de la dépendance extérieure dans les prochaines années, la diversification des sources d’énergie et un renforcement de la sécurisation des approvisionnements deviennent des préoccupations communes à tous les pays européens et tendent à améliorer la coordination entre les politiques nationales La Russie, quant à elle, est passée en quelques années d’un système d’économie planifiée à un système d’économie de marché. Elle a effectué cette période de transition de façon rapide et satisfaisante. Après une période difficile, elle est revenue à ses niveaux de production antérieurs et entend désormais peser sur le marché mondial des hydro-carbures.
Enfin, la croissance économique de la Chine, dont les ressources énergétiques se tarissent, dépend de façon croissante de l’approvisionnement en matières premières venant de l’extérieur. Pékin entend répondre à cette dangereuse dépendance par la diversification de ses sources d’approvisionnement, par le renforcement de ses liens commerciaux dans le monde entier, y compris avec des Etats jugés peu recommandables par la communauté internationale, et par la sécurisation de ses voies de transit. Une politique offensive est actuellement menée par la Chine qui entend faire face à son principal riva! les Etats-Unis.
Les Etats-Unis
Comme tout pays particulièrement dépendant de la production d’hydrocarbures, les Etats-Unis attachent une grande importance à la sécurisation de leurs approvisionnements énergétiques. Cette préoccupation est d’autant plus forte depuis les attentats survenus sur le sol américain le 11 septembre 2001, qui ont rappelé à la première puissance mondiale qu’elle était, malgré tout, vulnérable, et combien un événement majeur d’origine extérieure, ic le terrorisme, pouvait bouleverser la vie d’un pays.
Une situation particulière
Outre la menace terroriste actuelle, il faut prendre en compte la situation particulière des Etats-Unis. Ceux-ci, plus encore que les pays européens dont la superficie (celle des Etats-Unis est de 9,6 millions de km2) est bien moindre (à l’exception de la Russie, bien entendu, qui fait 17 millions de km2), ont une configuration géographique particulièrement liée au secteur de l’énergie : il existe des variations de températures très élevées entre les Etats fédérés, selon la latitude à laquelle ils se trouvent… d’où l’importance des moyens de chauffage ou de climatisation, par exemple. Les distances à l’intérieur du pays sont très élevées, d’où l’importance des moyens de communication, et donc de carburant. C’est aux Etats-Unis que, pour la première fois, le pétrole a jailli au xixe siècle. Le pays est producteur de pétrole et, au cours des deux guerres mondiales, a pu comp¬ter sur ce dernier pour contribuer de façon décisive à la victoire en Europe et dans le Pacifique. Le pétrole est donc pour ce pays non seulement un outil essentiel de la vie courante, mais aussi un instrument à la fois militaire et stratégique. Aujourd’hui, les Etats-Unis perçoivent le problème énergétique comme une menace pouvant porter atteinte à leur sécurité et perturber plus ou moins profondément l’équilibre mondial.
Baisse de la production + hausse de la consommation = hausse des importations
On constate que la part de la production du pays (charbon, gaz naturel, pétrole) dans la consommation intérieure a diminué : après la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis assuraient 150 % de leur consommation ; au début du xxie siècle, ils n’en couvrent plus que 75 %, ce qui signifie que leur balance énergétique est déficitaire.
Situés au 3e rang des pays producteurs d’or noir, les Etats-Unis sont aussi de gros consommateurs de pétrole, cette source d’énergie représentant 40 % de leur consom-mation énergétique totale.
Or, la part de la production de pétrole des Etats-Unis dans la consommation américaine est inférieure à 50 % depuis les années 1950, et continue de baisser puisque cette production diminue. Ainsi, la production intérieure de pétrole est passée de 550 millions de tonnes en 1973 à 375 millions de tonnes en 2004. En 2006, on constate que la production de pétrole nationale ne représente que 41 % de l’énergie consommée sur le territoire américain, les 59 % restants provenant par conséquent de pétrole importé.
Parallèlement à cette baisse de la production nationale, la demande n’a cessé d’augmenter. Ainsi, de 1990 à 2004, la consommation américaine a augmenté de 1,3 % par an, tandis que les importations progressaient de 3,4 %. Or, même si l’on part d’une croissance nulle de la consommation (fait irréalisable), les importations seraient néanmoins indispensables pour compenser la baisse de la production nationale.
En réalité, les besoins énergétiques des Etats-Unis continuent de progresser et devraient doubler d’ici 2025. Les Américains devraient ainsi consommer au moins un tiers de plus de pétrole qu’ils n’en utilisent actuellement. Selon certaines estimations, les Etats-Unis importeront en 2010 70 % de leurs besoins énergétiques.
Or, il est bien difficile de demander à la population de réduire ou plus simplement de modifier sa consommation, et ce d’autant plus dans un pays où les transports absorbent les deux tiers de la consommation de pétrole (et plus du quart de la consommation totale d’énergie). L’automobile, en particulier, est un élément indispensable du mode de vie américain, I ‘American way of life, notamment en raison des distances souvent importantes entre les lieux de domicile et les lieux de travail ou de loisirs. De plus, les Américains privilégient les véhicules de grande taille, qui consomment donc davantage de carburant. C’est pourquoi toute tentative d’impôt ou de réglementation s’est toujours soldée par de vives protestations, peu compatibles avec le souci de popularité qu’un gouvernement souhaite entretenir auprès de l’opinion publique et par conséquent des électeurs. Pour les Américains, un carburant abondant et à bas prix (la fiscalité sur les carburants aux Etats-Unis est six fois moins élevée qu’en Europe) est perçu comme normal et définitivement acquis ; toute atteinte à cet état de fait serait donc considérée comme une menace de leur mode de vie et donc de leur identité.
Pour s’assurer du maintien de cette forme de liberté que sont l’abondance et les prix bas du carburant, les Américains n’entendent pas dépendre des autres pays. De plus, pour les Américains, le prix du pétrole n’est pas lié à sa source, selon qu’il est produit sur le territoire national ou importé, car les conditions de l’approvisionnement des Etats-Unis sont déterminées sur le marché mondial. Il y a donc un prix unique qui réalise l’équilibre entre l’offre et la demande. Par conséquent, les conditions de l’approvisionnement énergétique des Etats-Unis sont indifférentes au taux de dépendance extérieure. En revanche, les Etats-Unis sont exposés aux risques d’une rupture importante et plus ou moins prolongée de l’offre pétrolière mondiale.
C’est pourquoi plusieurs faits marquants ont récemment touché le domaine de l’énergie aux Etats-Unis : l’adoption d’un cadre législatif précis, la diversification des sources d’approvisionnement et le développement d’autres sources d’énergie que les hydrocarbures.