Porc, Sangliers
Le sanglier d’Europe résume bien les caractéristiques de ses congénères du monde entier : pelage hirsute et sombre, peu visible au crépuscule ; avant-train puissant. Ses mains à quatre doigts et sa grosse tête velue au long museau armé trahissent le fouisseur et le fureteur qui sait, à l’occasion, se transformer en lutteur. Le sanglier commun, Susscrofa, pèse de 30 à 350 kilos, soit une variation de 1 à 10 chez la même espèce, selon le sexe et la race géographique ! Le poil est rude, souvent clairsemé chez les sangliers tropicaux et les porcs domestiques. La denture est typique, avec quatre canines en défenses redressées qui sortent de la gueule (les deux supérieures sont appelées grès), et des molaires multituberculées, aptes à broyer efficacement toutes sortes d’aliments. Les sangliers ne ruminent pas, mais leur énorme estomac montre le début d’une séparation en plusieurs chambres ; des fermentations doivent probablement commencer avant la digestion chimique.
Anciens et modernes
Les premiers vrais suidés apparaissent en Europe, il y a 30 millions d’années : plus petits qu’aujourd’hui, et encore moins spécialisés, ils sont synthétiques et font penser aussi bien à des ongulés qu’à des carnivores ou à des insectivores. On les reconnaît, entre autres, à leurs membres, qui sont déjà des membres d’ongulés. Rapidement, ils envahissent l’Eurasie et l’Afrique, où la profusion de leurs formes atteste leur succès. Dès le miocène moyen, il y a 15 millions d’années, apparaît le genre Sus (sangliers eurasiatiques).
Les sangliers ont été introduits par l’homme dans les deux Amériques, en Australie, et sur de nombreuses îles du Pacifique. Il est parfois difficile de faire la distinction entre les porcs redevenus sauvages, les sangliers introduits, et leurs innombrables croisements. C’est le cas du porc et du sanglier de Corse, très voisins morphologiquement et continuellement recroisés par suite des conditions d’élevage extensif de la race «domestique».
Les cinq ou six espèces de sangliers proprement dits (Sus) sont eurasiatiques. Le sanglier commun est devenu quasi-ment cosmopolite, alors que son aire de répartition naturelle était déjà immense : de l’Europe au Japon et à Sumatra, et de l’Afrique du Nord à l’Inde. Le potamochère, Potamochoerus porcus, ou sanglier africain, très proche des sangliers stricto sensu, habite le sud du Sahara. Son mode de vie diffère peu de celui du sanglier paléarctique.
Vie de famille et randonnées
Le sanglier vit en famille. Celle-ci est composée de laies (femelles de plus de 2 ans) plus ou moins apparentées; les mâles juvéniles (marcassins rayés jusqu’à 6 mois, puis bêtes rousses de 6 mois à 1 an, puis -bêtes noires» de 1 an à 2 ans) restent près de leur mère; les jeunes mâles vivent à la périphérie de la compagnie, et seuls les vieux mâles sont solitaires.
La famille, très mobile, n’a pas vraiment de territoire. Si ses membres ne sont pas dérangés, ils sont plutôt diurnes; pour-chassés, ils deviennent prudemment noc-turnes. Ils consomment tout ce qui est co-mestible, dans et sur le sol, des fruits aux racines, et des vers de terre aux petits vertébrés, sans oublier les charognes et les poubelles. Ils fouissent le sol et en retour-nent la couche superficielle à l’aide de leur boutoir : ces sillons caractéristiques, appelés boutis, peuvent causer d’importants dégâts aux champs cultivés.
Les sangliers ont besoin de boire régulièrement et ils aiment se rouler dans leur souille, ou bain de boue, puis se réfugier dans une bauge, un lieu de repos propre et sec, dissimulé dans la végétation; au sortir de la souille, ils se frottent le dos et les flancs sur des frottoirs», troncs d’arbre ou rochers. Ils échangent de nombreuses vocalisations et affectionnent les contacts physiques de toutes sortes, de l’agressivité au jeu, en passant par le nécessaire grattage de leur cuir, épais mais sensible.
Les plus prolifiques sont au nord
Seuls le sanglier Sus scrofa et le potamochère Potamocboerus porcus sont prolifiques : gestation de quatre petits mois, douze ou six mamelles (mais 6 marcassins en moyenne), deux portées par an éventuellement. Les autres Sus sont moins féconds. La laie gestante prépare un nid, le chaudron, garni de végétaux et dissimulé. Elle y met bas ; les petits y restent quelques jours au chaud avant de commencer à s’éloigner progressivement. L’allaitement dure peu (de 2 à 4 mois). Les laies défendent vivement leurs marcassins, devançant même parfois l’importun par une attaque préventive.
Les verrats adultes s’arrogent les laies en chaleur; les grands verrats s’affrontent, selon les espèces, en se poussant du front ou du museau ou en se balafrant à l’aide de leurs défenses ; malgré l’épaisseur de leur peau, ces joutes rituelles peuvent occasionner des blessures. Un sanglier menacé, ou acculé, se défend courageusement : pour un prédateur ou un homme, c’est un adversaire redoutable.