Premiers agriculteurs , premiers savants
Il n’est nullement absurde d’imaginer que ces hommes de l’âge du fer avaient déjà des préoccupations astronomiques et commençaient à poser les jalons de ce qui deviendra l’astronomie -et l’astrologie. Il ne faut pas oublier que cela se passait après ce qu’on appelle la révolution néolithique, qui date d’environ dix mille ans, et qui fut une transformation totale du mode de vie de nos ancêtres, avec l’acquisition de la vie sédentaire dans les premiers villages, l’apparition de l’élevage, de la poterie, de la métallurgie – et surtout de l’agriculture. Les premiers paysans ont nécessairement dû avoir des notions précises du temps, ils devaient se préoccuper de calculer le futur. Il leur a fallu comprendre qu’une graine mise en terre allait donner un épi de blé mûr plusieurs mois plus tard. Deux choses qui n’ont rien en commun, ni dans l’apparence physique, ni dans la simultanéité. Il paraît donc naturel qu’ils aient cherché à associer leurs activités à des signes cosmiques. Cette révolution dans les usages a du être liée à une évolution dans la réflexion de ce qu’était le temps qui passe, et a favorisé l’apparition chez l’homme de ce qu’il faut bien appeler une ébauche d’esprit scientifique, même si l’on date habituellement cette naissance cinq mille ans plus tard, chez les Sumériens puis chez les Grecs.
Les premiers agriculteurs ont dû s’efforcer de bien comprendre le rythme des saisons, indispensable à connaître pour réussir une culture. Ils ont dû apprendre à déchiffrer les signes fournis par la course des astres dans le ciel, la nuit. Us se sont donc habitués, peu à peu, à se souvenir du passé, à prévoir l’avenir, à calculer le devenir des choses, à imaginer par conséquent une nouvelle logique du monde, liée au temps, où la connaissance du passé permet de comprendre le présent et d’imaginer le futur. Tout cela fut probablement très pragmatique, très écologique dirions-nous aujourd’hui, mais cela ne signifie pas qu’il n’ait pas existé pour autant, à ces époques préhistoriques, une véritable notion du temps, lequel fut d’abord un fait accepté, subi, et qui devint, avec les siècles, une notion réfléchie. Il est difficile d’affirmer de façon absolue quoi que ce soit dans ce domaine, car rien ne nous est parvenu de la mentalité des hommes d’il y a dix mille ans, si ce n’est la précieuse réalité de leurs inventions.
Il ne faut jamais oublier, pour bien réaliser l’importance de cette révolution néolithique, que ces hommes de la préhistoire étaient faits comme nous, qu’ils avaient à peu près le même corps et surtout le même cerveau. Un chasseur d’aurochs déambulerait sur les Champs-Elysées sans trop se faire remarquer, si on l’habillait d’un jean et d’une chemise. Et le cerveau de l’homme a ceci de particulier, depuis au moins trente mille ans, qu’il est fait pour effectuer des comparaisons, pour imaginer des réflexions à partir de faits observés, de théoriser, de symboliser.