Qu'est-ce que l'eau lourde ?
Qu’est-ce que l’eau lourde ?
L’appellation eau lourde est réservée à une molécule d’eau possédant deux atomes de deutérium. Dans l’eau semi-lourde, ou eau mixte HDO, un seul des atomes d’hydrogène léger a été remplacé par du deutérium. Un atome d’hydrogène sur 6 500 étant un atome de deutérium, la probabilité d’obtenir deux atomes de deutérium dans une même molécule est extrêmement faible, si bien que l’eau lourde est encore bien moins répandue dans la nature que l’eau semi-lourde.
Les propriétés physiques de l’eau lourde diffèrent légèrement de celles de l’eau ordinaire. L’eau lourde, plus visqueuse que l’eau ordinaire, est plus dense, d’où son appellation. À la pression atmosphérique standard et à 20 °C, la densité de l’eau lourde est de 1,106 au lieu de 0,98 pour l’eau légère. Un glaçon d’eau lourde coulerait donc dans de l’eau ordinaire !
La densité de l’eau lourde passe par un maximum à 11,6 °C contre 3,98 °C pour l’eau ordinaire. À pression standard, elle bout à 101,42 °C et gèle à 3,82 °C et son pH est de 7,4 au lieu de 7, c’est-à-dire qu’elle est légèrement alcaline.
Pourquoi certains réacteurs utilisent-ils l’eau lourde ?
L’uranium intéressant d’un point de vue nucléaire est l’isotope 235, dit fissile car il peut subir la fission, qui dégage de l’énergie. Or l’uranium naturel contient une majorité d’uranium 238. On cherche donc à augmenter la teneur du combustible en uranium 235, en l’enrichissant. La technologie de la centrale dépend du degré d’enrichissement et c’est là qu’intervient l’eau lourde.
Dans le réacteur, la fission des noyaux d’uranium produit des neutrons, que l’on utilise pour induire d’autres fissions, selon le mécanisme de réaction en chaîne. Dans les filières nucléaires classiques, les neutrons qui viennent casser l’uranium doivent posséder des vitesses faibles pour rester plus longtemps au voisinage des noyaux et provoquer la fission. Les neutrons secondaires émis à cette occasion étant rapides, il faut les ralentir avant de les réutiliser.
Les molécules légères, comme l’eau ou le graphite, sont les plus aptes à freiner les neutrons, dont les vitesses passent ainsi de 20 000 km à 2 km par heure, mais en même temps elles ont une fâcheuse propension à les phagocyter. Afin d’éviter l’arrêt de la réaction, les premiers réacteurs, qui carburaient à l’uranium faiblement enrichi, employaient l’eau lourde car celle-ci absorbait moins de neutrons que l’eau normale.
Actuellement, les 58 réacteurs à eau pressurisée français peuvent utiliser l’eau normale à la fois comme modérateur et comme liquide réfrigérant car ils exploitent de l’uranium enrichi. Les réacteurs civils canadiens de type CANDU, en revanche, doivent recourir à l’eau lourde, qui constitue environ 20 % de l’investissement financier de chaque réacteur.
Par ailleurs, les réacteurs à eau lourde génèrent aussi du plutonium, lequel permet, après retraitement, un programme militaire de fabrication d’armes nucléaires, comme en Inde, au Pakistan, en Israël et en Corée du Nord, entre autres… En court-circuitant l’enrichissement de l’uranium, plus coûteux et plus difficile à mettre en œuvre.
Vidéo : Qu’est-ce que l’eau lourde ?
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