Rats à trompe
Les quinze espèces de macroscélides sont de la taille des rats, avec un poids variant de 50 à 500 grammes. Leur grosse tête aux yeux globuleux porte une trompe fine sous laquelle s’ouvre une longue gueule étroite. De grandes oreilles délicates et d’immenses vibrisses achèvent de leur donner un aspect singulier. Ils portent une queue assez raide, nue, de diamètre égal, et des pattes postérieures très longues qui, habituellement, ne servent pas au saut; au repos, l’animal leur fait prendre une position fléchie caractéristique. Les pieds étroits, adaptés à la course, ressemblent fort à ceux d’un lapin. La fourrure, épaisse et douce, arrondit leur silhouette.
Une distribution mal comprise
En l’absence de fossiles, on connaît mal le passé des macroscélides. Selon des données récentes, ils seraient nés en Asie et formeraient le groupe frère des lièvres et des lapins.
Malgré cette hypothèse, ils restent assez proches parents des primates, des in-sectivores et autres chiroptères. Leurs caractères anatomiques sont à la fois archaïques et spécialisés, ce qui les rend difficiles à classer.
Les quinze espèces de rats à trompe, regroupées en quatre ou cinq genres, sont uniquement africaines, avec une répartition aux lacunes inexplicables, telle l’Afrique de l’Ouest, où ils sont absents. Une espèce, Elephantulus rozeti, peuple l’Afrique du Nord, dans une zone qui évite aussi bien le littoral que le désert vrai. Le grand rhynchocyon à croupe dorée se rencontre de la grande forêt congolaise aux savanes humides de Tanzanie, comme le pétrodrome (Petrodromus tetra-dactylus), qui fréquente les mêmes régions – là où il peut s’abriter au milieu des fourrés et des rochers. Le macroscélide à oreilles courtes (Macroscelides proboscideus) habite le désert du Namib. Les autres macroscélides (tous du genre Ele- phantulus) vivent dans les milieux her-bacés ou rocheux d’Afrique orientale et méridionale.
Des coureurs solitaires
Les macroscélides sont territoriaux. Ils vivent seuls, ou en couples, et délimitent leur territoire au moyen de glandes de marquage. Détail curieux : la femelle cantonnée, ou territorialisée, ne s’oppose qu’à l’intrusion des autres femelles, et le mâle ne chasse que les autres mâles. Le territoire est sillonné de sentiers tracés par les résidents, et entretenus avec soin : ils en retirent chaque jour les cailloux et brins végétaux. Les macroscélides peuvent courir très rapidement sur ces chemins, s’ils doivent échapper à un danger. Ce comportement facilite leur capture : ils se jettent en effet dans les pièges à trappes, sans ralentir.
Les macroscélides sont diurnes et insectivores : ils fourragent dans la litière à l’aide de leur trompe, et s’aident de leurs mains pour tenir leurs proies. Certains sont capables de creuser des terriers, tandis que d’autres utilisent ceux des rongeurs. Le macros-célide de Rozet (ou de Barbarie) entre en hypo-thermie – comme les mi-crochiroptères – dès qu’il n’est plus en activité, ce qui lui permet d’économiser son énergie lors des éventuels frimas d’Afrique du Nord.
Une mère très pressée
L’originalité des macros-célides se manifeste éga-lement dans leur comportement de reproduction. Après une longue gestation – un à deux mois – pour de si petites bêtes, il naît un ou deux petits très évolués, que la mère laisse dans un nid éloigné du sien. Elle passe les allaiter plusieurs fois par jour. Après quelques semaines, les petits sont sevrés, non sans avoir été progressivement nourris de bouillie d’insectes. Ce comportement rappelle celui des toupayes et des lièvres. En Afrique du Nord, Elephantulus rozeti se distingue des autres espèces par une plus grande fécondité.