Retour sur les expériences de Rutherford et de Bothe
Retour sur les expériences de Rutherford et de Bothe
Une nouvelle question se pose maintenant. Si les noyaux n’émettent pas spontanément leurs composants, comment se fait-il que Rutherford ait pu, en 1917, observer l’émission de protons par des noyaux ? Et en 1932, à quoi était due l’émission de neutrons constituant le rayonnement « ultra-pénétrant » de Bothe, étudié par les Joliot et finalement décrypté par Chadwick ?
Avant de répondre à cette question, remarquons qu’en vertu de ce qui précède, un noyau dont l’un des nucléons n’est pas lié est instable dans l’absolu. Si, par un artifice quelconque, une réaction nucléaire par exemple, il se trouve néanmoins produit, le nucléon excédentaire est émis « immédiatement », c’est-à-dire dans une échelle de temps de l’ordre de 10-20 seconde.
Un proton ou un neutron peut également être libéré par un noyau stable dans son état fondamental, mais possédant une énergie d’excitation qui excède l’énergie de liaison de ce nucléon. C’est ce qui se produit dans les réactions nucléaires induites aujourd’hui dans les réacteurs et auprès des accélérateurs de particules, mais aussi dans celles mises en évidence par Rutherford et Bothe. De façon évidente, ces émissions de nucléons sont loin d’être « spontanées », puisqu’elles sont provoquées par l’arrivée brutale d’une particule de plus ou moins grande énergie dans un noyau stable à l’origine.
Dans les expériences de transmutation, initiées par Rutherford, et visualisées dans les chambres à brouillard, on peut calculer que l’arrivée d’une particule a de 8,78 MeV provenant du 212Po dans un noyau d’azote 14 aboutit à la formation d’un noyau de fluor 18 dont l’énergie d’excitation est égale à 11,2 MeV. Dans un tel noyau, l’énergie de liaison d’un proton est de 5,6 MeV. L’énergie d’excitation de ce noyau est donc suffisante pour qu’un proton puisse s’échapper avec une énergie allant jusqu’à 5,6 MeV. C’est l’un d’eux qui est responsable de la trace.
Dans les réactions mises en œuvre par Bothe, comme par exemple l’interaction du même rayonnement a avec le béryllium 9, le noyau de carbone 13 formé par capture de la particule a dispose d’une énergie d’excitation considérable (14,3 MeV), contre une énergie de liaison du neutron égale à 5 MeV. C’est pourquoi cette réaction conduit à l’émission de neutrons particulièrement énergétiques (jusqu’à 9 MeV), et c’est pourquoi, longtemps après les expériences de Chadwick, et même encore aujourd’hui, les sources de polonium-béryllium sont restées un outil privilégié pour la production de neutrons rapides.
Maintenant, qu’arrive-t-il si l’énergie d’excitation d’un noyau est inférieure à l’énergie de liaison de ses constituants ? Dans ce cas, c’est au moyen de l’émission d’un photon que le noyau évacuera son excès d’énergie. Il s’agit d’une émission γ. Une telle situation peut se rencontrer dans la radioactivité naturelle, lorsque le noyau fils n’est pas produit dans son état fondamental. C’est pourquoi la radioactivité γ accompagne fréquemment les radioactivités a ou p. Mais cela se produit aussi, et très fréquemment, au cours de réactions nucléaires, comme dernière étape de la désexcitation des noyaux produits. En toute rigueur, les rayonnements γ ainsi créés ne relèvent plus alors de la radioactivité.
Mais tout n’est pas résolu
Ainsi, avec la découverte du neutron, la compréhension du noyau a fait un grand pas en avant. On peut dire que l’on vient d’assister à la naissance de la physique nucléaire moderne. Deux points cependant restent encore obscurs. Quel est le processus exact de la radioactivité β, dont certains aspects sont vraiment déconcertants ? Quelle est la force qui assure la cohésion des noyaux, qui maintient ensemble neutrons et protons, en dépit de la force de répulsion électrique existant entre ces derniers ?
Vidéo : Retour sur les expériences de Rutherford et de Bothe
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