Tanrecs
Les solénodontes ne regroupent plus que deux espèces, en voie d’extinction, à Cuba et à Saint-Domingue. Semblables à des musaraignes de cauchemar, ils mesurent 60 centimètres de long. Les potamogales vivent en Afrique, où leur adaptation à la vie aquatique les a protégés de la concurrence : ce sont de vraies loutres insectivores, à pieds palmés et pelage lustré. Les taupes dorées, également africaines, ont survécu en s’adaptant à la vie souterraine. Enfin, les tanrecs et les microgales occupent Madagascar, où ils se sont diversifiés en faux hérissons, fausses musaraignes, fausses taupes, etc. Beaucoup de ces animaux atteignent des tailles inhabituelles pour des insectivores : sans doute est-ce là l’effet de leur isolement insulaire, à moins qu’ils ne se soient réfugiés dans le gigantisme pour échapper à la compétition des autres insectivores.
Une histoire peu documentée
Les deltathéridiens sont peu connus dans le passé, et, souvent, les fossiles proviennent de lieux où ils ne vivent plus depuis longtemps. Ce groupe relictuels date de la fin du mésozoïque, quand une foule de placentaires (euthériens) insectivores primitifs – tout comme eux – occupait toute la Laurasie (le continent du Nord, à l’époque où il n’en existait que deux…). Certains de ces animaux évoluèrent et donnèrent naissance aux autres euthériens (carnivores, ongulés, primates, chiroptères, etc), pendant que d’autres restaient inchangés (solénodontes, microgales), ou se spécialisaient tout en restant archaïques (potamogales, chrysochlores).
A la faveur des mouvements continentaux et climatiques, certains se retrouvèrent isolés, qui dans des îles, qui sur un continent protégé des contacts par la mer et le désert. Les tanrecs de Madagascar ont été d’abord africains; en devenant malgaches, ils se sont maintenus, alors que leurs parents africains étaient balayés, sauf les plus spécialisés : le potamogale et les taupes dorées. Celles-ci sont protégées des vraies taupes par l’infranchissable Sahara. Quant au potamogale, sa niche écologique particulière ne lui semble pas disputée; en Asie ou en Amérique, il aurait probablement fort à faire.
Un groupe hors compétition
Les tanrécidés malgaches ont donné deux grandes lignées, l’une de type hérisson, les tanrecs proprement dits, l’autre de type musaraigne, les microgales et apparen-tés. Les tanrecs comprennent quatre genres de gros animaux (de 100 g à 1 kg), à pelage plus ou moins transformé en piquants. Le gros tanrec, Tenrec ecaudatus, est omnivore. Les quelque vingt espèces de microgales se partagent la forêt malgache, où elles vivent comme des musa-raignes peu actives. Les deux Orvzorictes se comportent comme des taupes, alors que les gros Nesogale rappelleraient plutôt les marsupiaux carnivores. Limnogale, à l’allure de rat musqué, est devenu complètement aquatique et se nourrit de crustacés. Geogale se comporte comme une vraie musaraigne dans les parties sèches de l’île.
Une palette de stratégies
En matière de reproduction, les tanrécidés peuvent être extrêmement prolifiques. Le grand tanrec, très porcin par son pelage, son allure et son régime, est l’euthérien qui porte le plus grand nombre de fœtus : 30 et plus ! Comme la femelle n’a que 24 tétines, la mortalité infantile est importante; en fait, la résorption utérine intervient avant la mise bas, et la sélection entre les petits fait le reste… Les microgales, très peu connus, paraissent moins prolifiques.