Un exemple de spéciation récente
Les souris du genre Mus comportent plusieurs espèces et sous-espèces en Europe . Elles font l’objet d’études poussées au sein de l’institut des Sciences de Évolution à l’Université Montpellier II (voir Thaler 1983, Bonhomme et Thaler 1988).
Mus musculus musculus et Mus musculus domesticus sont des souris commensales de l’homme. Cependant, M. m. domesticus possède des populations d’extérieur dans le sud. Ces ieux sous-espèces sont allopatriques mais elles s’hybrident dans une zone large de quelques dizaines de km (Nance et al. 1990). Dans cette zone une analyse génétique par électrophorèse r.e ntre le passage graduel d’individus génétiquement 100% domesticus à des individus 100% musculus . Mus spretus est une espèce d’extérieur méditerranéenne qui vit dans jes garrigues et les maquis. Elle est génétiquement isolée de domesticus avec laquelle elle est fvmpatrique. Cet isolement génétique a été démontré par analyse électrophorétique. Cette analyse a en effet révélé la présence d’allèles caractéristiques de spretus que l’on ne trouve pas chez domesticus. Cependant ces deux espèces s’hybrident en captivité mais en donnant des
mâles stériles. Sur le terrain, c’est l’agressivité des mâles de spretus qui maintient l’isolement.
De plus, spretus vit en groupes familiaux territoriaux (1 mâle avec une ou deux femelles)alors que domesticus vit en groupes hiérarchisés avec des densités souvent élevées. Mus mzcedonicus ressemble à spretus et vit en Grèce, Bulgarie et Moyen Orient. Elle est isolée génétiquement de domesticus. Mus spicilegus vit dans les steppes d’Europe orientale où elle . instruit des tumulus à la fin de l’été à l’intérieur desquels plusieurs individus passent l’hiver acres avoir accumulé des réserves.
Si ces trois dernières espèces sont connues à l’état fossile depuis quelques centaines de millets d’années, domesticus n’est connu que depuis le néolithique dans le bassin méditerranéen (moins de 10 000 ans) et sa progression correspond au développement de la navigation humaine dans le bassin méditerranéen avec apparition de plus en plus récente dans les archives fossiles de l’est vers l’ouest (Auffray et al 1990). Les plus anciens fossiles sont trouvés dans le Caucase et en Israël et la progression de l’espèce avec le temps s’est faite vers l’ouest selon deux trajets : un trajet méditerranéen utilisant la navigation et les défrichements humains, c’est la colonisation par domestiques, un trajet depuis l’est à travers l’Europe orientale et centrale en suivant là aussi les défrichements, c’est la colonisation par musculus.
On peut donc proposer le modèle suivant. Il y a sans doute un million d’années, l’aire de distribution d’une espèce ancestrale de souris a été fractionnée. Ce fractionnement a donné naissance aux trois espèces méditerranéennes (spretus, macedonicus et spicilegus) qui se sont ainsi séparées de populations asiatiques qui ont donné l’espèce musculus. Il s’agit donc d’un cas de spéciation par fractionnement d’aire de répartition. Mus musculus a donné quatre sous- espèces en Asie parmi lesquelles musculus domesticus qui était localisée à l’origine au Moyen-Orient et musculus musculus que l’on rencontre au nord du Caucase et de l’Himalaya. A partir du néolithique, musculus domesticus a colonisé le bassin méditerranéen d’est en ouest, véhiculée par l’homme et ses bateaux. Elle s’est aussi répandue vers le nord en France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne de l’ouest et îles Britannique, en suivant les défrichements et le développement de l’agriculture. De son côté, musculus musculus a colonisé l’Europe depuis l’est en suivant elle aussi les défrichements humains. Les deux populations se sont alors trouvées en contact mais, la différenciation écologique et génétique étant faible, ces deux populations sont encore capables de s’hybrider. Ces deux sous-espèces sont par contre isolées et localement sympatriques des autres espèces de souris dont la niche écologique est différente. Les distances génétiques entre ces différentes espèces ou sous-espèce.