Interventions volontaires sur la répartition annuelle des écoulements: les barrages-réservoirs
Les barrages sont, de toutes les interventions de l’homme sur les hydrosystèmes, ceux dont les conséquences sur la répartition annuelle des écoulements (les rythmes des débits) sont les plus grandes.
Les barrages dans le monde
Les barrages qui interrompent le fil des écoulements sont probablement les plus spectaculaires des aménagements hydrologiques. Les lacs de barrage et de retenue capturent et conservent 3 500 km3 sur les 9000 km3 d’eau directement accessible aux hommes. En 1997, on comptait 633 réservoirs de plus de 0,5 km3 assez bien répartis à travers le monde .
Les conséquences des barrages dépendent bien évidemment de leur taille, mais surtout de leur finalité. Les barrages de soutien d etiage, de lutte contre les inondations et hydroélectriques ne font que modifier le rythme des écoulements, ce qui est leur finalité première. Mais cette modification des rythmes d’écoulement peut aussi être la conséquence secondaire d’autres objectifs : les contraintes de gestion des usines hydroélectriques aboutissent à une artificialisation totale des débits, dans le meilleur des cas sans nuisance hydrologique. Les barrages construits à des fins d’irrigation sont amenés à régulariser les débits, pour permettre une meilleure gestion des ressources
Barrages de soutien d’étiage
Les barrages de soutien d’étiage ont pour vocation de modifier le rythme annuel des écoulements en maintenant un débit minimum fixé par le cahier des charges. Pour la Seine, à Paris, les «débits caractéristiques d’étiage» moyens (ou DCE, soit les débits dépassés 355 j/an) sont ainsi passés de 58,2 m3.s_1 pendant la période 1940-1966 à 83,4 m3.s_1 pour la période 1982-1995. Les valeurs minimales d’étiage, jadis de 20 m3.s_1 ne descendent plus en dessous de 70 m3.s_1. Ce soutien très efficace s’accompagne d’une forte régularisation de leur période d’occurrence, limitée à août et septembre, alors qu’ils pouvaient auparavant se produire de juin à novembre.
Barrages écrêteurs de crue
Les barrages destinés à limiter les inondations sont difficiles à gérer car il faut asservir le maintien de la capacité de stockage à la prévision des débits à venir : si un barrage utilise trop tôt sa capacité de stockage, il est inefficace au moment de l’arrivée de plus gros flots. S’il l’utilise trop tard, il ne joue pas de façon optimale son rôle de protection contre les inondations.
On peut voir les conséquences hydrologiques de ces aménagements avec l’exemple des Grands Barrages, destinés à protéger Paris contre les inondations.
Les Grands Lacs de Seine
Avant 1910, seul le barrage des Settons existe (capacité: 23 M.m3). La protection de Paris contre les inondations résulte d’abord d’un programme de première urgence, mis en place entre 1931 et 1939, et surtout des Grand Lacs de Seine réalisés entre 1949 et 1991.
Le lac réservoir «Seine» (ou lac de la forêt d’Orient), achevé en 1966 présente une capacité de 205 M.m3. Le lac réservoir «Marne», situé au droit de StDizier, est établi en dérivation de la Marne et de son affluent la Biaise. Sa capacité est de 350 M. m3. Le lac réservoir « Aube », composé de deux bassins, est implanté en dérivation de l’Aube. Il présente une capacité de 170 M.m3 et a été mis en service en 1989.
Cet ensemble est géré par l’institution interdépartementale des barrages-réservoirs des bassins de la Seine (IIBRBS, qui a pris récemment le nom de : « Les grands lacs de Seine »), qui dispose ainsi d’un potentiel de 805 M.m3, auquel s’ajoute celui des barrages préexistants. Mais il faut remarquer que les grands Lacs de Seine ne contrôlent que 17 % du bassin de la Seine en amont de Paris, et le chiffre de 805 M.m3 est à mettre en regard des 3 000 M.m3 qui se sont écoulés au pont d’Austerlitz entre le 18 janvier et le 7 février 1910, auxquels II faut ajouter 1 M.m3 de stockage par débordement.
L’exploitation journalière est conduite en suivant une courbe d’objectif de remplissage et de vidange, en l’absence de crues ou d’étiages prononcés. Lorsqu’une crue importante survient, le débit total laissé en rivière à l’aval de l’ouvrage est limité à une valeur fixe dite « débit de référence ». Après les crues, des délestages sont effectués en respectant les débits de références, pour compenser le trop plein accumulé pendant la crue, et revenir progressivement à une situation normale permettant de faire face aux crues suivantes. Le rôle des barrages-réservoirs sur les fortes crues observées a été simulé à partir de modèles.
Sur des crues plus modestes, mais réellement observées après la mise en eau des barrages, l’estimation du gain sur les hauteurs d’eau résulte de la comparaison entre les débits mesurés et les débits « naturels », qui auraient dû se produire en l’absence de barrages : lors de la crue du 9 mars 1997, le niveau de la Marne à la station de Chalifert a dépassé de peu la côte de 3,10 m. Elle aurait dépassé 3,70 m sans intervention.
Pour la Seine à Paris, les chiffres sont respectivement de 3,20 et 3,50 m, pour le premier pic de crue, et de 2,80 et 3,30 m pour le second.
Les Grands Lacs de Seine, s’ils sont indubitablement efficaces pour réduire le niveau de la Seine à Paris lors de crues moyennes, peuvent être mis en défaut en cas de crue extrême. Ils ne constituent en aucun cas une protection absolue contre des crues catastrophiques, du type de celle de 1910. Cette efficacité limitée résulte d’un double handicap qui provient à la fois de leur éloignement de Paris, et de la faible surface de bassin qu’ils contrôlent.
À l’échelle de territoires beaucoup plus vastes, les barrages écrêteurs de crue peuvent être plus faciles à gérer et avoir des conséquences plus constantes. C’est notamment le cas lorsqu’ils agissent sur des crues plus lentes et plus régulières, donc plus aisées à prévoir comme, par exemple, le barrage d’Assouan. Mais c est le cas surtout lorsque la surface contrôlée par le barrage occupe une partie importante du bassin : le barrage des Trois Gorges sur le Yang-Tse Kiang, au droit du site retenu, contrôle un bassin de 1 million de km, soit plus de la moitié du bassin total.
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