Autres hommes , Autres temps : je n'ai pas le temps
Les habitants de l’Inde ancienne n’avaient pas le sens de l’histoire. Pour eux, le temps était cyclique et il n’y avait donc guère d’intérêt à garder le souvenir de choses et de faits qui devaient immanquablement être remplacés par d’autres. La vie était une suite ininterrompue de changements, dont aucun n’avait réellement de l’importance. La vie de chacun, y compris celle des souverains, était éphémère. Il n’y avait donc que très peu de différence entre le passé et le futur. Les Hindous voyaient la vie comme une suite de destructions et de résurrections, dans un cycle perpétuel.
La notion de semaine dut apparaître très tôt, dans les premières civilisations, car elle est liée au cycle de la Lune, c’est le quart de chaque lunaison. Les noms des jours furent ensuite donnés en fonction des planètes que l’on pouvait voir à l’œil nu : dimanche pour le Soleil (,Sunday en anglais) – on oublie souvent que c’était le premier jour de la semaine – lundi pour la Lune, mardi pour Mars, mercredi pour Mercure, jeudi pour Jupiter, vendredi pour Vénus, samedi pour Saturne,
Ces relations très lâches avec le temps donnent lieu, parfois, à des situations que l’Occidental ne comprend pas. Au Rwanda, l’excuse «je n’ai pas le temps » est considérée comme une insulte, mais les Rwandais sont toujours en retard, et cela d’autant plus que la personne avec laquelle ils ont rendez-vous est ?ituée plus bas qu eux dans l’échelle sociale. Cela rappellera quelques souvenirs à certains d’entre nous. Eux nom plus ne connaissent généralement pas leur âge. Il en est de même chez les indiens saultaux, du Canada, qui ne voient pas l’intérêt de tenir compte du temps et aucune ponctualité. Ils agissent quand bon leur semble et participent aux cérémonies quand le grand prêtre leur en donne l’ordre. Chez les Indiens Créés, on ne prend pas en compte les jours ou la Lune est cachée. Pour les Tumerchas, l’année s’arrête pendant les deux derniers mois. Pour les Indiens de la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord, l’année commence à la première pêche au saumon, et chez les Jivaros au moment de l’apparition des fleurs de certains pal- miers. Chez les Tiv du Niger, on ne vend qu’une seule sorte de marchandise à chaque marché : les Tiv appellent les jours de la semaine du nom des produits vendus ce jour-là, il y a ainsi le jour des légumes, ou celui des cuirs. Certaines sociétés ont, en revanche, des relations plus complexes avec le temps. Les Guéré de Côte-d’Ivoire en distinguent cinq sortes : le temps mythique, celui des ancêtres ; le temps historique, celui du groupe ; le temps généalogique ; le temps vécu, qui rappelle les événements heureux ou malheureux d’un passé récent ; le temps de l’avenir.
On s’habitue très bien à ces relations, inédites pour nous, tout comme notre fixation sur la mesure précise du temps amuse les autochtones. Un Africain a dit un jour que les Blancs avaient tous des montres, mais qu’ils n’avaient jamais le temps.