L'intégration en amont via « l'equity oil » de l'énergie
A la fin des années 1980, la Chine a lancé sa politique de « going- out » par l’acquisition de participations dans l’exploration et la production à l’étranger, afin à la fois de sécuriser ses approvisionnements (en ayant des droits sur les réserves) et pour bâtir des acteurs compétitifs à l’international. Cette entrée dans l’amont de la filière pétrolière permet ainsi, par une intégration verticale, de réacheminer éventuellement les flux physiques en cas de difficulté, quelle qu’en soit la nature, à un niveau ou un autre de la chaîne d’approvisionnement. Par ailleurs, cette stratégie est également un outil d’amortissement des hausses de prix (ou de captation d’une partie de la rente).
Aujourd’hui, les compagnies pétrolières nationales chinoises ont ainsi la main sur 0,6 million de barils par jour de production pétrolière à l’étranger (contre 0,1 pour l’Inde). Les entreprises chinoises ont pour cela investi dans des pays comme le Kazakhstan, le Soudan. l’Indonésie, le Nigeria et l’Angola. Le volume actuellement contrôlé par les compagnies pétrolières nationales asiatiques encore faible par rapport à leurs besoins, mais la proportion concernée est, à l’évidence, appelée à croître (AIE, 2007a).
Ces acquisitions de pétrole à l’étranger ont ouvert la voie à une féroce concurrence entre les pays asiatiques. Au cours de ces dernières années, les compagnies pétrolières nationales chinoises ont par exemple remporté quatre contrats sur des sociétés indiennes : en 2004 en Angola, en 2005 au Kazakhstan et en Équateur et en 2006 au Nigeria.
Par leur montée en puissance, les entreprises chinoises suivent la voie ouverte par les opérateurs nippons : actuellement, la proportion de pétrole produite par des compagnies nationales japonaises correspond à environ 15 % du volume annuel de consommation, proportion que le gouvernement souhaiterait porter à 40 % à l’horizon 2030. Un objectif qui pourrait être difficile à atteindre, précisément parce que la concurrence ne s’exerce plus qu’entre compagnies de l’OCDE, mais également avec les acteurs chinois et indiens (Niquet, 2007).
Cette politique ne fait cependant pas consensus, l’AIE doutant de son efficacité et invitant à privilégier des « solutions de marché ». Selon l’Agence, des marchés internationaux du pétrole transparents, associés à des mesures d’efficacité énergétique et des stocks de pétrole permettraient d’atteindre de meilleurs résultats qu’une politique intégration en amont visant à augmenter le pouvoir de marché.
La constitution de réserves stratégiques
Depuis les années 1970, les réserves stratégiques de pétrole sont un outil essentiel pour parer les effets des ruptures d’approvisionnement en pétrole. À cet égard, PAIE exige pour ses membres d’avoir l’équivalent de 90 jours d’importations nettes de pétrole en réserves. Cet impératif de stockage a connu un surcroît d’intérêt ces dernières années en raison de la crainte de ruptures d’approvisionnement (11 Septembre, instabilité au Moyen-Orient, diminution des capacités de l’OPEP…). Concernant les pays asiatiques, le Japon et la Corée, membres de PAIE ont des réserves d’au moins 90 jours d’importations nettes, stocks qui peuvent monter à 5 mois dans le cas du Japon. Les autres pays asiatiques sont également assez actifs. Signé à Manille en 1986, l’accord de sécurité pétrolière de l’ASEAN est un exemple intéressant de coopération dans la zone asiatique, prévoyant un système de partage des réserves en situation d’urgence. Le gouvernement chinois s’est également attaqué au problème de façon volontariste : les sites programmés devraient permettre de couvrir 75 jours des importations nettes en 2015. Le gouvernement indien vise lui la constitution de réserves équivalentes à deux mois (AIE, 2007a). Ces ordres de grandeur (qui en outre ne sont pas encore atteints) montrent toutefois un point de fragilité évident : les géants asiatiques sont vulnérables en cas de grave tension pétrolière et n’ont pas la marge protection que confèrent les règles de PAIE aux pays membres de l’OCDE.