Ce que disent les empreintes digitales:l'honorable juge Pollak
L’honorable juge Pollak
Audience du 7 janvier 2002, cour de justice de Pennsylvanie, arrondissement Est. Affaire : États-Unis d’Amérique contre LL.-P. Chef d’accusation : quadruple meurtre en bande armée, en relation avec du trafic de stupéfiants. Réquisition : peine de mort. Juge : Honorable Louis H. Pollak. La décision de justice rendue ce matin du 7 janvier 2002 par le « petit juge » de Pennsylvanie fut probablement accueillie par un tonnerre d’applaudissements dans tous les pénitenciers des Etats-Unis. Elle a, depuis, fait le tour du monde dans les milieux policiers et judiciaires, et elle continue de faire couler beaucoup d’encre. La télévision et la presse américaine en ont rendu compte dans toutes leurs colonnes. Ce jour-là, l’honorable juge Pollak décida, suite à une requête de la défense, d’interdire aux experts de la police scientifique de formuler verbalement l’attribution d’un relevé d’empreintes digitales fait sur les lieux du crime à l’un des accusés de l’affaire « Etats-Unis contre LL.-P. ». Bien que les policiers aient acquis la certitude de la présence d’un des accusés sur les lieux du crime, ils ne furent pas autorisés à l’énoncer à haute et intelligible voix. Cette décision retentit comme un coup de tonnerre, et elle ébranla sur ses fondations un siècle d’utilisation des empreintes digitales par la police, dont l’expertise en la matière était réputée scientifique. L’analyse détaillée de la décision du juge montrait que ce dernier ne contestait pas l’existence et le caractère unique des empreintes digitales. En revanche, il considérait comme non scientifique, ou en tout cas comme non établie par des preuves scientifiques, F opération consistant à attribuer une empreinte trouvée sur les lieux du crime à une personne donnée. Quelle est la marge d’erreur ? Quel est le degré de recouvrement permettant d’être formel ? Quel est le nombre minimal de traits communs (boucles, défauts, traces de cicatrices, etc.) devant être pris en compte ? Quelle est la probabilité que deux personnes aient des empreintes extrêmement semblables, en particulier s’agissant de fractions d’empreintes très abîmées trouvées sur un coin de meuble sale ? Sur tous ces points, le juge estimait que la police n’avait pas produit d’éléments suffisamment sérieux permettant d’accepter sans esprit critique les « expertises ». Ainsi, ravalés pratiquement au rang de sorciers, les experts de la police scientifique n’auraient plus le droit, en audience à la cour de Pennsylvanie, d’être affirmatifs, ils ne seraient autorisés qu’à montrer les empreintes relevées sur le terrain et les empreintes prises directement sur les accusés, et à attirer l’attention des juges et jurés sur leurs similitudes. Les experts ne pourraient plus conclure par une phrase telle que « Et donc, Votre honneur, ces empreintes sont celles de M. X », ou bien « Ceci prouve que M. X se trouvait sur les lieux du crime » ou quoi que ce soit d’équivalent. Cette appréciation serait laissée à l’intime conviction des jurés et du juge. Cette décision, selon les journalistes de la presse judiciaire américaine, devrait avoir un impact important sur la conduite des enquêtes et la préparation des actes d’accusation. On en comprend facilement les raisons. Les questions scientifiques soulevées par le juge, au fond, sont radicales : qu’est-ce que l’identité de deux empreintes ? Permet-elle de fonder l’identification de la personne ? Les bases sur lesquelles la police travaille depuis un siècle, depuis que Galton, en Inde, a proposé d’utiliser les empreintes pour identifier les individus, sont-elles sérieuses ? Au bout du compte, la question centrale est : qu’est-ce qu’une empreinte digitale ?
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