Du temps sacré au temps profane : La temporisation de notre quotidien
La temporisation
Le sociologue Serge Moscovici a longuement analysé la « temporisation » de notre vie quotidienne et son accélération. La vitesse est une façon de temporaliser 1 espace ; elle tend, en raccourcissant les délais de voyage, à nous faire oublier les vraies distances, à faire disparaître la géographie et les paysages des pays et des régions. La vie sociale est, comme la « flèche du temps », linéaire, alors que le temps cosmique, nous l’avons vu, est souvent cyclique. Notre façon de vivre nous éloigne sans cesse davantage de la nature. La vie économique tend à s’organiser autour des notions socialement importantes de rentabilité, de projets d’investissement, forcément liés à ce temps linéaire. Nous sommes obsédés par le devenir, le nôtre et celui des choses et des êtres qui nous entourent. Le temps des sociétés anciennes, traditionnelles. était tourné vers le passé, le nôtre est dirigé vers l’avenir. Nous avons peur des catastrophes naturelles et économiques qui risquent de perturber notre futur, de casser notre temps. Nous voudrions que ce soit toujours le temps des vaches grasses, alors que l’humanité a toujours vécu dans l’alternative du surplus et de la disette. Nous songeons de plus en plus tôt à ce que nous aurons pour vivre au moment de la retraite. Le devenir est-il devenu notre drogue, demande Moscovici ?
Nombreux sont les sociologues qui ont longuement écrit et discuté de ces problèmes, mais cela n’a en rien modifié la situation. Les changements dans la vie sociale deviennent de plus en plus rapides et influent souvent d’une façon trop pressante sur la façon dont nous vivons le temps, suscitant des malaises psychologiques, parfois même des maladies. D’autant que ces changements ne sont pas réguliers, tantôt ils s’accélèrent, tantôt ils ralentissent. Le temps social a son rythme propre. On voit les conséquences de ces changements chez les personnes agees, dont le rythme de vie s’est ralenti, et qui sont souvent en déphasage avec leur environnement social. Les evenements qu’ils vivent divisent le temps, mais ne le remplissent pas. Le vieillard ne songe plus à l’avenir et son passé s estompe. Cela est également visible chez les populations immigrées, qui ont du mal à suivre un rythme de temps tellement différent de celui de leur village natal. La plupart d’entre nous cherche a maîtriser un temps qui nous semble fuir trop vite, mais il est illusoire de chercher à mieux le dompter en multipliant les occupations, ou, au contraire, en les refusant. Selon des médecins du travail, l’absentéisme serait une façon d’échapper au temps imposé, de tenter de le réapproprier.
La plupart des jeunes veulent uniquement vivre pleinement dans le présent, oubliant le passé et l’avenir. Des techniques nouvelles viennent aggraver la situation. Le téléphone portable paraît une liberté, il permet d’utiliser des « temps morts », comme celui des transports en commun, mais il devient vite une contrainte. Payé par l’entreprise, il s’avère un outil de travail dont le salarié ne peut se dispenser. L’informatique est venue apporter une dimension inédite du temps, en permettant des contacts quasi immédiats d’un côté à l’autre de la planète, et l’accès rapide à toutes les informations. Au point, parfois, d’en donner le tournis, tant le volume et la diversité de ces informations sont considérables. Nous ne sommes pas encore habitués à ces techniques qui offrent une possibilité pratiquement illimitée de simultanéité. Une partie des citoyens reste en dehors de ce monde nouveau, par crainte de ne pas savoir en maîtriser la technique, par manque d’habitude. Les jeunes, heureusement, s’y plongent hardiment, et viennent souvent au secours de leurs aînés. L’autre caractéristique de ces techniques nouvelles, par rapport au temps, est que leurs instruments s’usent très vite, l’obsolescence devient la règle, le cycle de vie des appareils diminue régulièrement, on ne répare plus, on jette. La société de consommation suit un rythme de plus en plus rapide, au point qu’aucun économiste ne se risque plus à prédire son évolution à moyen ou à long terme .
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