La formation des membres et des doigts
Les phénomènes micro et macroévolutifs que nous avons évoqués plus haut concernent essentiellement les membres. L’anatomie comparée des membres pairs des Tétrapodes, imposée à des générations d’étudiants en biologie, révèle une organisation très proche. Comme on pouvait s’y attendre, le déterminisme génétique de cette organisation est également très semblable chez tous les vertébrés où il a été étudié. Ce qui est plus surprenant c’est que les mêmes gènes homéotiques qui sont responsables de la régionalisation du corps sont également impliqués dans la formation de ces appendices. Les gènes sont exprimés de manière séquentielle dans le temps et dans l’espace , aussi bien chez la souris que chez le poulet. Dans le bourgeon de membre, les gènes terminaux du complexe HoxA édifient un gradient proximodistal alors que les gènes terminaux du complexe HoxD marquent un gradient antéro-postérieur (Alberts et al 1994). Pour ce dernier complexe, il a même été démontré que les gènes s’expriment successivement au cours de la spécification des différents segments (Shubin et al 1997), HoxD-9 et HoxD-10 pendant la mise en place du stylopode, HoxD-10 et 11 pour le zeugopode et HoxD-10, 11, 12 et 13 pour l’autopode. La position et la taille relative des zones d’expression des différents gènes homéotiques varient donc continuellement au cours de l’édification du membre, permettant la mise en place de différents signaux régionalisant, par exemple des facteurs de croissance (Gilbert 1996, Hérault & Duboule 1998). La perturbation de ces signaux, par exemple consécutive à des mutations affectant l’un ou l’autre des loci impliqués, peut conduire à des modifications plus ou moins profondes de l’architecture du membre. Il a ainsi été démontré que diverses mutations de HoxD et HoxA perturbent la construction de la main et conduisent à des réductions du nombre de doigts ou du nombre d’os par doigt (Muragaki et al 1996, Hérault & Duboule 1998). Les os les plus externes disparaissent toujours les premiers. C’est également ce que l’on observe dans les processus évolutifs par exemple chez les Équidés.
On dispose alors d’un canevas des événements aboutissant à la construction du chiridium. Les segments sont mis en place par branchements successifs à partir de l’axe du corps. Le stylopode est le segment le plus vieux suivi du zeugopode puis de l’autopode. Au sein de ce dernier, les doigts internes sont les plus âgés de même que les os basaux. Les altérations du développement et les transformations évolutives évoquées plus haut concernent davantage la séquence des événements que les structures elles-mêmes.