La lettre d'Einstein
La lettre d’Einstein
Frédéric Joliot n’avait été ni le seul ni le premier physicien à prendre très au sérieux l’éventualité de réactions en chaîne, conduisant à la libération de ce qu’on appelait à l’époque « l’énergie atomique ». Un chercheur d’origine hongroise, Léo Szilard l’avait précédé de plusieurs années. Réfugié à Londres en 1933 pour fuir les persécutions nazies, il avait beaucoup réfléchi à ce problème, et, avant même la découverte de la fission, avait acquis la conviction que des réactions nucléaires en chaîne étaient envisageables. Dès 1935, il avait tenté de persuader ses collègues britanniques de restreindre le champ des publications dans ce domaine qu’il prévoyait porteur d’applications militaires. Fin 1938, pressentant l’imminence d’une guerre en Europe, il avait émigré pour les États-Unis. Il y avait retrouvé Enrico Fermi – que nous rejoindrons bientôt aussi – et, dès l’annonce de la découverte de la fission, l’avait approché pour lui recommander le secret sur d’éventuelles recherches dans ce domaine. Éconduit par Fermi, et apprenant que Joliot travaillait activement sur ce sujet, le physicien hongrois lui avait adressé, sans plus de succès, une lettre allant dans le même sens. Obsédé par cette question, Léo Szilard poursuivit désormais un double objectif : inciter les chercheurs américains à mener activement des recherches pour la mise au point de la réaction en chaîne, de préférence en acceptant qu’il y collabore lui-même, et tenter d’obtenir de la communauté des scientifiques travaillant dans les pays alliés qu’ils diffusent de façon limitée les résultats sur leurs travaux.
En août 1939, avec le soutien de son collègue Teller, il persuada Albert Einstein d’écrire au Président Roosevelt une lettre l’informant des potentialités de l’uranium en tant que source d’énergie considérable, et lui suggérant d’apporter une aide substantielle aux laboratoires américains menant des recherches dans ce domaine, tout en établissant un contact étroit entre eux et le gouvernement. Le Président Roosevelt ne prit connaissance de cette lettre que le 11 octobre. Mais il réagit très vite en créant, dix jours plus tard, un « Comité consultatif pour l’uranium » comprenant notamment Léo Szilard et Enrico Fermi. Cependant, les efforts du gouvernement américain pour le développement de l’énergie atomique restèrent modestes pendant deux années encore, un soutien plus important étant consacré à d’autres objectifs militaires, tels que la mise au point du radar. À l’automne 1941, pratiquement certains qu’une bombe atomique était réalisable, les britanniques décidèrent d’en lancer la construction. Aux États-Unis, c’est le bombardement de Pearl-Harbourg par le Japon, le 7 décembre 1941 et l’entrée en guerre de l’Amérique qui déclencha la mise en œuvre du projet Manhattan, la plus grande entreprise scientifique à visée militaire de tous les temps.
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