La localisation et la visualisation des activités mentales
Régions fonctionnelles du cerveau
Où siège la pensée ? Quelles parties du cerveau sont actives et quelles parties sont inactives pendant des opérations mentales précises ? Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, la controverse est née, elle est loin d’être éteinte. Y a-t-il équipotentialité des aires corticales dites associatives correspondant aux fonctions mentales ? Chacune peut-elle exécuter les fonctions d’une autre ? Y a-t-il au contraire spécialisation des aires corticales associatives comme cela est pour celles qui sont consacrées aux fonctions motrices, sensitives, sensorielles ?
Il y a lieu de rappeler que, très tôt, furent exposés des arguments en faveur de l’existence de centres spéciaux de la pensée. Broadbent (1 872), Highlinghs, Jackson, puis Fritsch et Hitzig, les situèrent en particulier dans les lobes frontaux . La plupart, au contraire, ont soutenu une théorie globaliste : les activités mentales nécessitent la participation de tout le cerveau. Muck (1881) nia l’existence d’un siège défini : l’intelligence siège nulle part en particulier ; les troubles sont d’autant plus marqués que les lésions sont plus étendues. Karl Lashley (1 890-1958) a soutenu que la perte d’efficacité est proportionnelle à la masse de tissu cérébral détruit : la faculté d’apprentissage d’un rat dans un labyrinthe dépend non des aires corticales dont on a fait l’exérèse mais de la quantité de tissu cortical enlevé ? A.R. Luria défend aussi l’idée d’une pluripotentialité fonctionnelle de l’écorce cérébrale ; aucune partie n’est responsable d’une seule fonction puisque dans certaines conditions chaque partie peut assumer d’autres fonctions.
Si le rôle est attribué à l’ensemble du cerveau et non à un point déterminé, on doit admettre l’importance particulière de l’écorce cérébrale non spécialisée des lobes frontaux et temporaux. Des études de W. Penfield, il faut retenir toutefois que, si l’écorce cérébrale a un rôle opérationnel, sonéveil dépend du centrencéphale, de la substance réticulée en particulier ; inversement le centrencéphale est animée par l’écorce cérébrale.
L’étude du fonctionnement cérébral, qui fut limitée à l’expérimentation animale et à l’observation des personnes atteintes de lésions cérébrales, est actuellement réalisée par les techniques d’imagerie cérébrale.
L’imagerie médicale a l’avantage de permettre d’étudier le cerveau et la pensée des sujets normaux et non des personnes porteuses de lésions cérébrales. Grâce à elle, on voit le cerveau penser. La tomographie par émission de positons (TEP) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) fournissent des renseignements relativement grossiers. Les résultats ne correspondent pas aux 52 aires cytoarchitectoniques délimitées par Brod-man . L’état cérébral s’exprime dans une cartographie tridimensionnelle du débit sanguin cérébral (TEP) ou de l’état d’oxygénation des capillaires (IRM) grâce à un traceur (eau marquée à l’oxygène 15 en TEP, et déoxygémoglobine en IRM). L’activation cérébrale provoque un besoin d’oxygène et de glucose et par là une augmentation locale du débit sanguin. Le TEP détecte les augmentations d’eau marquée et l’IRM les diminutions locales de concentration en déoxyhémoglobine. On enregistre l’augmentation du débit sanguin et non l’activité des neurones.
Les localisations motrices et sensitives sont confirmées avec des variations selon les cerveaux. Dans les processus mentaux, le cerveau apparemment n’agit pas en bloc ; comme l’univers mental, les structures cérébrales sont compartimentées. Il n’y a pas, comme nous l’avons vu, un centre unique supérieur mais des réseaux nerveux dispersés. Comment engendrent-ils une conscience unifiée ? Les lobes frontaux apparaissent non comme un centre isotrope mais comme une mosaïque d’aires activées par des taches différentes. Certaines aires sont spécialisées dans la mémoire des lieux, d’autres dans la reconnaissance des objets. La conscience, état mental dû à des liaisons intersynaptiques, n’a pas été « prise au piège » par l’imagerie.
On a découvert que les mêmes zones cérébrales sont activées, qu’un geste soit exécuté ou simplement imaginé : représentation mentale d’une activité motrice, un mouvement de la main par exemple. De même, si l’on se représente mentalement un personnage, une maison… les aires actives sont les mêmes que lorsque nous sommes devant et les regardons… Il est possible de constater que le sujet pense à quelque chose ou à quelqu’un, mais on ne peut pas dire à quoi et à qui .
Une des constatations intéressantes est que, si le langage reste situé dans la région de Broca, il est dans une zone superposable pour les sujets parfaitement bilingues de naissance, et dans une zone décalée pour la deuxième langue si elle a été apprise plus tard !L’imagerie médicale aide à répondre à la question qui a préoccupé les neurologues Broadbent, Jackson, Penfield… (vu page 99). Existe-t-il un centre supérieur ? Le cerveau fonctionne-t-il de façon linéaire sous la commande d’un « chef d’orchestre », ou fonctionne-t-il de façon holistique ? On pense actuellement que, s’il y a des aires de prédilection pour le langage, la vision, etc., elles ne sont pas circonscrites, et l’ensemble de l’écorce cérébrale participe à l’élaboration d’un mot, d’une idée. Des groupes de neurones sont générateurs de vagues qui animent d’autres groupes de neurones… Francisco Varela et Eugenio Rodriguez (La Salpêtrière, CNRS) ont démontré la synchronisation de ces oscillations.
Le cerveau apparaît donc comme un dédale de neurones assemblés en un réseau interminable de minicables. Certaines zones sont spécialisées dans des processus mentaux spécifiques mais l’activité mentale mobilise simultanément plusieurs aires ; la pensée fonctionne d’une manière globale en mettant en jeu de très nombreuses connexions entre plusieurs régions. L’imagerie cérébrale a plus d’intérêt pour la neurologie que pour la psychologie et la psychiatrie. Le cerveau d’un malade mental donne généralement une image normale. On ne peut pas faire de diagnostic psychiatrique d’après une image particulière, ni suivre l’évolution d’un symptôme mental.
Malgré sa relative autonomie et son immatérialité, la pensée est liée à la matière cérébrale.
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