La nature crée les noyaux : la nucléosynthèse
La nature crée les noyaux : la nucléosynthèse
La nature a eu recours à la fusion pour créer les stocks àctuels de noyaux légers de l’Univers. On a donné le nom de nucléosynthèse primordiale à cette courte phase de l’histoire de l’Univers. Nous suivrons cette histoire à partir des grandes perturbations des premières secondes, qui ont constitué les protons et les neutrons. Dès la treizième seconde du big-bang*, la population des nucléons était figée dans le rapport de 13 neutrons pour 87 protons A t = 225 secondes, la température (T = 109 kelvins) avait chuté suffisamment pour que le deutérium (hydrogène 2), assemblage fragile, ne soit pas immédiatement désintégré par le flux de photons. Le deutérium pouvait alors évoluer vers l’hélium 3 par capture d’un proton, ou vers le tritium (ou hydrogène 3), par capture d’un neutron. Ces deux noyaux sont nettement plus stables que le deutérium et résistent bien à la désintégration par les photons. Le goulot d’étranglement de la production de deutérium était alors passé, et plusieurs réactions ont pu transformer l’hélium 3 et le tritium en hélium 4. Au bout de trente minutes, la situation était en impasse : un équilibre était établi entre hydrogène et hélium 4, à un rapport d’abondance en masse de 76 pour 24. La température était de 3.108 kelvins, et subsistaient des traces de produits intermédiaires : deutérium, tritium et hélium 3. Comme il y a peu de noyaux stables entre A = 5 et A = 9 {cf. p. 23), la chaîne de production était bloquée.
La température continuait à baisser, rendant les conditions de plus en plus difficiles pour les réactions de fusion. Ce fut la fin de la nucléosynthèse primordiale, durant laquelle ont été créés l’hydrogène et l’hélium 4, qui représentent aujourd’hui encore 97 % de la masse connue de l’Univers. Après cette première demi-heure intense de l’histoire de l’Univers, l’intrigue s’affadit. Il a fallu un silence d’un million d’années d’expansion et de refroidissement avant l’événement majeur suivant : la construction des atomes.
Au bout de ce million d’années, lorsque la température eut chuté jusqu’à 3 000 kelvins, les noyaux ont pu se garnir de cortèges d’électrons et ainsi former des atomes, les photons ayant enfin trop peu d’énergie pour briser les nouvelles structures. L’Univers devint alors transparent, froid, fait de nuages d’atomes d’hydrogène et d’hélium baignant dans un flux de photons indifférents. L’interaction forte était bloquée dans la nucléosynthèse à A < 4, l’interaction faible restait confinée à des portées infimes, l’interaction électromagnétique venait de créer les atomes et de découpler les pho- lons. Que pouvait-il arriver d’autre qu’un froid mortel et éternel ?
C’est ici qu’entre en scène l’interaction gravitationnelle, si faible qu’on avait pu l’ignorer jusque-là, masquée par les agissements des interactions plus fortes. C’est elle qui fit repartir l’histoire, en amplifiant de légères fluctuations d’homogénéité dans les nuages primitifs. Des portions de nuage ont commencé à se contracter, les atomes à se rapprocher les uns des :iutres, transformant l’énergie gravitationnelle en chaleur. C’était la première étape de formation d’une étoile. L’effondrement gravitationnel se poursuivit insqu’à ce que le centre de l’étoile dépasse 107 kelvins.
La combustion de l’hydrogène put alors s’enclencher. le scénario se répète depuis lors, et chaque jour naissent, vivent et meurent des étoiles. La suite de notre histoire doit donc se raconter au présent. L’hydrogène brûle très lentement, par une chaîne de réactions, dont l’effet net est la formation de l’hélium 4. II faut dix milliards d’années à une étoile de la masse de noire Soleil pour brûler tout son hydrogène. Le Soleil en est à la moitié de sa période de combustion d’hydrogène. Il a « vécu » assez longtemps pour que le système solaire ait eu le temps de se former, et il devrait nous assurer encore cinq milliards d’années de bons et loyaux services. Lorsque le stock d’hydrogène de l’étoile s’épuise, l’effondrement gravitationnel reprend et réchauffe encore plus le cœur. Lorsque la température atteint 108 kelvins, la combustion de l’hélium peut commencer. Par captures successives de particules a, elle produit du béryllium 8, du carbone 12, de l’oxygène 16, du néon 20 et du magnésium
La production significative de noyaux au-delà de l’oxygène 16 a lieu lorsque l’hélium commence à s’épuiser et que la température monte jusqu’à brûler efficacement le carbone lui-même, puis l’oxygène. Ces combustions produisent de nombreux isotopes allant jusqu’au soufre 32. L’étape finale est la combustion du silicium 28 qui, par une suite complexe de réactions de synthèse et de dissociation, crée les noyaux allant jus-qu’à la masse 56, et surtout le fer 56. La nucléosynthèse des noyaux plus lourds que le fer se fait par capture sur les noyaux de fer des neutrons libérés par des réactions de fusion. Lorsque l’on calcule le nombre de neutrons disponibles à l’intérieur des étoiles, on se rend compte que celles-ci ne peuvent alimenter que des processus lents. Les flux de neutrons sont dix millions de fois trop faibles pour permettre la synthèse via les processus rapides. Les seules occurrences connues de flux aussi intenses de neutrons sont les supernovae en explosion.
Les supernovae sont le stade ultime de la vie des étoiles massives, lorsqu’elles ont traversé toutes les étapes de la nucléosynthèse, jusqu’au fer. Une contraction gravitationnelle ultime emporte alors ces étoiles dans un effondrement du cœur, qui passe en l’espace de quelques secondes d’un rayon de mille kilomètres à quelques dizaines de kilomètres. Une grande partie de l’énergie de gravitation se retrouve dans la désintégration de noyaux de fer. C’est la source des flux de neutrons très intenses. Ceux-ci sont capturés sur les noyaux de fer restants, et produisent en un temps très court tous les noyaux lourds.
L’uranium et le thorium présents sur Terre, qui n’ont pu être produits que par de forts flux de neutrons, sont donc les cendres encore tièdes d’explosions de supernovae qui ont eu lieu il y a plus de cinq milliards d’années, avant même l’effondrement du nuage qui allait devenir notre système solaire. Ces deux éléments sont la source de plus des deux tiers de la radioactivité naturelle, directement ou via leurs familles de descendants radioactifs. L’uranium est aujourd’hui la seule source d’énergie nucléaire contrôlée. Celle-ci est donc l’énergie fossile des étoiles, comme le charbon et le pétrole sont les énergies fossiles de la vie organique passée. Même les énergies renouvelables sont d’origine nucléaire : le Soleil est une étoile qui brûle son hydrogène, et nous irradie de chaleur et de lumière. Les vents ne sont que de l’énergie solaire en mouvement, et l’équilibre thermique du globe tire profit de la radioac- tivité présente dans la croûte terrestre.
Vidéo : La nature crée les noyaux : la nucléosynthèse
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