Le temps du vivant : Comment fonctionnent les systèmes d'anticipation ?
On commence à comprendre comment fonctionnent, dans le cerveau de rats ou de singes, ces systèmes d’anticipation, qui sont non seulement essentiels pour la survie de l’animal, mais aussi très importants pour comprendre les relations complexes qui existent entre le monde vivant et le temps. Ils interviennent dans de nombreuses situations : la présence possible de prédateurs, la recherche de femelles disponibles, ou celle de nourriture. On peut démontrer la réalité de ces phénomènes de prémonition en laboratoire. Les animaux qui ont subi un entraînement pour réagir à un son ou à une lumière, comme les chiens du physiologiste russe Pavlov, qu’il avait habitués à saliver dès qu’une cloche sonnait – celle associée à l’arrivée de la nourriture – ces animaux ont leur rythme de respiration qui s’accélère avant que retentisse le son ou que s’allume la lumière : leur compte-temps leur a signalé à l’avance l’imminence de l’événement. Cela montre que l’animal possède ce qu’on pourrait appeler un sens du temps, qu’il sait au moins estimer une durée. Il est possible que des signaux extérieurs jouent un rôle dans le déclenchement de ces mécanismes, comme une variation dans la durée du jour, des différences de température, ou des signes discrets, invisibles pour nous, chez les animaux de laboratoire. Mais cela ne retire rien à l’importance des horloges internes, car ces signaux agissent comme des repères, et non comme des systèmes de commandement.
On a, toujours en laboratoire, remarqué que des rats savent se préparer a recevoir de la nourriture avant que se déclenche le signal auquel ils ont été habitués par apprentissage, et. qui annonce l’arrivée de cette nourriture. On a repéré et mesuré les modifications qui se produisent alors dans certaines de leurs cellules cérébrales. L’apprentissage, chez les animaux de laboratoire, s’acquiert d’autant mieux que la répétition des gestes se fait à intervalles réguliers. C’est là une nouvelle preuve que l’animal dispose à la fois d’une mémoire et de la possibilité de mesurer le temps, même s’il s’agit de réflexes innés, instinctifs, qui sont très différents de ce qu’on pourrait appeler chez , l’homme le sens du temps.
On peut toujours discuter de la validité des observations faites sur des animaux placés, en laboratoire, dans des conditions de vie artificielles, très éloignées de celles qu’ils ont naturellement, pour décider qu’ils possèdent une notion du temps. Les rats, par exemple, sont des animaux nocturnes et c’est souvent dans la journée et sous la lumière qu’on les soumet, par commodité, à des observations. Mais on a constaté dans la nature, chez diverses espèces animales, des comportements d’anticipation liés au temps. En ce qui concerne, par exemple, la recherche d’aliments : les rapaces partent en chasse au moment précis où les petits rongeurs qui sont leurs proies ont l’habitude de sortir de leurs terriers. Les oiseaux coordonnent leur période de poursuite des insectes avec les heures où ces derniers sont les plus nombreux. Les mésanges calculent le moment où leurs œufs écloront, de façon à ce qu’il coïncide avec celui où les chenilles seront abondantes. Les pigeons de la place Saint- Maïc, à Venise, sont là à 9 heures et à 14 heures, avec les touristes, pour attendre leurs graines. On sait dresser des fourmis, des pigeons, des abeilles, à venir chercher leur nourriture à des heures précises. Si 1 on associe, chez des abeilles, de la nourriture avec l’envoi d’une odeur déterminée, la seule émission de cette odeur suffira, plus tard, à déclencher le processus d’étirement de leur trompe, comme pour pomper la nourriture : elles ont donc enregistré et gardé en mémoire, dans leur cerveau d’un millimètre cube, l’association odeur-nourriture.