Les dangers des rayonnements
Tout le monde est exposé
La question de la dangerosité des rayonnements de radioactivité est souvent abordée de façon sommaire et caricaturale. Il paraît excessif, bien sûr, de prétendre qu’ils ne présentent que des risques limités sous prétexte que la radioactivité naturelle existe depuis toujours et que le corps humain est lui-même émetteur de radiations. Mais il semble tout aussi abusif d’affirmer que toute application du nucléaire est à proscrire parce qu’un seul rayonnement peut provoquer un cancer.
Les analyses développées ci-dessus conduisent à penser que le danger d’une exposition aux rayonnements ionisants doit être discuté en termes de dose. Comme ce type de radiations fait partie de notre environnement, et que tout individu y est exposé en permanence, il semble intéressant, pour se faire une idée des ordres de grandeur, de se référer à la dose d’exposition moyenne annuelle reçue par un individu vivant en France ou dans un autre pays industrialisé. Cette dose annuelle s’élève à 3,5 millisievert (mSv), dont environ les 2/3 proviennent des rayonnements naturels (radioactivité + cosmiques) et le tiers restant des rayonnements artificiels (radioactivité et rayons X).
À titre d’exemple, mentionnons que la dose moyenne provenant de l’exposition aux rayonnements cosmiques au cours d’un séjour d’un mois à la montagne (2 000 m) représente 0,05 mSv, et que celle que l’on reçoit à l’occasion d’une radiographie simple (dents ou poumons) est d’environ 0,1 mSv.
Irradiation, contamination, ingestion
Lorsque l’on aborde la question de la mise en présence de personnes avec des matières radioactives, il est très important de distinguer l’irradiation de la contamination.
Une personne subit une irradiation lorsqu’elle se trouve au voisinage de matériaux radioactifs, sans entrer en contact avec eux. Elle est simplement soumise aux rayonnements, ce qui peut être plus ou moins dommageable selon leur intensité, mais cette exposition cesse dès que la personne s’éloigne ou que l’on interpose entre elle et la source radioactive une protection suffisante.
On parle de contamination lorsque un individu entre en contact avec une matière radioactive, et s’en « salit », c’est-à-dire qu’il emporte sur sa peau ou sur ses vêtements une partie de cette substance. L’individu en question sera ainsi soumis à l’irradiation par les rayonnements qu’elle émet tant que ses vêtements ou son corps resteront contaminés. Le remède est simple s’il s’agit des vêtements. Si ce sont la peau ou les cheveux qui sont concernés, une douche est évidemment nécessaire, mais elle ne suffira pas toujours à faire disparaître complètement la contamination. L’irradiation résultant de la présence de substances radioactives au contact de la peau est particulièrement dangereuse pour une simple raison géométrique, 50 % des rayonnements émis traversant le corps exposé.
Deux variantes plus graves de ce type d’accident sont l’inhalation ou l’ingestion de produits radioactifs. La contamination devient alors interne. Elle peut concerner les poumons (inhalation) et de là passer éventuellement dans le sang pour se fixer sur d’autres organes. Elle peut passer par le système digestif et suivre le même processus. Dans les deux cas, la gravité de la contamination interne dépend, non seulement de la radioactivité du produit absorbé ou inhalé, mais aussi de sa nature chimique qui conditionne la vitesse avec laquelle les processus physiologiques vont aboutir à son élimination, ainsi que de la nature et de l’énergie des rayonnements émis. On définit ainsi la radiotoxicité de chaque isotope, qui tient compte de l’ensemble de ces critères. Le danger d’une contamination interne est encore plus grand que celui d’une contamination externe. En effet, l’organisme est maintenant irradié avec une efficacité redoutable, puisque la géométrie est telle que la totalité des radiations atteignent la matière vivante. Elles n’ont même plus à traverser la peau, qui constitue le dernier rempart dans le cas d’une contamination externe, puisqu’elle arrête notamment les particules alpha148. De plus certains corps radioactifs peuvent être des poisons chimiques, ce qui constitue un risque supplémentaire, indépendant de la radioactivité.
L’important, c’est la dose…
Qu’il s’agisse d’une simple irradiation, d’une contamination externe ou interne, le danger d’une substance radioactive provient toujours des dégâts produits dans les tissus vivants par les rayonnements qu’elle émet. Il semble évident que les risques courus dépendent de la quantité de rayonnements reçus, mais il est intéressant d’examiner plus précisément la relation existant entre les doses de rayonnements reçus et les effets biologiques qui en résultent. Plus d’un siècle après la découverte des rayons X et de la radioactivité, beaucoup d’études ont été faites sur ce thème. Pour des doses relativement faibles, ces études reposent principalement sur le suivi médical de milliers de personnes ayant été exposées à des rayonnements au cours de leur vie professionnelle. Que ce soit dans les domaines de la médecine, de la recherche fondamentale ou de l’énergie nucléaire, ces personnes portent en effet en permanence un film dosimètre qui permet de mesurer mensuellement les doses reçues et de veiller à ce que celles-ci ne dépassent pas la dose maximale annuelle autorisée149. Pour les doses plus élevées, on se réfère aux expériences effectuées sur l’animal, aux observations faites sur les populations des villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki, ainsi que sur les victimes d’irradiations accidentelles. Bien entendu, les doses exactes reçues sont plus difficiles à évaluer dans ces situations catastrophiques, et l’on doit souvent se contenter d’une estimation de leur ordre de grandeur.
Les effets des rayonnements sont classés en deux catégories, selon qu’ils se font sentir immédiatement après l’exposition (effets immédiats), ou après un temps de latence qui peut être plus ou moins long (effets tardifs). Lorsque les doses augmentent, les effets immédiats vont de simples nausées à des troubles très graves pouvant même entraîner la mort, en passant par des altérations temporaires telles que la diminution du nombre de globules blancs, ou la perte de cheveux, ces derniers symptômes étant fréquemment présents chez les patients traités par radiothérapie. Les effets tardifs des rayonnements s’expriment en terme de risque : pour des doses reçues supérieures à 100 fois la dose annuelle, on voit augmenter le risque d’apparition de cancers. Cette augmentation est difficile à apprécier lorsque la dose ne dépasse que légèrement les 0,25 Sv, mais est avérée aux doses égales ou supérieures à 1 Sv. 7.
Deux points remarquables restent à souligner :
- – l’organisme humain peut recevoir, en une seule irradiation, jusqu’à 100 fois la dose de rayonnements qu’il reçoit annuellement sans qu’aucun effet immédiat ni tardif ne soit observé ;
- – jusqu’à 1000 fois cette dose moyenne annuelle les effets immédiats se traduisent par des troubles heureusement réversibles. Mais il subsiste un risque non négligeable de cancer se déclarant tardivement.
Ces deux points donnent tout son sens à notre affirmation précédente selon laquelle le corps humain est un mauvais détecteur. Il ne faut pas cependant se hâter d’en déduire que la radioactivité est généralement inoffensive et qu’on peut la traiter avec légèreté.
Vidéo : Les dangers des rayonnements
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