Les grandes migrations dans les sociétés animales
La sociabilité semble une condition essentielle aux grandes migrations animales. De nombreuses espèces (oiseaux, mammifères, insectes…) sont solitaires pendant la nidification mais deviennent sociables pour entreprendre leurs longs voyages en bandes serrées.
Les facteurs déclenchants:
Le comportement migratoire survient à la suite du regroupement des individus. Les conditions qui déterminent ces migrations sont extrêmement différentes d’un groupe zoologique à l’autre, et même d’une espèce à l’autre, mais le facteur social – un effet de groupe – se trouve au cœur de très nombreux mécanismes.
La densité des populations:
Si les facteurs climatiques interviennent, il est évident que chez la plupart des espèces la densité des populations et, tout particulièrement, la surpopulation jouent un rôle primordial dans le déclenchement du phénomène migratoire. Les facteurs sont donc très nombreux, mais il reste que les migrations surviennent, en général, au sein de groupes plus ou moins coordonnés.
Migrations cycliques et migrations irrégulières:
Encore faut-il faire la différence entre les migrations régulières, ou cycliques, spécialement celles des oiseaux ou des poissons, et les migrations irrégulières beaucoup moins coordonnées, dont le déterminisme réel demeure souvent mystérieux.
Les lemmings:
Ces petits rongeurs ressemblant à notre campagnol vivent près de la mer Baltique.
Habituellement solitaires, doux, craintifs et nocturnes, ils changent totalement de comportement au moment de leur grand exode qui survient tous les trois, quatre ou cinq ans. Soudainement, ils se multiplient en grand nombre et deviennent alors quasi diurnes et parfois agressifs, HP se jetant à l’eau en groupes qui peuvent être très nombreux. Ils s’«imitent» les uns les autres en une marée animale à peine imaginable.
La surpopulation, après l’étonnant accroissement de la fécondité et des naissances, constitue la cause immédiate de ce déferlement qui va des hauts plateaux vers la mer, où la plupart d’entre eux vont se noyer.
D’autres mammifères accomplissent de telles migrations à la suite de regroupements trop importants. C’est le cas des écureuils gris américains, ou encore des lièvres américains, des campagnols champêtres et de certaines antilopes (springbok).
Toutes ces migrations manifestent un aspect non adaptatif de l’effet de groupe, qui contribue cependant à la régulation de surpopulations de type explosif. Il s’agit d’une sorte de dérèglement du comportement social dont nous rencontrerons d’autres exemples dans les régulations des populations de rongeurs.
Les caribous:
Toute différente est la migration du caribou (ou renne d’Amérique). Cet animal est le plus grand migrateur de tous les mammifères terrestres ; ses déplacements couvrent des milliers de kilomètres dans les grands espaces de la taïga ou de la toundra. Les caribous parcourent une cinquantaine de kilomètres par jour, groupés en troupes denses, comptant parfois plusieurs milliers d’individus. Mais, à l’inverse des lemmings, leur comportement est parfaitement adapté : ainsi, ils évitent de traverser les lacs gelés dont la glace pourrait s’effondrer sous leur poids, et les longent en file indienne. À l’époque de la fonte des neiges, c’est à la nage qu’ils traversent les fleuves en leur largeur la plus étroite, bien regroupés en un triangle dont le sommet avant est occupé par le leader du troupeau. Au printemps, le groupe se dissocie : les femelles vont mettre bas loin de la harde. L’été est court dans le grand Nord et, bientôt, le troupeau se reconstitue pour revenir dans des régions plus clémentes.
Les chauves-souris:
La plupart d’entre elles sont sédentaires ou n’effectuent que de brefs déplacements saisonniers. Il existe pourtant quelques espèces dont la migration semble aussi être le résultat d’un effet de groupe. C’est le cas de la chauve-souris rouge, qui vit dans les arbres, ou de la chauve-souris américaine à tête argentée.
Dans nos régions, le grand murin, un vespertilion (Myotis myotis), l’une des plus grandes chauves-souris, compte parmi les meilleurs voiliers des chiroptères. Il effectue sa migration pendant l’automne. Avant le départ, une agitation fébrile s’empare des murins : ils crient et volent dans toutes les directions, et, finalement, à la nuit tombante, ils quittent leur caverne pour une lointaine destination, probablement l’Atlas marocain où, dans certaines grottes, se réunissent d’immenses colonies de murins.
Les grandes migrations régulières de poissons et de mammifères sont le résultat d’une multitude de facteurs où l’effet de groupe semble plus une condition indispensable qu’une véritable cause, puisqu’il a bien fallu d’abord que les individus quittent leur isolement pour se regrouper. Le fait demeure cependant, que la plupart de ces grandes migrations ne pourront s’effectuer qu’en groupe.