L'importance des mythes : Le passé primordial
Le passé primordial
L’une des raisons qui font que le temps n’a pas le même sens que pour nous, chez les populations vivant hors de notre civilisation, provient de ce qu’il n’existe pas pour eux de chronologie fixe, et que le mythe, qui leur sert à la fois d’histoire et de religion, est nécessairement situé hors du temps. Cela ne lui retire rien de son importance, qu’il tire essentiellement de la croyance absolue des membres du groupe dans le fait qu’étant une révélation, il ne peut qu’être accepté, sans jamais être discuté. L’une des caractéristiques essentielles du mythe est qu’il ressortit d’un passé primordial, lequel préexiste à tout ce qui est, mais qui ne fait pas partie du temps des vivants. On le constate chez nombre de sociétés dites « primitives » étudiées aujourd’hui par les ethnologues. Le mythe évoque l’ensemble du passé lointain du groupe, des personnages et des faits qui ont existé dans un temps si éloigné qu’il se confond avec celui des origines. On peut dire que les événements mythologiques se passent dans l’étendue totale du temps. Les grands mythes se réfèrent à des préoccupations essentielles, comme le début du monde, l’apparition des hommes et de tout ce qui les entoure. Ils racontent ce qui se s’est passé dans un temps parfaitement inaccessible, où sont apparus les éléments primordiaux de la vie du groupe. Ce qui deviendra le paradis terrestre, pour les religions à dieu unique.
Chez les hommes sans écriture ni histoire, les mythes permettent donc au groupe, non seulement de se créer un passé fondateur, mais aussi de donner un sens au monde et à sa propre existence. Pour affirmer aussi leur propre identité, leur conscience. C’est ce que chercheront à faire plus tard la philosophie et les grandes religions. Les mythes ont pour fonction de fournir aux hommes des arguments pour croire à la réalité du monde et pour tenter de le comprendre. La naissance des mythes est !’aboutissement de la recherche d’un passé collectif, commun à tous les membres de la tribu, et qui va donner à cette dernière sa cohésion, sa raison d’être, son assurance de durer, sa place dans le monde. Les mythes sont donc comparables à ce mythe scientifique et moderne du Big-Bang des physiciens – une recherche des origines, une cosmogonie, voire une cosmologie, une explication du monde. Les mythes relient le temps primordial le temps d’avant le temps et celui de 1 histoire actuelle. Ils racontent une histoire sacrée, dont les héros sont des êtres surnaturels, mais dont la véracité ne peut être mise en doute. Les mythes sont très souvent fondateurs, ils se réfèrent à une création, mais ils commandent en même temps la vie quotidienne du groupe, et aussi son avenir. « Le mythe est un modèle pour toute création à venir, dit le philosophe Paul Ricœur, toute nouvelle naissance récapitule la première naissance ; tous les commencements sont des recommencements. »
Mais le mythe va plus loin. Comme le dit Claude Lévi-Strauss, le mythe sert « à expliquer pourquoi, différentes au départ, les choses sont devenues comme elles sont et pourquoi elles ne peuvent être autrement ». Il sert à résoudre les contradictions de îa vie quotidienne. Ce sera, plus tard, le rôle de la psychanalyse qui, en remontant dans le passé des patients, s’efforcera de leur permettre de résoudre leurs conflits psychologiques en retrouvant le primordial qui, dans notre histoire personnelle, ne peut aller plus avant que les plus anciens souvenirs de la petite enfance. Il est évident que, dans les deux cas très différents, bien entendu – le temps joue un rôle essentiel, dans la mesure où l’effort pour le remonter, pour revenir en arrière, est l’instrument du retour à la sérénité. Mais la comparaison est trompeuse, car le patient, chez le psychanalyste, cherche à remonter vers un passé certes lointain, mais qui a été vécu, alors que le mythe est hors du temps.
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