Reptiles
Descendant d’amphibiens, apparus il y a quelque 340 millions d’années, les reptiles ont pu s’affranchir du milieu aquatique grâce à deux acquisitions : un œuf à coquille contenant un milieu interne (cavité amniotique), qui reconstitue ce milieu liquide, indispensable au développement de l’embryon, et un tégument à peu près imperméable évitant la perte de l’eau du corps.
Des lignées primitives à riche descendance
La présence d’écailles épidermiques est sans doute le plus constant des caractères reptiliens. Chez les reptiles actuels, seules quelques tortues en sont dépourvues, les ayant secondairement perdues, mais il est probable que des groupes entiers de reptiles éteints ont eu un revêtement épidermique plus spécialisé.
Les autres particularités des reptiles sont des caractères primitifs, notamment le sang froid (la poïkilothermie, ou température variable en fonction de l’environnement) : ces vertébrés ont un métabolisme insuffisant pour augmenter sensiblement leur température interne par rapport à celle du milieu ambiant. Cette règle n’est pas non plus absolue, car plusieurs reptiles actuels (pythons, tortueluth) peuvent élever leur température de plusieurs degrés. La communication interventriculaire (cœur à 3 cavités) est également un caractère primitif.
Il est en fait plus simple de dire que les reptiles comprennent tous les vertébrés, actuels ou passés, dits amniotes (à cavité amniotique), à l’exception de deux groupes issus de lignées reptiliennes, ce¬lui des oiseaux et celui des mammifères, bien singularisés par des spécialisations : plumes ou poils, homéothermie (régulation de la température interne) et cœur à quatre cavités – ces deux derniers caractères étant probablement apparus de façon indépendante.
La thermorégulation : une nécessité vitale
De nombreux reptiles ont conservé des amphibiens ancestraux une morphologie de vertébré tétrapode à queue longue et à membres latéraux : c’est le cas des urodèles actuels, qu’il s’agisse des crocodiles ou de la plupart des lézards. Néanmoins, le tronc reste le plus souvent près du sol et, même s’il ne le touche pas, l’animal donne l’impression de ramper d’où le nom de reptile. Cette facilité avec laquelle le corps peut venir s’appliquer contre le substrat présente un avantage, car l’animal peut, par un contact étendu, prélever le maximum de calories au support qu’il s’est choisi.
La principale activité d’un reptile consiste en effet à obtenir une température optimale, variable selon les espèces, le plus souvent comprise entre 24 et 32 °C. Si la température extérieure est supérieure, le reptile doit impérativement chercher un endroit plus frais, comme un terrier ou l’eau d’une mare; s’il n’y parvient pas, il s’échauffe rapidement, et meurt s’il atteint une température dite léthale. Au contraire, si la température extérieure est basse, le reptile utilise à la fois ses propres ressources et celles de l’environnement pour augmenter sa température interne. Sa conformation lui permet en effet souvent de capter au mieux les rayons solaires : assombrissement de la coloration par une modification de la pigmentation, déploiement de crêtes, de collerettes ou de palmures.
Dans les régions à saisons marquées, les reptiles peuvent observer de longues périodes d’inactivité, autorisées par des réserves nutritives et un métabolisme réduit; les principales périodes de léthargie correspondent aux saisons froides (hibernation) ou aux périodes de sécheresse (estivation).
Les reptiles et l’œuf
Sous nos climats, après l’hibernation, les mâles recherchent les femelles. Des combats opposent souvent plusieurs prétendants, et le vainqueur doit parfois à nouveau se dépenser pour obtenir, de gré ou de force, les faveurs de sa compagne : cour nuptiale raffinée chez certains, viol brutal pour d’autres. Comme l’œuf est expulsé entouré d’une coquille, il est nécessaire que l’ovule soit fécondé avant l’élaboration de celle-ci, c’est pourquoi les reptiles ont une fécondation interne. Le pénis est bifurqué (on distingue deux hémipénis) chez les lézards et les serpents, alors qu’il est simple chez les crocodiles et les tortues.
Le nombre d’œufs varie de un à quelques centaines : on est donc très loin des milliers d’œufs pondus par beaucoup d’amphibiens, ou des dizaines ou centaines de milliers d’œufs des poissons. Cette réduction en quantité s’accompagne en quelque sorte d’une amélioration de la qualité : l’œuf de reptile est une énorme cellule très spécialisée. L’embryon est protégé et alimenté par plusieurs annexes et la coquille calcaire, poreuse, a elle-même plusieurs propriétés utiles : résistance assurant une protection mécanique, perméabilité totale aux échanges gazeux permettant la respiration, perméabilité très réduite à l’eau limitant l’évaporation. Les principales annexes, limitées par des membranes, sont le sac vitellin, contenant les réserves nutritives (jaune ou vitellus) ; l’allantoïde, richement vascularisé, qui est le site des échanges gazeux et sert aussi au stockage des déchets ; la cavité amniotique, enfin, remplie d’un liquide proche de celui du milieu intérieur, qui offre à l’embryon qu’elle entoure à la fois un milieu aqueux, une protection mécanique et une protection contre les variations thermiques.
Viviparité et ovoviviparité
Chez plusieurs espèces, on observe une évolution plus ou moins avancée vers la viviparité. Dans un premier stade, les ovules fécondés (œufs) restent dans les voies génitales maternelles jusqu’à la naissance; la coquille, devenue inutile, est remplacée pair une simple membrane, que le nouveau-né déchire aussitôt après la ponte. Cette étape constitue l’ovoviviparité; elle représente le type habituel des naissances chez les vipères, les boas, les orvets. Quelques espèces, notamment des lézards, montrent un stade plus avancé : la muqueuse de l’oviducte maternel est le siège d’échanges avec l’œuf : échanges gazeux, échanges d’aliments et de déchets. Une dépendance totale de l’embryon vis-à-vis de sa mère constitue la viviparité, mais il existe de nombreux stades intermédiaires, souvent mal identifiés, entre celle-ci et l’ovo- viviparité. Une telle série évolutive se retrouve également chez les mammifères, tandis que les oiseaux sont tous ovipares.
Un avenir incertain
Les besoins thermiques des reptiles, et plus encore ceux de leurs œufs, limitent leur extension dans les régions froides ; ils sont donc particulièrement abondants dans les régions chaudes, et les grandes espèces, plus exigeantes, ne sont présentes que dans les zones tropicales ou équatoriales. Issues de lignées anciennes, les familles de reptiles qui subsistent aujourd’hui ont une répartition qui se superpose assez bien à celle des régions biogéographiques. Les reptiles sont d’une manière générale sédentaires et même souvent étroitement inféodés à un type précis de milieu. La plupart des espèces ont une aire de répartition très limitée, même si certaines ont une distribution considérable, couvrant parfois l’étendue d’un continent.
Leur dépendance par rapport à un biotope précis et leur sédentarité rendent les reptiles vulnérables : incapables de s’adapter rapidement à un nouvel environnement, ils sont parmi les premiers animaux à disparaître quand un milieu est détruit. La mauvaise réputation dont souffrent la plupart de leurs représentants contribue aussi largement à les éliminer, et de nombreuses espèces, réellement redoutables ou totalement inoffensives, sont menacées d’extinction. Il ne faut pas nier que la rencontre de certains reptiles peut être dangereuse ou même fatale : quelques crocodiles, plusieurs dizaines de serpents sont responsables de la mort de milliers de personnes chaque année à travers le monde. Tous les reptiles paient un lourd tribut pour les méfaits réels d’une centaine d’entre eux. Il est aisé de constater que cette aversion à leur égard est particulièrement forte dans notre civilisation; dans d’autres régions du monde, ces animaux, riches en symboles, sont souvent vénérés, nourris dans leur milieu naturel ou élevés dans des temples : les dieux parviendront-ils à les protéger?