Un cérémonial mortuaire de quatre-vingt-dix mille ans
Cette vision nouvelle de la mort va susciter l’apparition tes cérémonies morruaires : on a retrouvé des sépultures fleuries, bien agencées, qui montrent que ces cérémonies existaient déjà chez nos lointains ancêtres, ]es hommes de Néandertal, qui vivaient en Europe il y a près de cent mille ans. À Shanidar, dans le nord de l’Irak, on a découvert un squelette d’homme visiblement inhumé sur un lit de fleurs, dont on a retrouvé les pollens fossiles. Cette cérémonie mortuaire remonte à soixante mille ans. À Quafhez, en Israël, on a exhumé le squelette d’un enfant portant dans ses bras une ramure de cerf, autre trace de cérémonial, daté de quatre-vingt-dix mille ans, sans doute le plus ancien actuellement connu. On a mis au jour, depuis, de très nombreuses traces de telles inhumations un peu partout en Europe, marquées souvent d’ocre rouge, signe du sang, de vie et de mort. Certains préhistoriens y voient les prémisses lointaines de la religion et des philosophes l’annonce d’une métaphysique.
Dans beaucoup de sociétés africaines, les membres du groupe considèrent, aujourd’hui encore, qu’il existe deux mondes, celui de tous les jours, le monde quotidien, visible – et le monde invisible, celui des esprits, celui des morts. Cela va, parfois, jusqu’à la croyance que le mort se réincarne dans un enfant, qui possédera toutes les qualités du disparu. On lui donne encore dès sa naissance le nom de ce disparu dans bien des civilisations, en Afrique comme chez les Eskimos. Dès les temps préhistoriques, le défunt était enterré dans la position du fœtus, afin qu’il puisse plus facilement revivre.
C’est aussi la croyance, que l’on retrouve dans nombre de religions orientales, et qui doit remonter très loin dans le passé, que tout être vivra un nombre variable de vies, se réincarnant tantôt dans un enfant, tantôt dans un animal, voire une plante. Le corps n’est, pour ces religions, qu’un véhicule de l’être, lequel est immortel. Toute naissance est une renaissance. Il faut donc accepter la mort comme une chose naturelle. L’une des plus familières des légendes bouddhistes est celle des grains de moutarde. A une mère éplorée, qui portait le cadavre de son fils et lui demandait de le ramener à la vie, le Bouddha répondit : rien de plus facile, va dans chaque maison et demande un grain de moutarde, quand tu en auras suffisamment, ton fils guérira. Mais tu ne peux accepter de grain que d’une maison où jamais un être humain ou un animal n’est mort. La mère se mit en quête, mais s’aperçut rapidement que la mort était partout et comprit que celle de son fils était inéluctable.