Du temps sacré au temps profane : Puis vient le temps des marchands
Le temps des marchands
Puis, comme l’a si bien analysé Jacques Le Goff, se produit une très importante révolution dans les rapports des hommes avec le temps. L’historien qualifie d’événement majeur cette époque où s’élabore l’idéologie du monde moderne. Cela se produit au XIIIet au XIV siècle. C’est le moment où le temps de l’Eglise va céder peu à peu le pas au temps des marchands, puis à celui du travail. Jusque-là, les cloches des églises rythmaient la vie des hommes, les paysans entendaient l’Angélus comme les moines. En dehors de cela, ils n’avaient pas de notion précise de l’écoulement du temps, car ils ne possédaient ni montre ni horloge – seuls les moines avaient des horloges à eau – et les cadrans solaires donnaient des indications peu précises. On travaillait du lever au coucher du Soleil, sans diviser davantage le temps que par les pauses des prières et des repas. Les hommes avaient, à cette époque, comme une indifférence vis à vis du temps.
Puis arrivent les marchands, qui ont besoin d’un temps structuré. Les transports de marchandises, l’apparition des grandes foires, les moyens de paiement à crédit, la coordination du travail des ouvriers et des employés réclament une organisation précise du temps, qui va donc se laïciser. Le temps des cloches va faire place au temps des horloges, que l’on va installer sur des beffrois, face aux églises. En 1335, les habitants d’Aire-sur-la-Lys, dans le Nord de la France, obtiennent du gouverneur royal d’Artois le droit de construire un beffroi dont les cloches vont sonner les heures des transactions commerciales et le rythme du travail des drapiers, qui formaient la principale activité de la région. C’est le premier symbole clairement visible de cette profonde modification des systèmes sociaux, marquée à la fois par le début de l’organisation du travail et la perte de la primauté de L’Eglise dans la commande publique du temps. Les drapiers prennent le pouvoir. L’horloge communale devient un instrument de domination économique, sociale et politique des marchands qui régentent la vie commune. Pour les servir, apparaît la nécessité d’une mesure rigoureuse du temps, car, dans la draperie, il convient que les ouvriers journaliers viennent à leur travail à heure fixe. « Déjà apparaissent les cadences infernales », écrit Jacques Le Goff. En 1370, Charles V, qui est obsédé par le temps et collectionne les horloges, ordonne que toutes les cloches de Paris se règlent sur l’horloge du Palais Royal, qui sonnait les quarts d’heure et les heures. L’heure devient l’unité de temps, à la place de la journée. Le souverain marque ainsi l’emprise du pouvoir royal sur le temps, lequel va devenir celui de l’Etat.
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