Grands travaux et grands impacts: les grands travaux et leurs impacts de l espace rurale
Grands travaux et grands impacts
Jusqu’au début des années soixante-dix, les grands aménagements fluviaux ont été perçus de façon valorisante. Ils créaient des ressources énergétiques nouvelles, permettaient la mise en valeur de vastes espaces, réduisaient les contraintes de la navigation fluviale. Sur un autre plan, ils généraient des technologies nouvelles, tant dans le domaine des travaux publics, que dans celui d’une gamme de matériel spécialisé allant des turbines aux écluses de navigation. Es étaient créateurs d’emplois, donnée jugée essentielle par les Américains dans .es années trente. Pour les Soviétiques, ils témoignaient de la grandeur du régime. Partout, ils étaient considérés comme le symbole d’une mise en ordre de La nature par le génie humain. Ils étaient et restent encore soutenus par les perspectives démographiques mesurées à l’échelle planétaire.
La remise en cause de cette évaluation est venue de l’Ouest des Etats-Unis, c’est-à-dire d’une vaste région où coexistaient secteurs encore proches d’un état naturel et secteurs radicalement transformés, souvent de façon irréversible. La progression des grands travaux et leur empiétement sur les secteurs encore préservés – en l’occurrence les bassins de la Columbia et de son affluent la Snake – rendaient particulièrement évidents les effets d’impact et suscitèrent une réaction vigoureuse dans une opinion sensibilisée par quelques accidents spectaculaires, glissements de terrain, déstabilisation de cours d’eau ou autres.
Ce revirement, soutenu par le mouvement écologiste, étendu de la gestion des grands fleuves aux probèmes d’équilibre à l’échelle planétaire, diffusé d’abord en Amérique du Nord et dans les pays de l’Europe du Nord puis dans l’ensemble des pays riches, a été consacré par quelques grand-messes comme le Congrès de Rio (1992) et des bilans comme le Global 2000 Report demandé par le Président Carter ou le Rapport Brundtland. Il a suscité à la fois une recherche sur les gestions alternatives et un corpus législatif qui définit assez bien ce que devraient être les principes d’une gestion conservatrice de l’eau et les limites de l’action humaine dans ce domaine.
La commodité de l’exposé incite à faire le partage entre les impacts qui altèrent le milieu naturel et ceux qui affectent les collectivités humaines. Il va de soi que dans la réalité concrète, qui ne ressort que dans les études de cas, les interférences entre nature et société sont incessantes.
Les grands travaux ne sont pas seuls en cause
La transformation de la nature par l’homme est aussi ancienne que la maîtrise du feu et le bâton à fouir. Les fleuves n’échappent pas à cette règle et il existe une forte présomption de corrélation – au moins à l’échelle du continent européen – entre les premiers grands défrichements et les changements observables de la morpho dynamique fluviale, attestés par un accroissement marqué de la sédimentation dans les plaines deltaïques et littorales . Du moins peut-on admettre avec R. Neboit que l’action humaine aurait précipité et accentué d’éventuels changements morpho climatiques en abaissant les seuils de résistance du milieu.
Cette action diffuse est encore sensible actuellement sous de multiples formes. Le déclin démographique de certaines régions explique une plus grande stabilité des versants et l’incision concomitante des lits sur certains affluents du Rhône. Inversement et sous d’autres deux, les coupes à blanc des forêts ont suscité glissements de terrain et séquences érosives violentes dans les bassins de la Columbia et du Frazer. Enfin – mais cet impact est d’autant plus sensible que les fleuves affectés sont de rang modeste – les extractions de matériaux dans les lits fluviaux se traduisent par l’enfoncement de ceux-ci, des reprises d’érosion sur les berges et finalement la déstabilisation des ouvrages d’art, digues ou ponts. L’exemple le plus frappant reste, à l’échelle de la France, l’effondrement d’un pont à Tours en 1978, à la suite de l’encaissement de près d’un mètre du lit de la Loire entre Orléans et Tours, après prélèvement d’une masse considérable de sables et granulats. Bien qu’ils n’aient suscité aucune catastrophe à ce point spectaculaire, l’encaissement récent de certains affluents du Rhône, comme l’Arve, n’en est pas moins inquiétant : 12 mètres en moins d’un demi-siècle sur certains secteurs.
D’autres formes de déstabilisation sont la conséquence de rejets. Rejets diffus d’engrais, de pesticides ou de lisiers en milieu rural. Rejets concentrés et plus ou moins traités en milieu urbain où l’on considère qu’un rendement de 80 % constitue un objectif de très grande qualité pour une station d’épuration, ce qui veut dire que les rejets bien traités d’une agglomération de 10 millions d’habitants équivalent au rejet brut de 2 millions d’équivalents-habitants. Cela pour ne rien dire des grandes villes des pays pauvres qui déversent directement leurs eaux usées dans les cours d’eau qui les bordent. A cela s’ajoutent les rejets industriels qui engendrent parfois des catastrophes comme celle du Rhin en novembre 1986, provoquée par l’incendie des usines Sandoz à Bâle et le déversement consécutif de fongicides et de pesticides qui détruisirent toute vie dans le secteur aval et dont l’impact se fit sentir jusqu’au niveau du delta.
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