Les eaux de la discorde
Les eaux de la discorde
L’eau du fleuve satisfait à de nombreux usages mais c’est toujours la même eau sans cesse utilisée à de multiples fins et rejetée pour être à nouveau utilisée d’amont en aval. Même sur les grands fleuves, ce constat d’évidence est lourd d’implications sectorielles, spatiales et sociales. Au titre des implications sectorielles, on retiendra le problème des compatibilités et des hiérarchisations entre usages. Au titre des implications spatiales, se pose non seulement le problème des relations entre amont et aval mais aussi, dans bien des cas, celui des relations entre rive gauche et rive droite. Au titre des implications sociales se pose enfin, référence étant faite au fleuve comme cadre de vie, la question d’éventuels particularismes propres aux gens des bords de l’eau. Il va de soi que les problèmes sectoriels et spatiaux se recoupent et qu’ils n’ont pas forcément les mêmes implications selon qu’ils sont appréhendés à l’échelle régionale, nationale ou internationale, cette dernière s’avérant fondamentale dans le cas des grands fleuves.
À l’échelle des bassins versants, ces divers thèmes peuvent être développés dans une double perspective d’intégration consensuelle ou d’opposition conflictuelle, ces deux termes constituant l’avers et le revers d’un même champ d’investigation qui peut être défini comme l’hydro politique, c’est-à-dire l’ensemble des projets, actions, stratégies et tensions qu’implique la gouvernance de l’eau .
Ne seront envisagés dans l’immédiat que les problèmes conflictuels qui, en fait, sont les plus fréquents, compte tenu de la montée des besoins et de la multiplication des usages consomptifs. Encore faut-il préciser ce qu’est cette notion de conflit et opérer la distinction à partir des situations de concurrence entre plusieurs acceptions du ternie (figure 28). La concurrence apparaît dès lors que la demande excède l’offre en quantité ou en qualité, de façon permanente ou épisodique, dans l’immédiat ou à terme. Elle correspond à un seuil de perception à partir duquel deux attitudes sont possibles. L’une qualifiée ici
d’accommodation consiste à rétablir l’équilibre par consensus entre les parties- L’autre, correspondant à l’absence ou au refus d’accommodation, engendre an minimum et dans un premier temps, un état de tension latent, correspondant i ce que sont souvent les relations entre deux périmètres irrigués ou entre amome et aval à propos de rejets qui peuvent être déclarés gênants mais qui sont tolérev À un niveau de perception et de gêne plus accentué, s’instaure une situation de crise avérée suscitant des procès, des mesures de rétorsion, des voies de fait discrètes, des prises de position comme celle de l’Egypte à propos de la réparation des eaux entre riverains du Nil. Enfin, dans un stade ultime, il peut y avoir conflit ouvert, ce qui amène à poser la question d’éventuelles guerres de l’eau ci des formes que prendraient ces guerres. À terme et quelle que soit l’intensite du conflit, il faudra bien que les parties reviennent à un état d’accommodation. La bien l’un des protagonistes impose par la force sa propre solution au problème de concurrence, ou bien ce règlement est obtenu d’un commun accord en vue d’instaurer un partage ou un aménagement qui permette d’améliorer la gesnoc de la ressource, l’idéal étant d’aboutir à une gestion consensuelle, voire à une gestion intégrée.
Ce schéma, qui suppose de nombreuses variantes, est applicable aux divers» échelles de l’analyse des conflits. En fait, et s’agissant des grands fleuves, deui échelles méritent de retenir l’attention, d’une part l’échelle locale qui est la plus souvent impliquée au niveau du terrain dans les projets d’aménagement d’autre part l’échelle internationale qui est celle des grands bassins fluviaux, la règle étant que ceux-ci ne coïncident avec un espace national que par exception, comme c’est le cas pour le Changjiang (tableau 3). La montée des nationalismes aidant, le nombre des fleuves devenus internationaux s’est accru (Amou-Dark –
Syr-Daria) alors que dans d’autres cas, l’accroissement porte sur le nombre des Etats se partageant un bassin fluvial. Dans le cas du Danube, ce nombre est passe de 8 à 11 Etats. Derrière la complexité qu’implique ce constat, les constantes et les enjeux demeurent les mêmes, quelle que soit l’échelle du conflit.
Vidéo : Les eaux de la discorde
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