Le management vert, la première urgence : Apprendre à communiquer
Apprendre à communiquer
Ayant été personnellement responsable auprès du premier fabricant de détendeurs-adaptateurs GPL (Gaz de Pétrole Liquide) en Hollande, je me suis retrouvé dans la même situation absurde que mes collègues de Rhône-Poulenc et sans avoir plus d’outils de communication. Le GPL étant le seul carburant pour voitures réellement propre, il nécessite un stockage en gaz sous pression dans la voiture. Ce stockage en bombe n’est ni plus ni moins dangereux que le vieux réservoir d’essence.
Dans la bataille pour la sauvegarde de l’environnement, les verts hollandais sont enthousiastes vis-à-vis des qualités milieu-vriendelijk (littéralement : aimable pour l’environnement) du GPL. Les normes de sécurité de stockage, de remplissage du réservoir de la voiture, des spécifications du réservoir lui-même et de l’alimentation des cylindres du moteur sont des plus strictes et ne posent aucun problème, y compris dans les cas de malveillance. Aujourd’hui, 11 % du parc des voitures particulières en Hollande circule au gaz GPL.
Lorsque la société a voulu s’implanter en France, elle s’est heurtée naturellement et normalement au lobby anti-gaz. L’argument technique avancé par les concurrents était celui du danger du stockage sous pression du gaz dans la voiture. La société avait certes les arguments techniques pour démontrer le manque de sérieux de cette argumentation, mais elle n’avait pas le savoir-faire en communication pour désamorcer le fantasme de la bombe roulante qui hantait bientôt jusqu’aux couloirs de l’Assemblée nationale.
Les entraves réglementaires à la conversion au GPL qui en découlèrent ont mis fin à toute tentative d’implantation. Ce qui est vert en Hollande a viré en rouge en France. Par simple manque de communication.
A la même époque, Jacques Calvet, le patron de PSA, avait parfaitement raison lorsqu’il clamait haut et fort que le pot catalytique était un cataplasme sur une jambe de bois. La solution aux problèmes des gaz d’échappement de la voiture se trouve évidemment à la source de la pollution et s’appelle moteur propre. Cette solution était à la portée de nos bureaux d’études il y a cinq ans, et le pot catalytique aura retardé le processus d’une dizaine d’années au moins.
Mais si Jacques Calvet avait raison au niveau technique, en revanche, en termes de communication et marketing, tâches inhérentes au métier de chef d’entreprise, il avait tort.
Lorsque, suite à la récupération intelligente que les constructeurs automobiles allemands et américains ont fait du mouvement écologique, le consommateur peu informé commença à exiger le pot catalytique, la logique marketing eût été de le lui fournir. Même si son efficacité pouvait être contestée. L’activité humaine, l’activité de l’écosystème tout court, n’est pas propre.
Le guano de la côte Pacifique de l’Amérique latine est le résultat de la destruction de l’environnement par les colonies de cormorans, de mouettes d’albatros, dont les excréments détruisent jusqu’aux rochers dans lesquels ils se nichent. Destruction verte de la nature.
L’industrie automobile n’a pas disposé, au moment critique, de l’outil marketing pour communiquer cette évidence à nos amis, les verts. Ce n’est pas demain que la voiture à moteur à explosion propre, au gaz ou à l’essence, verra le jour.
De fait, le premier paradoxe auquel est confronté le responsable d’entreprise en matière de gestion de l’environnement est celui de la communication. Responsable d’un système qu’il croit être d’une utilité certaine pour la communauté, il ne dispose pas des outils pour mesurer et pour communiquer cette utilité. La révolution médiatique n’épargne pas plus l’entreprise que tout autre corps social constitué.
L’environnement fait ainsi irruption dans l’entreprise et la communauté, sous forme de groupes de pression ou simplement sous forme d’une conscience collective aux aguets, et demande des comptes aux responsables d’entreprise. De même qu’il lui a fallu plusieurs générations pour digérer le fait syndical et la mise en cause sociale de sa gestion, le responsable d’entreprise a du mal aujourd’hui à ajouter le facteur environnement aux paramètres déjà multiples qu’il doit maîtriser.
La charge émotionnelle et l’ignorance de la réalité de l’entreprise qui accompagnent le mouvement écologique l’incitent à se renfermer dans l’anti-communication par excellence, que nous avons appelé : la négation rationalisante.
Un exemple parmi tant d’autres : le syndrome nucléaire consiste à surmonter l’angoisse que suscite tout processus industriel, d’une complexité insaisissable pour le non-spécialiste, par une argumentation rationnelle et rationalisante. Cela donne des non-dialogues entre écologistes et responsables d’entreprise, dont le comique grinçant n’a rien à envier à Woody Allen.
Un échantillon :
EDF : L’énergie nucléaire est l’énergie de masse la moins polluante qui puisse exister !
Écolo : Hiroshima !
EDF : La maîtrise pacifique du nucléaire assure à l’humanité, une source d’énergie inépuisable.
Écolo : Three-Miles-Islands !
EDF : Les procédés de contrôle que nous avons mis en place sont tels, que tout incident est exclu.
Écolo : Tchernobyl !
EDF : Une gestion responsable est la meilleure garantie contre tout dérapage.
Écolo : Osirak !
EDF : (exaspéré) Que voulez-vous finalement ? Retourner à l’âge de pierre ?
Écolo : Nous voulons une énergie propre !
Ecolo : Hiroshima ! (et ainsi de suite, voir ci-dessus).
Oui l’énergie nucléaire est, dans un certain sens, la plus propre qui ; inventée à ce jour. Oui, l’énergie nucléaire est, dans un autre sens, très dangereuse potentiellement pour la vie de régions, de pays, de continents entiers, sinon pour la planète. Comme le sont le gaz-à-tous-les-étages, la distribution de l’eau, le métro parisien, l’autoroute du Sud, la prolifération des rats et des puces, le génie génétique et l’agrochimie
Le catalogue des cataclysmes que la gestion malveillante ou simplement incompétente de l’environnement pourrait infliger à l’humanité ferait rougir de honte l’organisation terroriste la plus chevronnée du monde.
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