Culture, contrôle social et liberté
Tout système social devient oppressant lorsqu’il est trop parfait. Les rôles et les statuts imposés par les relations institutionnalisées, ceux qui naissent de la division économique du travail en particulier, et les préceptes moraux inculqués dès l’enfance et qui marquent profondément les consciences individuelles, enferment les individus dans des cadres si rigides qu’ils en souffrent parfois. Beaucoup rêvent de s’en libérer provisoirement ou définitivement.
Pour y parvenir, il faut quitter les espaces où le contrôle social est trop fort, ceux où le regard collectif exclut toute déviance et où le fait d’oublier, ne fut-ce que provisoirement, les rôles que l’on doit assumer, est sévèrement condamné. L’espace social comporte généralement, à côté de zones où rien n’échappe à la vigilance collective, des aires où elle ne peut s’exercer aussi efficacement (Théry, 1991).
Formes de sociabilité et contrôle collectif
Ici (type A), la limite du privé isole la famille du voisinage ; les portes sont fermées, des grilles entourent le jardin. Les rapports avec les voisins restent limités et froids : c’est à cette condition que l’intimité et la liberté de chacun sont préservées. C’est le cas de la plupart des grandes villes françaises. La rançon, c’est la solitude. Un des avantages, c’est de rendre possible la cohabitation de gens très variés dans le même immeuble ou la même rue. Bien des conflits de voisinage peuvent être ainsi évités et l’intégration sociale se trouve favorisée.
Ailleurs (type B), aux États-Unis par exemple, la communauté de voisinage se nourrit de relations chaudes et vivantes. Pas de grilles ou de murs ; les portes sont ouvertes, les visites des voisins souhaitées. Cela ne peut fonctionner que si on a de « bons voisins » avec lesquels les relations sont faciles. Tout est mis en œuvre pour que, dans un quartier, se regroupent des familles homogènes par le revenu, la religion ou la couleur de la peau. C’est ainsi que les Little Italia, les Chinatowns et les ghettos noirs apparaissent et se renforcent.
Dans les faits, les villes sont des organismes complexes ; les zones centrales et les lointaines banlieues n’ont pas été élaborées selon les mêmes règles d’urbanisme et n’ont pas subi la même évolution. Les types A et B de voisinage s’y rencontrent à des degrés divers.
Les espaces de distraction et de loisir
L’énergie des individus n’est jamais totalement mobilisée par la poursuite d’objectifs utilitaires (Sansot et alii, 1978). Il faut entrecouper l’existence de moments de repos, de délassement et de jeu. Certains sont du domaine de la vie privée, personnelle ou familiale. Beaucoup participent aux temps forts de la vie sociale. Celle-ci, même au niveau le plus quotidien, implique toujours une mise en scène (Goffman, 1973).
Des temps libres sont prévus au cours de la journée : l’heure de récréation des enfants à l’école, le moment de la sieste dans la plupart des civilisations méditerranéennes et la soirée, une fois le travail accompli et le repas du soir absorbé, un peu partout. Lorsque le travail devient assez efficace pour se faire en moins de H i heures par semaine, avec des congés payés d’un mois et plus, et la retraite relativement précoce, les loisirs occupent une large place (Dumazedier, 1972). Plusieurs solutions sont possibles :
- On se livre à des activités productives librement choisies : broderie, bricolage. jardinage, etc.
- A tous les âges, les activités sportives ont leurs adeptes.
- Le besoin d’évasion se manifeste d’abord à travers la lecture, les spectacles et lu visite des musées qui font échapper au quotidien (Sansot et alii, 1978). Le Voyage combine l’ensemble de ces plaisirs, l’activité physique, la rencontre, la contemplation des beautés de la nature, le commerce des chefs-d’œuvre de l’architecture ou de l’art.
La fête: Inversion sociale et catharsis
La fête marque une rupture collective nette et signifiante dans le déroulement ordinaire des jours (Duvignaud, 1973). Elle rythme les temps forts de la vie familial. naissance, mariage, décès, rappelés chaque année aux anniversaires.
Plus importantes encore sont les fêtes qui ponctuent la vie collective, religieuse ou civique sont organisées à des dates fixes qui correspondent souvent aux grands moments des cycles cosmiques ou aux événements majeurs de la vie de la Cité.
Ces fêtes se manifestent par des processions, des danses, de la musique, des spectacles. Chacun est à la fois acteur et spectateur et vit un moment d’intense émotion, de communion et d’évasion. Le sentiment d’appartenance collective est alors très fort. Certaines fêtes suspendent l’application des règles habituelles et à l’inversion des hiérarchies sur le modèle du Carnaval chrétien. Le Masque et le déguisement permettent à chacun d’être un autre, de parler et de se conduire librement. Ces manifestations et leurs excès ont des vertus de thérapie collective et permettent de purger la société de ses tensions. Les spectateurs vivent par procuration des situations extrêmes auxquelles ils n’accèdent pas dans le cour normal de leur existence et se libèrent ainsi de leur agressivité.
Le rôle joué par ces manifestations collectives dans certaines civilisations justifie des aménagements urbains spéciaux, parfois grandioses : vastes avenues pour accueillir les processions, places monumentales, constructions géantes capable de réunir dans la même enceinte officiants et spectateurs.
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