L'élargissement de la vie de relations et la multiplication des chocs culturels
L’élargissement de la vie de relations et la multiplication des chocs culturels
Un monde rapetissé
L’unification de la Terre a commencé avec les Grandes Découvertes et s’est accélérée à la fin du xviiie et durant le xixe siècles avec la Révolution des transports. Une étape nouvelle a été franchie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale grâce aux transports rapides et aux télécommunications. Il faut six heures pour aller de Paris à New York (et trois en Concorde) au lieu de cinq jours, et douze heures pour Paris-Tokyo, alors qu’il fallait vingt-cinq jours de mer en 1939. Les prix ont baissé aussi rapidement. Les flux d’information sont instantanés et leur efficacité est d’autant plus grande qu’ils relient des ordinateurs.
La vie internationale en est bouleversée (Durand et alii, 1992 ; Badie et Smouts, 1992 ; Taylor, 1993 ; Touraine, 1995) : les ambassades, qui servaient d’intermédiaires obligés entre les gouvernements voient leur rôle restreint par la diplomatie directe ; en cas de crise, les chefs d’État se téléphonent ou se rencontrent. Les organisations non gouvernementales se sont multipliées et tiennent une place accrue dans les échanges culturels ou l’action humanitaire. Les entreprises peuvent plus aisément disperser leurs établissements. Les filières de transformation cessent de se dérouler pour l’essentiel au sein d’espaces nationaux. Transnationales et multinationales assument une part croissante de la production et de la distribution.
La mondialisation de l’économie modifie profondément l’organisation de l’espace : les pays se sont rapprochés et le volume des flux d’information qui transitent par les câbles ou les satellites croît plus vite que la production ou que le commerce mondial. Les contacts directs et les relation face-à-face restent néanmoins nécessaires au moment où s’élaborent les décisions, et pour leur suivi. Les activités d’impulsion, de conception et de contrôle ont donc tendance à se localiser là où l’on jouit de la meilleure accessibilité vis-à-vis de l’ensemble de l’économie mondiale. La métropolisation, si frappante depuis le début des années 1980, est le corollaire de la mondialisation (Claval, 1993-b).
Le rapetissement du monde qui s’accentue ainsi sous nos yeux multiplie les contacts et les chocs culturels. Le tourisme international se développe : il fait comprendre aux démunis ce qu’est l’aisance et popularise de nouvelles attitudes de consommation. Dans les pays méditerranéens ou tropicaux, les cultures traditionnelles étaient puritaines ; les visiteurs qui s’y pressent viennent jouir du soleil, des plages et du sexe ; leur nudité affichée et leur dévergondage provoquent des réactions d’envie et de rejet.
Les médias ont besoin de tant de programmes que peu de pays sont capables de couvrir leur demande intérieure : des nations riches et développées comme celles d’Europe occidentale ne peuvent amortir les heures de fiction qu’elles consomment en masse. Des nations plus modestes n’arrivent à répondre à la demande qu’en important l’essentiel de ce qu’elles diffusent ; pour les plus pauvres ou les plus petites d’entre elles, les frais de doublage ou de sous-titrage sont trop élevés ; on émet dans la langue originale. Les attitudes et les valeurs étrangères pénètrent donc dans les foyers des régions les plus reculées, introduisent des attitudes et suggèrent des consommations nouvelles. Elles suscitent aussi fréquemment des réactions nationalistes.
La métropolisation multiplie les mouvements migratoires (Badie et Wihtol, 1994 ; Simon, 1995). Ceux-ci affectent des professionnels de haut niveau, venus travailler dans les succursales ou les bureaux des firmes étrangères installées dans le pays. Elles concernent aussi des masses de populations démunies et fascinées par les niveaux de vie des pays développés, les opportunités de travail des grandes villes et la qualité des services qui y sont offerts souvent gratuitement à tous.
Les nouveaux migrants n’ont pas les mêmes motivations que ceux des générations précédentes. Les cadres ne sont généralement là que pour des séjours de quelques mois ou de quelques années. Ils ont tendance à former des colonies qui restent en marge du pays d’accueil.
Les immigrants venaient autrefois pour mieux gagner leur vie et pour s’insérer dans des sociétés dont les institutions leur paraissaient plus justes, plus libérales et plus démocratiques. Les attitudes sont aujourd’hui différentes. Beaucoup d’immigrants n’attendent du pays où ils s’installent qu’une amélioration de leur situation matérielle. Les institutions qu’ils y trouvent les gênent ; ils aspirent à des consommations plus élevées, des services de meilleure qualité et une protection sociale plus effective, mais refusent souvent de payer cela par l’adoption de nouvelles coutumes et l’acceptation de valeurs qui leur apparaissent étrangères Les grandes villes ont tendance à devenir multiculturelles.
La constitution de grands espaces et les difficultés d’intégration
Les facilités de transport et de communication favorisent le développement des échanges économiques. Les impératifs de la concurrence obligent les nations à s’adapter aux nouvelles conditions : l’ère des grands espaces économiques a commencé. Les zones de libre échange et les marchés communs sont soumis à une même dynamique : leur but initial est de supprimer les entraves à l’échange, mais il apparaît vite qu’il faut aller plus loin : d’autres formes de protection, plus subtiles, se sont développées, celles par exemple qui correspondent aux normes techniques ou sanitaires adoptées par les législations nationales ou les unions de producteurs.
L’unification des espaces économiques implique, qu’on le veuille ou non, le rapprochement des législations. La part des décisions supranationales s’accroît (Tsoukalis, 1991).
Les sociétés nationales paraissaient toutes bâties selon le même patron tant qu’elles étaient séparées par des protections douanières et des frontières contrôlées. L’expérience montre qu’il n’en est rien : les traditions cultivées par les nations européennes sont beaucoup plus diverses qu’on ne le pensait. Les philosophies de la démocratie et de 1 ’État de bien-être s’étaient superposées à des architectures sociales très hétérogènes sans les éliminer. En France et dans les pays latins, l’État était conçu comme le protecteur ultime de gens qui attendaient de lui secours et encouragement. Aux Pays-Bas, il apparaissait comme l’arbitre indispensable à la coexistence des communautés qui constituent le pays et son rôle était seulement de répartir équitablement entre elles la souveraineté dont il était investi, à la condition de ne pas l’exercer directement.
La poursuite de l’unification crée donc des problèmes dont on n’avait pas pris la mesure et qui sont de nature culturelle. Les idéologies qui justifiaient le dévoue¬ment à la chose publique sont érodées par la montée de conceptions hédonistes ; les identités nationales ne disparaissent pas pour autant, ni l’attachement qu’elles motivent pour tel ou tel type d’institutions (Reich, 1991 ; Wallerstein, 1991 ; Lenoble et Dewandre, 1993). Elles expliquent les réactions violentes et inattendues que la ratification du traité de Maastricht a provoquées un peu partout en Europe. Il serait dangereux de les croire passagères. Elles traduisent un malaise profond. Si on ne prend pas suffisamment en compte la diversité des sensibilités culturelles, les réactions xénophobes se multiplieront : on obtiendra un résultat inverse de celui qui était escompté (Huntington, 1984).
Le refus de l’occidentalisation
L’occidentalisation n’a jamais été facile et complète. Elle s’est toujours accompagnée de réactions des intellectuels et légitimeurs locaux. Le xixe siècle en fournit une illustration bien connue.
« L’idéologie allemande » : un problème universel
Marx et Engels écrivent en 1846 un ouvrage consacré à L’Idéologie allemande. Resté inédit, il n’est publié qu’entre les deux guerres mondiales, à Moscou. Le problème qui y est abordé est d’une surprenante actualité. De quoi s’agit-il ? Dans les années 1830 ou 1840, les intellectuels allemands se sentent en position d’infériorité vis-à-vis de leurs collègues d’Europe occidentale. L’intelligence allemande s’illustre dans les domaines de la littérature, de la philosophie et des arts. Le pays n’est cependant qu’une entité géographique au nom de laquelle aucun gouvernement ne peut parler. À une époque où le progrès se marque par des révolutions, l’Allemagne demeure en retrait : c’est en Angleterre que la révolution industrielle est née, là aussi que les droits de l’homme ont été pour la première fois reconnus ; c’est aux États-Unis qu’est apparu le premier système politique républicain et en France qu’a eu lieu la Révolution qui a détruit les bases de l’Ancien Régime.
L’Allemagne souffre d’un complexe d’infériorité. Pour s’en affranchir, les intellectuels ont une parade ingénue : si l’Angleterre a la primauté dans le domaine de l’économique et la France dans celui du politique, l’Allemagne est en tête dans celui de la morale et de la philosophie. Ce sont ces attitudes que Marx et Engels dénoncent dans L’Idéologie allemande : pour compenser un retard bien réel, on tire vanité des formes encore traditionnelles de la société pour s’affirmer supérieur. Tant qu’ils auront recours à de tels subterfuges et ne proposeront que des solutions verbales aux vrais problèmes de leurs pays, les intellectuels ne feront qu’accroître son retard et sa dépendance.
L’idéologie allemande et les nationalismes : le cas de la Russie
La situation de la Russie dans les années 1840 ou 1850 n’est pas très différente de celle de l’Allemagne. Il n’y a pas ici de déficit de puissance, mais le retard est profond dans le domaine technique et les institutions évoquent un autre âge.
Où situer la supériorité qui compensera les infériorités trop réelles du pays ? Les occidentalistes essaient de tirer la Russie de l’ornière en imitant les institutions de l’Europe occidentale, en généralisant l’instruction et en modernisant l’économie. Les slavophiles défendent des positions opposées. La société russe doit restée fidèle à la foi orthodoxe. L’essor économique fait perdre, dans les sociétés occidentales, le sens de la solidarité. La cellule rurale traditionnelle, le mir, l’exalte au contraire. Ce sont ces formes de communisme populaire qui sont au cœur du génie russe : il convient de les conserver et non de les détruire.
Le courant slavophile pousse à écouter le peuple. Les ethnologues russes ne se contentent pas de recueillir les artefacts, les contes ou les légendes de leurs compatriotes. Ils fréquentent les milieux populaires et se mettent à leur écoute. Le populisme exprime, sur le plan social, le souci de saisir ce qui donne aux masses une dignité qui les place au dessus de nations plus puissantes ou plus modernes.
Les nationalismes de l’Europe occidentale se sont moulés dans le cadre d’Etats mûris par une longue genèse. Le nationalisme allemand est ethnique et linguistique, puisqu’il se développe contre l’universalisme de l’époque des Lumières. Les nationalismes de l’Est de l’Europe sont ethniques et linguistiques, comme celui de l’Allemagne, mais ils ont une dimension sociale qui leur manque plus l’Ouest. C’est parce que l’intelligentsia comprend le peuple et parle en son nom que son autorité morale s’affirme face à des États qui s’appuient sur des idéologies d’Ancien Régime et cherchent dans l’importation de la technologie occidentale le moyen d’asseoir leur puissance.
Le régime soviétique transcende les nations, mais peut d’autant moins les ignorer que le populisme reste puissant. Lénine et Staline choisissent donc de donner à chaque groupe ethnique un territoire — république autonome ou région autonome au sein d’un ensemble plus vaste. Dans le monde soviétique, l’idée de nation est systématiquement liée à celle de folklore — c’est un héritage du populisme : ce ne sont pas les grandes dates de l’histoire de chaque peuple qui sont rappelées par la propagande, mais les habitudes des couches modestes, paysans, éleveurs nomades ou chasseurs selon les cas ; c’est par ses costumes et ses danses que chaque groupe a le droit de conserver une identité et de l’exalter. Le divorce entre sentiment national et sens de l’histoire, que le populisme avait esquissé, devient systématique.
L’idée de nation ainsi édulcorée offre la seule échappatoire admise à l’idéologie communiste. Au fur et à mesure que le socialisme perd du prestige par suite de son échec économique, les nationalismes se renforcent. Les intellectuels qui les prennent en charge puisent dans l’histoire librement interprétée des preuves de leur grandeur passée. Très souvent, c’est dans les milieux de l’exil que ce travail se fait. On retient comme limites territoriales celles de la période où le groupe était au maximum de sa puissance (Grmek et alii, 1993) ; les phases de déclin sont ignorées. Les nationalismes apparaissent ainsi comme l’antidote de la forme spécifique de modernisation et l’occidentalisation qu’ont connue les pays de l’Est (Molnar, 1990 ; Ehrlich et Revesz, 1991 ; Foucher, 1993). Le danger qu’ils font courir aux monde post-soviétique tient aux ambitions territoriales contradictoires qu’ils nourrissent.
Le monde arabe et musulman : du nationalisme au fondamentalisme
Mohamed Larroui (1969) soulignait, il y a déjà plus de trente ans, combien la situation des pays du monde musulman était semblable à celle de l’Allemagne du temps de Marx. Les politiques de modernisation y ont débuté très tôt. Elles ont parfois été assumées par les gouvernements locaux — dans l’Égypte de Mehemet-Ali, dans la Tunisie des années qui précèdent le protectorat, ou dans l’Empire ottoman de la fin du xixe siècle. La colonisation interrompt ces évolutions : le nombre des pays musulmans qui passent sous le contrôle direct de l’Occident ne cesse de croître. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, seuls la Turquie, la Perse et l’Afghanistan sont indépendants.
Qu’une telle situation inflige de profondes blessures d’amour-propre, on l’imagine aisément. L’humiliation des pays musulmans est d’autant plus forte que les efforts pour rattraper l’Occident ont commencé très tôt — ils datent de plus de 150 ans en Égypte. Mais les recettes occidentales n’ont pas pris et la modernisation a renforcé le dualisme entre élites et masses au lieu de le réduire.
Conformément à l’interprétation de Marx et d’Engels, une telle situation engendre, par souci de compensation, la naissance d’une idéologie arabe ou musulmane. C’est du souvenir de la période de grandeur qui suit la prédication de Mahomet que s’inspire généralement le nationalisme arabe. Les thèmes qu’il aborde évoluent entre les deux guerres mondiales sous l’influence des intellectuels libanais : la dimension religieuse est en partie occultée, puisque le mouvement doit unir une majorité musulmane à une petite minorité chrétienne. C’est la puissance arabe au temps des Omeyades ou des Abbassides qui fait alors rêver. L’idéal est de rattraper l’Occident en évitant les voies qu’il a lui-même choisies : des deux systèmes qu’offre alors le modèle de modernisation européen, c’est le soviétique qui est retenu. Le nationalisme arabe donne donc naissance à des régimes laïcs soucieux d’unification Le système soviétique est imité dans ses aspects institutionnels ou économiques. L’idéologie est cependant parée d’autres couleurs : on parle de socialisme musulman, ce qui montre combien il est difficile de se passer de la référence à l’Islam.
Au fur et à mesure que les faiblesses de l’URSS deviennent plus évidentes, le pari sur lequel reposent les options politiques retenues par les gouvernements du monde arabe perd de sa crédibilité. Le domaine où les pays musulmans apparais¬sent supérieurs se situe du côté de la morale. C’est parce qu’ils demeurent fidèles aux enseignements du Coran et continuent à appliquer ses préceptes que les musulmans valent mieux que les Occidentaux.
Le retour aux valeurs islamiques se dessine d’abord en Égypte : dans une société plus exposée que d’autres aux idéologies importées d’Europe, les masses populaires ont le sentiment d’être trahies par des élites qui copient ostensiblement les façons de faire des colonies étrangères. La prédication de la confrérie des Frères musulmans trouve un écho considérable, dès ses débuts, dans les années 1920.
Lorsqu’une culture qui repose sur des textes doute d’elle-même ou se sent menacée, elle peut se ressourcer en se reportant aux documents qui la justifient. La découverte de l’imprimerie et le développement de l’instruction favorisent ce genre d’expérience au moment de la Réforme, au xvie siècle. Dans la mesure où la modernisation importée donne à une fraction croissante de la population accès à l’écriture et à la libre interprétation des textes, les chances de voir un peu partout apparaître des mouvements fondamentalistes se multiplient. La radio, la télévision et les cassettes enregistrées diffusent par ailleurs les nouveaux dogmes dans des populations encore largement analphabètes : les mass médias favorisent leur succès.
En Iran, l’occidentalisation était restée limitée à une étroite élite ; la tradition chi’ite exaltait le nationalisme. Les hasards de l’histoire et la décision américaine de ne plus soutenir le Shah facilitent, en 1979, le triomphe de l’ayatollah Khomeini, mais nulle part ailleurs les conditions ne sont aussi favorables au retour à la religion des origines. La victoire du fondamentalisme chi’ite accélère partout la montée de l’islamisme radical (Etienne, 1987).
L’attaque du World Trade Center à Manhattan, le 11 septembre 2001, témoigne du déchaînement des passions et donne la mesure de la haine que les extrémistes nourrissent aujourd’hui à l’égard de l’Occident.
Le déclin universel de l’image de l’Occident
Les techniques occidentales fascinent, mais pourquoi imiterait-on des systèmes de pensée et des formes d’organisation auxquels croient de moins en moins ceux qui les ont professés et propagés durant longtemps ? Pourquoi continuerait on .i révérer la puissance de l’Occident lorsque des pays moins développés l’ont mise militairement en échec à l’occasion des guerres d’indépendance (France en Indo chine ou en Algérie, Pays-Bas en Indonésie), de l’intervention des Liais I luis nu Viêt-nam ou de l’invasion soviétique en Afghanistan ?
Le processus d’unification culturelle qui avait débuté à l’époque des Grandes Découvertes paraît s’interrompre. Le triomphe des outillages et des artefacts issus de la science moderne n’est pas remis en cause. Ce qui l’est, c’est l’idée que les institutions et la morale prônées par l’Europe et les États-Unis seraient universellement valables (Bruckner, 1983). Certains thèmes sont acceptés à l’usage externe — tout le monde parle des droits de l’homme et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, car ce sont des instruments utiles pour défendre des positions sur la scène internationale, mais peu de sociétés sont prêtes à mettre en œuvre les principes dont elles se réclament officiellement.
Les mouvements fondamentalistes se multiplient. L’Occident a les siens, qui s’insurgent contre les conséquences de la modernisation. En Asie, l’hindouisme et le bouddhisme se transforment en profondeur et retrouvent auprès des élites le prestige qu’ils avaient perdu. Le nombre de jeunes intellectuels brillants qui optent pour la vie monacale ne cesse de croître à Taiwan ou à Hong-Kong. Dans les pays sans tradition écrite, les premiers récits ethnographiques servent de référence.
L’intérêt renouvelé pour la géographie culturelle tient dans une large mesure aux défis que pose la réaffirmation de valeurs inconciliables dans un monde rapetissé. L’accent mis sur les dogmes religieux ou sur les idéologies éloigne les hommes les uns des autres. Mais à côté des doctrines affichées, il y a les horizons d’attente des individus : les relations plus faciles multiplient les emprunts. D’un bout à l’autre du monde, les aspirations sont souvent étonnamment semblables.
La situation est paradoxale : les sociétés nourrissent des aspirations souvent très voisines, mais les tensions culturelles s’exaltent.
Situations de tension et stratégies de coexistence
L’espoir occidental d’une convergence des valeurs a disparu, comme la conviction indispensable pour tenter des conversions et mener des actions militantes. Les discours sur la postmodernité et la fin du règne de la raison scientifique n’ont pas convaincu toute la population des pays développés, mais le doute s’est suffisamment insinué pour qu’il ne soit plus question d’imposer aux autres ses propres valeurs.
La facilité des déplacements vers les pays d’origine, la presse, la radio et la télé¬vision par satellites rendent beaucoup plus aisée que par le passé la vie des dias¬poras (Wilson et Gutteriez, 1985). Le monde dans lequel nous rentrons est bâti autour de réseaux. Les politiques culturelles étaient jusqu’il y a peu pensées pour des cadres territoriaux continus. Il convient de les modifier.
Les Occidentaux cherchent à définir des stratégies qui évitent l’accumulation de tensions et facilitent la coexistence de peuples ou de groupes se réclamant d’inspirations différentes. La tâche est malaisée, mais les difficultés ne paraissent pas insurmontables : la mode est au multiculturalisme (Taylor, 1994 a et b).
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