Culture et cohésion sociale. La communaut
L a vie sociale implique que les partenaires aient le sentiment d’appartenir à un même ensemble dont chacun se sent responsable et solidaire. Celui-ci prend dans certains cas une forme affective, celle de la communauté. Dans d’autres cas, la construction sociale a des fondements rationnels, l’intérêt, l’efficacité, le souci d’assurer la défense et la sécurité collectives par exemple. C’est le sens de la distinction proposée par le sociologue Ferdinand Tônnies, il y a déjà plus d’un siècle, entre la communauté (Gemeinschaft) et la société (Gesellschaft) (Tônnies, 1944/1887).
Un modèle : la communauté
La communauté sert de modèle à toute une série d’unités sociales et culturelles : un petit groupe soudé, dont les membres sont liés par des relations de confiance mutuelle, peut se multiplier par essaimage ou s’étendre pour englober un très grand nombre de personnes liées par certains traits de culture fondamentaux.
La communauté de base peut être bâtie à partir des liens de sang et d’alliance qui unissent les membres d’une même famille. Elle peut également être formée selon un modèle analogue par des membres unis par un même idéal, un projet commun ou une même foi religieuse. Une communauté peut enfin résulter de la cohabitation de petits groupes dans un même lieu.
La vie d’une communauté a besoin d’une base territoriale : la distance crée un obstacle aux relations sur lesquelles elle repose. Les peuples émiettés au gré des diasporas sauvegardent leur identité en rappelant sans cesse leur lieu d’origine. Les Juifs se répètent ainsi rituellement : « L’An prochain à Jérusalem ! »
La communauté familiale joue un rôle central dans toutes les sociétés traditionnelles. Elle peut s’élargir à la taille d’un clan formé par tous les descendants d’un ancêtre commun. Les solidarités claniques fonctionnent bien lorsque les genres de vie et les ressources familiales sont relativement semblables. Le système d’entraide dans l’épreuve, d’hospitalité mutuelle, de dons et de contre-dons se montre alors efficace.
La communauté de projet : la société utopique
La communauté de contrat ou de projet ne s’impose pas, comme la précédente, aux individus, mais résulte d’une adhésion consciente de ses membres. Elle peut s’analyser à deux niveaux :
- un niveau partiel s’il s’agit d’une association sportive, ludique ou charitable à laquelle les membres consacrent une partie de leur temps libre ;
- un niveau global s’il s’agit vraiment d’un projet de vie commun, selon un modèle plus ou moins utopique, différent de celui qu’offre en général la société (Manuel et Manuel, 1979). Le type le plus fécond est celui qui a prévalu aux origines mêmes de la nation américaine, avec la communauté puritaine des Pères pèlerins, un groupe d’Élus de Dieu s’organisant de manière autonome et vivant selon les règles strictes de la morale chrétienne — et de l’économie libérale.
D’autres avatars du protestantisme de secte ont pu aussi se répandre avec plus ou moins de succès : Quakers de Pennsylvanie, Amish du même État, Mormons de l’Utah. Le mouvement sioniste procède, lorsqu’il conduit à la création de kibboutzim, d’une même volonté appliquée dans un autre milieu.
La communauté idéologique et religieuse
Dans toutes les communautés, les interrogations sur la réalité tragique du destin individuel sont présentes. Si la communauté se perpétue génération après génération, éventuellement sur le même territoire, les hommes meurent et leurs cendres retournent à la Terre. Les cultes et rituels nécessaires pour rester en contact avec les ancêtres et avec les forces originelles qui ont fait surgir la vie sont universels. Partager les mêmes croyances religieuses ou métaphysiques et participer aux rites qui assemblent les croyants constituent des ciments sociaux très solides. Ceux qui, au nom de la raison, vident le ciel de ses Dieux, éprouvent le besoin, au cours de meetings (homologues des grands messes !) et de manifestations (qui sont des processions !) de célébrer les mythes fondateurs de leurs idéologies, les âges d’or révolus ou les lendemains qui chantent.
C’est au niveau des communautés locales de base, par le contact physique des fidèles rassemblés pour la prière et les gestes rituels, que s’exprime le mieux la foi des croyants. C’est ainsi que de paroisse en paroisse, de mosquée en mosquée,d’ashram en ashram, les grandes religions universalistes se sont répandues. Les communautés chastes des moines chrétiens ou bouddhistes apparaissent plutôt
comme des modèles de vie spirituelle que comme des modèles d’organisation social globale.
La communauté de lieu
Le village traditionnel d’une société agraire sédentaire apparaît comme le modèle de la communauté localisée. Elle naît des fréquentations multiples imposées par la cohabitation. Les styles de vie sont semblables, l’entraide mutuelle facile. Les intermariages sont fréquents et les cousinages de règle.
À cela s’ajoute un vif sentiment du lieu, du finage comme patrimoine commun, i|m* la propriété soit totalement ou partiellement collective, ou qu’elle soit privée.I « MIS ont été baptisés dans la même église, ont fréquenté à la même école et seront enterrés dans le même cimetière communal.
A partir de ces unités vécues, les cercles d’appartenance aux lieux . élargissent : on se sent proche des habitants de la région qui ont le même parler, lu même cuisine à l’huile — ou au beurre -, un passé commun que rappellent les lltCN remarquables, les monuments, les commémorations et les statues des hommes célèbres nés au pays. Au-delà, la communauté de lieu s’étend à la nation,
MII sens du xixe siècle (Piveteau, 1995) ; les chants guerriers appris dès l’enfance HiM-ignent que tous sont frères et que chacun est prêt à mourir pour la patrie.
L’expression politique de la nation et du territoire pose, dans les faits, des I millièmes très difficiles. Ce schéma d’identification aux lieux est ici présenté de manière simplifiée et idéalisée.
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