Les barrière culturelles : changements de codes et barrières politique
Le rôle des codes : langues et écritures
La communication culturelle cesse d’être facile lorsque l’on change de codes. A l’inverse, l’aisance des rapports qui s’établissent entre ceux qui n’ont à surmonter aucun obstacle de ce type multiplie les similitudes. Pour apprendre à consommer un produit alimentaire, à manier un outil ou à le façonner, il est bon que la communication linguistique précède ou double la diffusion de l’artefact (Trochet, 1993). L’importance des échanges au sein d’aires où les communications sont faciles finit par développer les mêmes usages et à faire adopter les mêmes vues.
La communauté linguistique aide également la prise de conscience collective (Laponce, 1984). Une aire culturelle est d’abord une réalité objective ; cela devient souvent une représentation partagée. À la limite, ce qui importe alors est moins la similitude observable des traits culturels — artefacts, comportements, attitudes — que l’idée que l’on s’en fait.
La langue est le système de codification fondamental de toute culture. Il n’est pas le seul. L’écriture est un code (M. Cohen, 1953 ; Jackson, 1974). L’alphabet s’applique à tous les systèmes de sons moyennant quelques conventions et signes diacritiques. Sa version latine a permis de transcrire toutes les langues de l’Europe occidentale, centrale et septentrionale, s’est diffusée avec elles dans le Nouveau Monde, et a été utilisée avec succès par les missionnaires pour doter d’une écriture la plupart des peuples Amérindiens, de l’Afrique subsaharienne, du Pacifique et certaines tribus aborigènes de l’Inde, de la péninsule indochinoise et de la Chine. Mais la diversité est forte lorsqu’on va vers l’Est : alphabet cyrillique du monde slave, alphabet arabe, alphabet juif, alphabet amharique, alphabets divers de l’Inde et des aires qu’elle a influencées vers l’Est, jusqu’à la Thaïlande.
Les systèmes idéographiques ne transcrivent pas les sons d’une langue. Ils associent un signe à chaque concept, si bien qu’ils peuvent être lus par des personnes qui ne se comprendraient pas oralement. L’écriture chinoise tire de là sa force (Alleton, 1970). Elle a créé un vaste espace d’intercommunication sans qu’il y ait eu unification linguistique. L’écriture chinoise a servi à des peuples qui n’ont pas été intégrés définitivement à la construction impériale chinoise — les Coréens ou les Vietnamiens par exemple — ou qui n’en ont jamais fait partie,
comme les Japonais. Beaucoup de traits de la culture chinoise se sont de la sorte diffusés.
Les frontières politiques comme barrières culturelles
Les écheveaux que dessinent les flux de relations ont une architecture complexe. La constitution d’Etats et les politiques qu’ils mènent favorisent les mouvements et les échanges au sein des territoires nationaux, et limitent et contrôlent les liens avec ce qui se situe au-delà. Les frontières ont donc des effets souvent analogues à ceux des limites linguistiques : elles favorisent l’uniformisation des traits à l’intérieur du territoire national et accusent les différences avec l’extérieur. Les opinions publiques se sont longtemps épanouies presque exclusivement au sein des espaces politiques structurés par un État moderne (Bryce, 1889).
Avec l’élargissement des attributs et des domaines d’intervention de la puissance publique, l’effet culturel des frontières s’est renforcé. Les dialectes ont souvent été remplacés par la (ou les) langue(s) officielle(s), ce qui a rendu plus Misées les communications à l’échelle du territoire national. L’instruction publique, qui est responsable de cette unification, a également charrié des attitudes communes. D’un bout à l’autre du territoire national, les gens ont pris I habitude de prendre leurs repas aux mêmes heures et de partir en congés durant les mêmes périodes. La presse nationale, la radio et la télévision accentuent cette homogénéisation et rendent plus sensibles les discontinuités aux frontières.
D’un pays à l’autre, les habitudes de vie quotidienne changent, les Anglais roulent à gauche, le continent à droite ; les Français dînent à partir de 19 heures, les Espagnols de 22 heures. La législation pèse beaucoup sur les relations institutionnalisées : elle rend ici les liens du mariage plus stables, limite les droits île succession et facilite la transmission du patrimoine d’une génération à l’autre : le but est de consolider la famille. Ailleurs, c’est l’initiative individuelle et l’entreprise qui sont favorisées.
Au niveau du cadre institutionnel, c’est la conception de l’État qui change lorsqu’on franchit les frontières (Pomian, 1990). Dans les pays de tradition latine, 1rs citoyens attendent du pouvoir qu’il les protège, ce qui laisse une large place à ses interventions dans tous les domaines, ceux de la culture et de l’économie par exemple. Aux Pays-Bas, la responsabilité de l’État est d’assurer l’équilibre entre les différentes communautés qui composent le pays, et de leur donner les moyens d exercer le rôle qui leur revient : éducation, information, culture, etc.. La radio et l.i télévision, par exemple, appartiennent à l’État, mais les temps d’antenne sont distribués entre les associations confessionnelles ou communautaires qui se chargent de la programmation.
Dans beaucoup de cas, les barrières politiques superposent leurs effets aux frontières linguistiques. Lorsqu’on parle de culture française, de culture italienne ou de culture allemande, on ne sait jamais si ce qui l’emporte, c’est le fait politique ou la langue parlée. En un sens, la culture française concerne aussi la tique ou la langue, la Suisse romande, le Québec et dans une moindre mesure Haïti et les pays africains où le français est très parlé. Il existe une solidarité évidente entre tous ces pays, mais elle est plus forte pour les manifestations supérieures de l’art ou de la littérature que dans la vie de tous les jours : les Québécois partagent, en ce domaine, plus de choses avec les Canadiens anglophones ou avec leurs voisins américains qu’avec leurs cousins de France. La culture nationale française t.lit davantage référence aux rituels de l’existence de tous les jours, aux caractères des institutions et au passé proprement national.
Peut-on parler d’une culture suisse ? Dans des nations divisées par des barrières linguistiques, l’unité n’est jamais que partielle. À bien des points de vue, le Tessin ressemble plus à l’Italie qu’au canton de Berne. Mais des similitudes existent dans le domaine civique. La conscience nationale est solide, les valeurs communes sont nombreuses et des institutions comme l’armée sont respectées dans tout le
pays.
Comment surmonte-t-on les barrières de code 1 ou les frontières politiques ?
Un changement de code — langue, écriture, par exemple — ou une frontière n’interdisent pas d’acheminer des informations. Dans le premier cas, une opération de traduction et d’adaptation s’impose ; les messages doivent être décodé, réécrits et émis dans un système qui mobilise d’autres règles de composition grammaticale et d’autres signes. Cela limite le volume des informations acheminées, ralentit l’échange et introduit des distorsions. Les frontières limitent le volume des flux de biens et d’informations qui transitent entre les individus et en privilégient certains aux dépens des autres. Les rapports purement personnels. Ceux qui naissent de la vie quotidienne ou à l’occasion des déplacements de loisir diminuent.
Les entreprises ne se laissent pas arrêter par les barrières linguistiques ou les frontières : elles tiennent à vendre leurs produits à l’étranger et ont besoin d’y acheter des matières premières, des pièces détachées ou les biens de consomma tion qu’elles se chargent de commercialiser. Les aspects économiques de l;i culture, les techniques de production et la conception de l’entreprise sont donc moins affectés que d’autres par la frontière.
Vidéo : Les barrière culturelles : changements de codes et barrières politique
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Les barrière culturelles : changements de codes et barrières politique