Quel fut l'impact humain de l'hyper-PAG des années 1570-1630 ?
L’impact humain de l’hyper-PAG
Il convient, d’abord, de ne pas considérer cette époque six fois décennale comme un bloc. La France, en effet, connaît alors une belle période d’essor économique et de prospérité pacifique, de 1595 à 1620, même si « notre » population reste plus ou moins bloquée à 20 millions d’habitants. La notion de fenêtre d’opportunité est ici essentielle : le fond de décor (période froide et humide) est toujours le même, mais l’impact est différent selon les circonstances (rôle des guerres, également). Un exemple éloquent, quoique postérieur (et catastrophique), nous vient de la décennie 1690, froide, humide, généreuse en famines… et guerrière : la France sera ainsi affamée en 1693-1694 ; la Finlande, la Scandinavie et l’Écosse en 1697.
Plusieurs famines ont jalonné la période (fin xvie– premier tiers du xviie siècle) :
1562-1563 :
la succession automne, hiver et printemps pluvieux est à l’origine de la famine de 1563.
1565-1566 :
la famine de 1566 est liée à un hiver glacial qui a gelé les semailles. Ce grand hiver (comparable à celui de 1709) est annonciateur d’une famille « grande hivernale », que Van Engelen mesure selon des indices de froidure pour les mois de décembre-janvier-février : 1569 (indice 7, severé), 1570 et 1571 (6, cold), 1573 (8, very severe).
1586-1587 :
l’hiver de 1587 est de niveau 7 (severé). Il constitue l’un des modèles saisonniers de la période PAG ou super-PAG : hiver froid et pluvieux, printemps et été pourris (comme en 1740).
Les années 1590,
typiquement froides (vendanges tardives, série de mauvaises moissons qui culminent en 1596-1597, comme l’indique aussi le très synchrone Songe d’une nuit d’été de Shakespeare1), se traduisent en France effectivement par les rudes années 1596-1597, faisant suite à un été 1596 pluvieux qui lui-même est à l’origine d’un déficit de céréales et d’une augmentation des prix du blé. Il s’agit là d’un « épisode climatique pur », sans impact des désastres spécifiques dus à la guerre, puisque aussi bien l’on est… en période de paix ! La mortalité augmente, mais (et le phénomène est plus difficile à expliquer) on assiste à une crise française, momentanée, de forte dénatalité, peut-être due à des aménorrhées de famine.
1622 :
épisode remarquable, parce que rare, d’une famine anglaise. Nous sommes là dans une « série très PAG » de 1621 à 1622 : hiver 1620- 1621 very severe (indice 8 ) ; été 1621 very cool (indice 2 ), hiver 1621-1622 cold (indice 6 ), été 1622 cool (indice 4), avec mauvaises récoltes britanniques, du coup ; et très forte augmentation des prix du pain d’Angleterre, voire continentaux en 1622.
1630-1631 :
consécutive à un déraillement du train des dépressions atlantiques, en direction d’une ligne ouest-est (toujours elle) mais située momentanément plus au sud, apparaît une phase superaqueuse (octobre 1629-avril 1630) ; d’où la mauvaise moisson de 1630, notamment en Anjou ; elle provoque une grosse famine dans toute la France de l’Ouest (Anjou, Bretagne, Agen), mais aussi quelque peu en Lorraine, et cela jusqu’au printemps, diset- teux donc, de 1631 inclusivement.
A ce propos, notre réflexion va toujours dans le même sens : ce n’est pas tant la fraîcheur « en soi » des étés qui importe ; ce sont les « chocs », c’est-à- dire les années spécialement froides, et l’excès spas- modique des précipitations.