La sécheresse au sahel
La sécheresse au sahel
Depuis 1968, une période de sécheresse exacerbée persiste au Sahel. Avec un déficit pluviomé- trique de près de 50%, cette sécheresse prolongée a eu des conséquences économiques et humaines dramatiques qui ont malheureusement trop souvent rappelé le Sahel à l’attention du public. Les années 1972-1973 et 1983-1984 ont été particulièrement catastrophiques, provoquant la mort de milliers de personnes. La cause originelle de ce phénomène a été, et demeure, l’objet de multiples débats et recherches.
Pendant de nombreuses années, la surexploitation des ressources végétales par l’homme et les animaux domestiques a souvent été citée comme la cause primaire-de ce phénomène. Déforestation résultant d’une utilisation massive de bois comme combustible domestique, troupeaux surabondants menaçant la régénération des pâturages, appauvrissement du sol par une culture trop intensive, induisent le processus de désertification. Or, suivant un mécanisme proposé par le météorologue américain Jules Charney en 1975, la disparition du couvert végétal peut à elle seule entraîner une diminution des pluies. Un sol nu réfléchit en effet plus fortement le rayonnement solaire incident qu’un couvert végétal composé d’herbes ou d’arbres. Il s’ensuit une diminution de l’énergie absorbée par la surface ainsi qu’une réduction de l’énergie disponible pour initier les mouvements verticaux ascendants,qui sont la condition préalable à la formation des pluies. En retour, le déficit pluviométrique défavorise la croissance de la végétation et augmente l’albédo de surface, c’est-à-dire le pouvoir de réflexion des rayons lumineux. Mais, bien que ce mécanisme puisse intensifier et prolonger une sécheresse, le rôle effectif qu’il a joué dans la sécheresse du Sahel reste encore incertain. De plus, ce mécanisme ne préjuge en rien des processus qui ont engendré le phénomène. Aucune preuve manifeste n’étaye la réalité du rôle de l’homme dans le déclenchement des sécheresses des vingt dernières années. En particulier, la mise en évidence d’événements similaires au cours des siècles passés ne concorde pas avec l’idée d’une détérioration récente du climat sahélien par l’homme.
Du jeu de l’atmosphère et de l’océan
Oscillation australe et El Niño sont en réalité les deux facettes d’un même phénomène qui résulte de l’interaction entre l’atmosphère et l’océan tropical. Ils ne peuvent être dissociés.
En période dite «normale», la température de l’eau avoisine 28-29 °C à l’ouest du Pacifique tropical alors qu’elle ne dépasse pas 20-25 °C à l’est. Cette forte dissymétrie de température entre l’est et l’ouest entretient la circulation atmosphérique qui, en retour, maintient le gradient de température. Les eaux les plus chaudes fournissent en effet la chaleur et l’humidité nécessaires au développement d’une forte activité convective au-dessus du Pacifique Ouest, ce qui entretient le régime des alizés. A leur tour, les alizés entretiennent le gradient est- ouest de température. Dans l’est du Pacifique, ils induisent un courant de surface dévié vers la droite dans l’hémisphère nord et vers la gauche dans l’hémisphère sud par la rotation de la Terre, ce qui chasse l’eau en surface de part et d’autre de l’équa- teur et provoque une remontée d’eaux froides par compensation. Ils entraînent également les eaux de surface vers l’ouest où l’accumulation d’eau inhibe le processus d’upwelling; chauffées par le Soleil, ces eaux atteignent les températures océaniques les plus élevées, favorisant une intense activité convective.
Au cours d’un événement El Niño, la circulation de l’océan et celle de l’atmosphère changent simultanément suivant un processus d’action et de réaction mutuelles dans lequel il est impossible de distinguer qui, de l’océan ou de l’atmosphère, déclenche le phénomène. En particulier, le réchauffement du Pacifique central produit des eaux à 28- 29 °C, ce qui a pour effet de déplacer vers l’est la région de forte activité convective. Il s’ensuit une diminution de la force des vents alizés dans l’ouest du Pacifique, voire même une inversion de leur direction. Soumis à des alizés plus faibles, le courant de surface s’affaiblit et les eaux chaudes de l’ouest du Pacifique refluent vers l’est, engendrant par contrecoup un réchauffement du Pacifique central et l’interruption des remontées d’eaux froides devant les côtes d’Amérique du Sud.
Mais ce n’est là qu’une description bien schématique des mécanismes d’interaction qui interviennent dans le déroulement du phénomène d’oscillation australe. Les travaux scientifiques du programme international TOGA (Tropical Ocean, Global Atmosphere) ont montré la complexité des mécanismes mis en jeu et permis de prévoir l’El Nino de 1997. Notre réelle capacité de prévision reste cependant encore à démontrer.
Les interactions mutuelles entre l’océan et l’atmosphère ne provoquent pas seulement des anomalies du climat à l’échelle de quelques années; elles peuvent également contribuer aux fluctuations climatiques naturelles qui se déroulent sur des intervalles de temps beaucoup plus longs, dizaines, centaines voire milliers d’années. La circulation océanique peut en effet répondre à une perturbation induite par l’atmosphère sur des échelles de temps allant du mois, si elle affecte les courants de surface des océans tropicaux, à plusieurs dizaines d’années pour les courants des moyennes latitudes, jusqu’au millier d’années pour la circulation abyssale de l’océan global (chapitre 3). Par exemple, la sécheresse qui sévit au Sahel depuis une vingtaine d’années pourrait résulter d’interactions entre la dynamique de l’océan Atlantique et l’atmosphère. Il est également possible que des oscillations du système couplé océan-atmosphère sur des périodes de plusieurs centaines d’années soient à l’origine du Petit Age Glaciaire, le refroidissement marqué du climat qui est survenu entre 1450 et 1880 et dont l’origine reste encore inexpliquée. Ainsi, les interactions entre l’atmosphère et l’océan recèlent-elles bien des mystères.
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