À quel propos parle-t-on pour 1816 de l'année sans été ?
À quel propos parle-t-on pour 1816 de l’année sans été ?
Très remarquable est le retour d’une phase importante du PAG, entre 1812 et 1817, marquée par des étés frais ; ainsi que des hivers froids et très neigeux, notamment (en ce qui les concerne) de 1808 à 1816. Un nouveau maximum glaciaire alpin démarre vers 1812-1815 et se prolonge jusqu’en 1859/60. C’est le second hyper-PAG de l’âge moderne. S’accroissent derechef les glaciers de Grindelwald et de Chamonix. Le rail des dépressions atlantiques a-t-il été déporté vers le sud ?
Mais cette tendance est accentuée, en début de parcours, du fait de l’énorme éruption volcanique du mont Tambora dans l’île indonésienne de Sum- bawa le 5 avril 1815, à 7 heures du soir. Une colonne de flammes s’élève à 50 km en altitude, le mont Tambora passe de 4 300 m à 2 850 m de « haut ». Les chutes de cendres se poursuivent jusqu’au 15 juillet, et les fumées jusqu’au 23 août.
L’explosion, qui aurait fait 86 000 morts (?), projette, dit-on, 150 km3 de poussières dans l’atmosphère terrestre. 1816 sera donc une année sans été1 (C. Pfister). À Londres, l’éclipse de Lune de juin 1816 ne peut être observée en raison du voile des poussières ci-devant tamboriennes. En Europe et en Amérique on note un déclin des températures moyennes de 0,5°, ce que confirment les dates de vendanges franco-septentrionales et centrales : 1816 est l’année la plus tardive (vendanges) jamais enregistrée dans la France du Nord de 1437 à 2003. L’an 1816 est aussi le plus froid de la décennie 1810, décennie plutôt fraîche, de toute manière, à partir de 1812 jusqu’en 1817, car on se trouve alors dans un trend de refroidissement de type PAG. Cette année-là Mary Shelley, bloquée sous la pluie dans un chalet près du lac de Genève, en compagnie de Shelley et Byron, donne naissance, littéraire, à Fran- kenstein…
Les récoltes américaines et européennes sont du coup déprimées ; le grain est raréfié. La France de Louis XVIII doit importer des froments venus de la mer Noire, car la Russie fut épargnée par les retombées des poussières, comme le furent aussi, plus ou moins, la Pologne et les pays scandinaves. En revanche, le centre-est de l’Europe (Autriche, Hongrie, Tchéquie, Croatie) subit l’épreuve, tout comme le sud du vieux continent. En Espagne et au Portugal, la récolte des olives et des oranges souffre gravement de l’été pourri et très frais de 1816. Au Maghreb, la moisson du blé, en 1816-1817, est mauvaise, et la peste refait son apparition. Les effets climatiques et économiques de Tambora sont sensibles aussi dans l’Inde. Les historiens du climat confirment1 : nous sommes avec Tambora, et ses conséquences tant météorologiques que frumentaires, devant un cas d’histoire mondialisée, de big history. Et ce, même si les conséquences varient d’une région à l’autre, selon que le pays est développé (Angleterre) ou sous-développé (Bavière), selon que les nations sont importatrices de grains ou à peu près auto-suffisantes. Liée à la chute de production des céréales, la hausse des prix est partout sensible. D’où la disette, la sous-alimentation et les épidémies qui en dérivent (typhus, fièvres, dysenteries) en Belgique et en France, notamment lors de l’année post-récolte 1816-17; Ilya par ailleurs diminution du nombre des naissances et des mariages (Wurtemberg, Bade, Suisse, Tyrol, Toscane et, dans une moindre mesure, France et Angleterre). Les émeutes de subsistance éclatent en France, en Belgique, en Grande-Bretagne – où elles s’accompagnent de grèves et de bris des machines.
Cela dit, l’Angleterre et la France ont une susceptibilité « crisique » moindre que les pays plus « primitifs » de l’Europe du Centre et du Sud. La reprise économique aura lieu en 1818 : les récoltes convenables de l’été 1817 et de l’année suivante entraîneront une chute des prix. Retour à la normale, donc, ou à ce qui en tient lieu.