Dater la fin du petit âge glaciaire
Peut-on dater la fin du petit âge glaciaire alpin ?
On peut dater la fin du PAG alpin de l’extrême terminaison de la décennie 1850 : elle « voit » les dernières palpitations de ce petit âge glaciaire. Cette décennie se caractérise incidemment par un « paquet » de prin- temps-étés plutôt frais de 1850 à 1856 ; et surtout, elle constitue le butoir terminal et chronologique du PAG avant le réchauffement du XIX ème terminal et principalement du XXe siècle. Les grands glaciers (Aletsch, Gomer, Grindelwald, Rhône, et ceux de Chamonix) connaissent des avances maximales dans les années 1840 puis 1850 (1848-1859, exactement). Aussitôt après, vient le recul glaciaire/alpin à partir de 1860. Par ailleurs, du point de vue des subsistances, la décennie 1850-1859 est assez complexe.
Après la Révolution de 1848, le régime autoritaire du Second Empire va réprimer les velléités contestataires. Or certaines années de la décennie en question se révèlent fragmentairement pénibles, en raison d’une mauvaise conjoncture météorologique, sur le modèle (jadis) des années 1827-1831. Une série d’années pluvieuses (1852-1857) avec de fortes inondations en France (avril-mai 1856), combinées à un hiver très froid (1855), dessinent un schéma « météo » possiblement défavorable aux moissons : lui-même souligné par deux franchement mauvaises récoltes (1853 et 1855) ; plus généralement, il y a une baisse des rendements1 frumentaires de 1849 à 1856, ouvrant des fenêtres d’opportunité pour les millésimes à minima blatiers que sont, en France, 1853, 1855 et 1856. L’Angleterre et la Belgique connaissent aussi de médiocres moissons, assez analogues. Ce déficit céréalier entraîne une augmentation des prix, ainsi que des difficultés pluriannuelles pour le petit peuple des campagnes et des villes. Les émeutes de subsistance éclatent ici et là. Ce seront les dernières grandes chertés de « l’Ancien Régime économique » (E. Labrousse). Les avatars météorologiques de la période mise en cause évoquent à des degrés divers celles des années 1314-1315 et surtout des décennies 1590 et 1690, voire les millésimes trop humides que furent 1740,1770, 1816, 1827-1831, 1839. Et pourtant, des catastrophes humaines comme celles de la fin respective des xvie et xviie siècles sont impensables au temps de Louis Napoléon Bonaparte. Par ailleurs, la « phase » 1860, qui fait transition entre l’Empire autoritaire et l’Empire libéral, est marquée par des progrès commerciaux ferroviaires agricoles, maritimes et libre-échangistes, autorisant les arrivages de blé d’Amérique et de Russie : l’association « grains/- désordres » n’est plus tout à fait de saison. La contestation très ultérieure et les épisodes potentiellement révolutionnaires (1871, 1936, 1945) n’auront plus guère à voir avec la météo. A l’exception quand même des crises de 1907 (surproduction du vin) et de 1947 (déficit des subsistances), celle-ci étant un mixte de passéisme et de modernité contestante et contestable.
Une série de beaux étés (1857, 1858,1859), favorables aux récoltes, met donc fin à cette mauvaise conjoncture agro-météorologique des années 1850. Combinés avec des hivers moins neigeux, ces étés chauds lancent à partir de 1860 le grand mouvement de recul des glaciers alpins : il va se prolonger, avec des fluctuations et quelques ressauts intermédiaires et intermittents, jusqu’à nos jours. Le retrait glaciaire, de 1860 à 1900, est dû à des étés chauds mais aussi à un moindre enneigement des hivers (Christian Vincent). Le réchauffement pur et simple puis, plus tardivement, l’effet de serre ne prendront le relais qu’à partir de 1893, et surtout de 1911 ; ensuite, pendant le reste du XXe siècle. Avant ces dates, le global warmingetlasustainedgrowth (croissancesoutenue) de la chaleur n’étaient pas encore tout à fait à l’ordre du jour. Sinon par bribes, ou par à-coups…
Vidéo : Dater la fin du petit âge glaciaire
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Dater la fin du petit âge glaciaire