Hommes et femmes, corps et âmes
Dans les années 90, il est devenu certain que la population mondiale augmentait moins vite que prévu, en particulier dans nombre de pays en développement, révisant ainsi quelques idées reçues. Dans le même temps, ces humains en nombre grandissant se trouvent vivre dans un cadre planétaire considérablement modifié au cours du XXe siècle, par suite du réchauffement de la planète, par effet de serre —d’ici à 2100, la température moyenne devrait monter de 1,5°C à 6°C — avec des conséquences qui pourraient être dramatiques. Déjà au cours du siècle, le rythme d’élévation du niveau des mers a été environ dix fois plus important que pendant les trois derniers millénaires. De très nombreux désordres climatiques — inondations, tempêtes, sécheresse, feux de forêts et de savanes, etc… — ont été observés en 1999-2001.
Croissance démographique
Le six milliardième être humain est, paraît-il, né le 12 octobre 1999. Soucieuse de symbole, l’ONU a décidé arbitrairement que serait ainsi compté un bébé né dans une maternité de Sarajevo. Il devrait y avoir 9 milliards d’hommes sur Terre vers le milieu du XXIe siècle. La planète pourra-t-elle nourrir tous ces humains ? Si la population mondiale croît moins vite que prévu il y a vingt ou trente ans, l’augmentation prévisible entre le nouveau-né de Sarajevo le 12 octobre 1999 et 2050 est exactement de 50 %, ce qui est considérable.
Dans les années 90, il s’est avéré que la population mondiale s’accroissait moins. Entre 1990 et 1994, le taux de croissance fut ainsi de 1,57 % par an — soit, en chiffres absolus, une augmentation annuelle de 86 millions d’habitants —, taux le plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs pays industrialisés ont enregistré une baisse de leur population, pour diverses raisons : recul de la fécondité, mortalité stagnante, voire en augmentation. Ainsi, depuis 1990, la population a diminué en Russie, en Ukraine, en Biélorussie, dans les trois Etats baltes, en Roumanie, en Bulgarie, en République tchèque, sans parler de la Croatie et de la Bosnie. Cependant, le phénomène majeur est la baisse de la fécondité dans nombre de pays sous-développés, Inde (3,7 enfants par femme), Bangladesh (4), Iran, ainsi que dans de nombreux pays africains (5,8 enfants en moyenne).
La croissance démographique demeure bien sûr quand même forte en cette fin de siècle, bien qu’elle ne soit plus envisagée comme une « bombe » — c’étaient les années 60 et 70 — mais plutôt comme un anti-modèle, remettant en cause l’équilibre alimentaire, précaire, du monde : de graves menaces pèsent sur la sécurité alimentaire mondiale. Des projections de PONU et de la Banque mondiale montrent une population mondiale de 7 milliards et demi en 2015.
L’explosion démographique tant redoutée n’aura donc pas lieu. La population va continuer de croître, mais moins vite qu’au XXe siècle. Le vieillissement ébranlera partout les équilibres sociaux, avec 22 % de plus de 60 ans en 2050, contre 10 % à la fin de la dernière décennie du xxe siècle. La répartition de la population mondiale va changer : la part de l’Afrique va augmenter (20 % de la population mondiale en 2050 r), celle de l’Europe va baisser (à un petit 7 % ?), les autres continents restant à peu près stables, l’Asie au niveau de 60 %.
Comme l’écrit le renommé René Dumonr, « l’économisme forcené, la toute- puissance du marché, le refus de la démocratie, l’acceptation tacite du gouffre entre le Nord et le Sud, sont les premières causes d’une croissance de la population mondiale qui menace d’emporter les fragiles équilibres écologiques ».
Mais envisager dix milliards d’habitants sur la planète en l’an 2050, cela ne reste-t-il pas une « bombe » démographique ? Comme l’écrit J. Decornoy3, « nous vivons dans un monde qui tend officiellement vers un seul “idéal” : celui des pays riches. Hypermilitarisés, maîtres des taux de change, des flux monétaires, des cours des matières premières, de l’espace, des décisions d’investissement, du pouvoir scientifique, des institutions internationales, allant certes de “crise économique” en “crise sociale”, ils sont avant tout “développés”. Les autres ? Ils sont “sous-développés”, ou “en voie de développement”, parfois en “voie de sous-développement”. Les pays du Nord sont le seul critère qui vaille, et, de ce fait, il ne mérite guère examen.
Mettre en place des politiques intégrant la donne démographique devrait pourtant amener à rompre avec ces schémas établis. […]. Ce qui conduit à l’affirmation du primat de la pluralité des voies – tout le contraire du mouvement en cours. Fausse note, assurément, dans la symphonie du nouveau monde intégré devenue la scie obligée de l’assourdissant concert “global”. […]
Braquer de façon excessive le projecteur sur le “poids démographique” comme explication fondamentale des crises présentes et à venir permet d’éviter de prendre en considération les cas, nombreux, de destruction des environnements humain et naturel là où, justement, vit une population très faible, trop faible sans doute pour résister à des forces extérieures qui imposent leur loi. […]
Ce ne sont pas davantage des “questions démographiques” qui sont en train de faire de la Thaïlande — à la “croissance” tant vantée — un colossal échec humain et écologique, mais un mode de production fondé sur le lucre, la spéculation à court terme, l’orientation effrénée vers l’extérieur. La Thaïlande, où une conception du “développement” sans égards pour la population a conduit une fraction importante des ruraux à s’agglutiner à Bangkok, mégapole devenue invivable. Démographie ? Ou urbanisation absurde.
Chaque nouvel habitant des Etats-Unis contribue six fois plus au réchauffement de la planète qu’un Mexicain ; et la contribution d’un Canadien équivaut à celle de 190 Indonésiens. Les Américains —gouvernement et fondations diverses — n’ont-ils pas pourtant, depuis des lustres, fait campagne pour un contrôle mondial de la démographie ? […]
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