Istopes de l'oxygène et volume des glaces
Le climat du dernier maximum glaciaire
Si la preuve est faite de l’existence de glaciations successives dans le passé, il reste à déterminer comment celles-ci ont affecté le climat de la Terre dans son ensemble. Il est encore impossible de répondre à cette question en général. Mais un effort considérable en paléoclimatologie a été mené ces vingt dernières années, en grande partie par le groupe CLIMAP (Climate: Long-range Investigation, Mapping and Prédiction), pour reconstituer le climat qui prévalait lors de la dernière grande avancée des glaces sur les continents de l’hémisphère nord, il y a environ 20 000 ans. A cette époque, les calottes glaciaires recouvraient une grande partie du Nord de l’Amérique et de l’Europe et descendaient jusqu’aux latitudes de New York, Manchester, Stockholm et Berlin, comme en témoignent les moraines et les roches erratiques retrouvées dans ces régions.
Au maximum de la dernière glaciation, le volume total des glaces accumulées sur les continents atteignait plus du double du volume actuel des calottes du Groenland et de l’Antarctique. Estimé à 50 millions de kilomètres cubes, le volume supplémentaire de glace sur les continents se traduisait à l’époque par un abaissement du niveau des mers, qui était situé à environ 120 m au-dessous du niveau actuel. Avec un tel reflux des mers, le tracé des lignes de côtes était fort différent de celui que l’on connaît aujourd’hui. Par exemple, on pouvait rejoindre à pied la Grande-Bretagne depuis la France, car la Manche n’existait pas. L’Amérique du Nord et l’Asie étaient reliées par un pont naturel qui correspond à l’emplacement de l’actuel détroit de Béring, permettant le passage des hommes et des animaux entre l’Asie et l’Amérique.
Les glaces envahissaient non seulement les continents, mais également les régions océaniques éloignées de l’équateur. Par exemple, la banquise atteignait les côtes de l’Angleterre en hiver. L’analyse des microfossiles qui vivaient à cette époque dans les eaux de surface de l’Atlantique Nord nous indique que les températures étaient inférieures de 6 à 10 °C aux valeurs actuelles et que la chaleur transportée par les courants de surface de l’océan Atlantique ne venait pas réchauffer nos plages mais celles de l’Espagne. Toutes les régions n’étaient cependant pas soumises au même refroidissement. Les océans tropicaux étaient épargnés et gardaient une température chaude voisine de la température actuelle.
Des conditions climatiques bien différentes s’étaient établies sous nos latitudes où les températures étaient environ 10 °C plus froides. En Europe, comme dans de nombreuses régions, les pollens retrouvés dans les tourbières ou les sédiments lacustres nous montrent que les belles forêts de feuillus avaient cédé place à une steppe herbacée qui témoigne d’un climat plus froid mais également plus sec. Si le refroidissement des régions tropicales a été moins marqué, de 2 à 6 °C seulement, le régime des pluies fut cependant largement affecté. Les déserts avaient une extension encore plus importante qu’aujourd’hui, les pluies de mousson en Inde étaient plus faibles et la forêt amazonienne occupait une portion plus réduite du continent.
Dans l’ensemble, le climat glaciaire était rude. En moyenne globale, il correspondait pourtant à une différence de température relativement faible par
L’optimum climatique
Si nous vivons actuellement sous des conditions climatiques clémentes, qualifiées d’interglaciaires, nous ne bénéficions plus des conditions optimales de température. Au cours de la dernière période interglaciaire, l’Holocène, le climat est passé par une phase plus chaude, souvent qualifiée d’optimum climatique, il y a 6 000 à 8 000 ans. En Europe occidentale, la température estivale était supérieure d’environ 2 à 3 °C à celle observée de nos jours.
Contrairement à ce que suggère l’intuition, réchauffement climatique n’est pas nécessairement synonyme d’aridité. En effet, le Sahara connaissait alors une période pluviale marquée. En plein cœur du désert actuel coulaient des rivières et paissaient des troupeaux élevés par des populations nomades. En témoignent les peintures rupestres retrouvées sur des falaises du Tassili n’Ajjer, au sud-est de l’Algérie, et datées de cette époque. Des ossements d’éléphants, de girafes et même d’hippopotames, animaux pourtant fort exigeants en eau, révèlent également des ressources hydrologiques importantes dans des régions actuellement arides. Seules des pluies plus abondantes ont permis cette grande transformation de l’environnement. C’est grâce à ces pluies qu’a pu également se constituer la nappe phréatique qui alimente actuellement certaines
oasis sahariennes. Pluies et montée des eaux souterraines ont provoqué à cette époque une élévation du niveau de lacs aujourd’hui très réduits ou disparus. Des traces de ce passé sont encore détectables actuellement dans les sédiments et les fossiles déposés sur les anciens fonds lacustres. Par exemple, les berges du lac Tchad s’étendaient 800 km vers le nord au delà des limites actuelles. Le lac Assal situé près de Djibouti, dont le niveau présent est bien en dessous du niveau de la mer, se trouvait à cette époque presque 300 m plus haut.
Le dernier cycle climatique
La connaissance des paléoclimats n’est pas restreinte à l’étude des conditions climatiques extrêmes, comme celles du maximum glaciaire et de l’optimum climatique, mais elle doit également reposer sur l’évolution du climat au cours des cycles glaciaire-interglaciaires. Dans ce domaine, nos connaissances se limitent essentiellement au dernier cycle climatique.
Après une période clémente, il y a environ 125 000 ans, marquée par un niveau de la mer situé 6 m au-dessus du niveau actuel, le climat entre dans une phase de refroidissement. La glace commence à s’accumuler et recouvre progressivement une grande partie des continents de l’hémisphère nord. Il n’a pas fallu moins de 100 000 années avant que les calottes de glace atteignent leur volume maximum. L’augmentation du volume de glace s’est cependant faite par étapes, avec des phases de recul important allant même jusqu’à la disparition temporaire des glaces en Europe du Nord. Sur les continents, les températures s’abaissent avec l’apparition des glaces et suivent leur progression, du moins aux Echets, près de Lyon, où nous disposons d’une des rares séries de températures continentales couvrant toute la durée d’un cycle climatique, basée sur l’analyse des pollens fossiles contenus dans les sédiments déposés dans des tourbières.
La déglaciation commence il y a environ 15 000 ans. En moins de 10 000 ans, toutes les glaces disparaissent du Nord de l’Amérique et de l’Europe. Comparée à la lente formation des calottes, qui s’étend sur près de 100 000 ans, la déglaciation apparaît d’une rapidité fulgurante. Cette dissymétrie entre la durée de la phase d’accumulation et celle de la débâcle des glaces est surprenante. Elle se reproduit lors de chaque glaciation, mais sa cause reste encore mal comprise (chapitre 4).
Les glaces, archives climatiques
Les calottes de glace de l’Antarctique et du Groenland se sont formées par accumulation et tassement progressif de la neige au fil des années, piégeant du même coup de précieuses informations sur le climat. On peut extraire par forage la glace qui s’est déposée sous forme de neige il y a des milliers d’années et récupérer ainsi ces informations. Comme pour les sédiments marins, en forant de> carottes de glace de plus en plus profondément, on dispose d’un moyen de remonter le cours du temps.
Pollens et climat
Sur les continents, les pollens libérés par les végétaux sont les indicateurs utilisés pour reconstituer les conditions paléoclimatiques. Très bien conservés pendant des milliers d’années dans les sédiments qui s’accumulent au fond des lacs et des marécages, ils permettent d’identifier sans équivoque les plantes qui poussaient aux alentours. Végétation et climat étant
intimement liés , on dispose ainsi d’indications sur les climats passés. Il faut néanmoins être conscient que ces témoins climatiques ne sont que des indicateurs indirects et que leur traduction en termes de température ou de précipitations reste un problème délicat.
Isotopes de l’eau et climat
existe sous plusieurs formes isotopiques. Certaines molécules contiennent un atome d’oxygène de masse 18 (au lieu de 16) et d’autres un atome de deutérium (au lieu d’un atome d’hydrogène). Au cours de la condensation, en raison de leurs propriétés physiques différentes, les molécules les plus lourdes se retrouvent préférentiellement dans la phase liquide ou solide plutôt que dans la phase vapeur, entraînant ainsi un fractionnement isotopique de la vapeur.
Les mesures isotopiques réalisées actuellement montrent que la proportion d’isotopes lourds dans les pluies diminue lorsque la température baisse. Cette relation, qui est à l’origine de l’interprétation des mesures des isotopes de la glace en paléoclimatologie, peut être expliquée au moyen du modèle simple suivant.
La vapeur d’eau s’évapore essentiellement dans les régions tropicales, les plus chaudes. Dès le processus d’évaporation, la vapeur d’eau contient environ 1% d’oxygène 18 en moins par rapport à l’eau des océans. Cette masse d’air humide est ensuite transportée vers les plus hautes latitudes. Elle perd rrogressivement son humidité au cours des condensations successives qu’elle subit par suite du refroidissement de l’air à mesure qu’on se rapproche des pôles. A chaque condensation, la vapeur d’eau dans l’air s’appauvrit en isotopes lourds, ceux-ci se retrouvant préférentiellement dans les eaux de pluies. Plus la température du lieu de condensation est froide, plus la masse d’air a subi, depuis sa formation, un processus de condensation poussé et plus sa teneur isotopique est faible. Sur les calottes polaires, les précipitations contiennent ainsi 3 à 5% d’oxygène 18 en moins que les océans.
En réalité, le cycle de l’eau est plus complexe qu’il n’y paraît au travers de ce modèle simple. Néanmoins, la température reste le principal paramètre contrôlant les variations isotopiques enregistrées dans les carottes de glace et permet ainsi de reconstituer les variations du climat au cours du temps.
Vidéo : Istopes de l’oxygène et volume des glaces
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