L'air et l'eau entrent en action
1982-1983, une année catastrophique
Les régions tropicales peuvent être soumises à de fortes variations du régime des pluies d’une année à l’autre. La succession des événements qui se sont déroulés entre la fin de l’année 1982 et le début de l’année 1983 en est un exemple très frappant. Inondations dans des régions habituellement arides, sécheresses exceptionnelles dans des régions humides, le climat s’est déréglé pendant plusieurs mois.
C’est ainsi que d’octobre 1982 à juin 1983, l’Equateur et le nord du Pérou connurent des conditions météorologiques désastreuses. Dans des régions habituellement désertiques ou semi-désertiques, des pluies diluviennes s’abattirent et déversèrent dix fois plus d’eau qu’à l’accoutumée. Des inondations et des coulées de boues saccagèrent les champs et détruisirent de nombreuses infrastructures routières. Autre conséquence dramatique, des épidémies se propagèrent du fait de la prolifération de moustiques et des cadavres d’animaux noyés en masse.
Simultanément, aux antipodes, l’Australie connut une sécheresse catastrophique dépassant toutes celles subies depuis le début du siècle. Privés d’eau, les pâturages se desséchèrent et la nourriture fit cruellement défaut au bétail. Le sol mis à nu par la sécheresse produisit une abondante quantité de poussière facilement arrachée et entraînée dans de gigantesques orages, comme celui qui terrifia Melbourne en février 1983. Les pluies diminuèrent également fortement en Indonésie, mettant en péril la production de riz.
les régions côtières de l’Equateur et du Pérou reçoivent très peu d’eau, conséquence de la circulation qui s’établit entre l’ouest et l’est du Pacifique (chapitre 3). Au-dessus de l’Indonésie l’air est animé d’un mouvement vertical ascendant alors qu’il redescend au-dessus des régions situées au sud-est du Pacifique, entre l’île de Pâques et le Pérou. Au cours du mouvement ascendant, l’air qui s’est chargé d’humidité à la surface des océans se refroidit et se condense, libérant ainsi une grande quantité d’énergie qui entretient la convection. Par contre, l’air froid et sec qui redescend sur le Pérou n’apporte que sécheresse.
En 1982-1983, cette circulation à grande échelle s’est modifiée. L’activité convective, habituellement située au-dessus de l’Indonésie, s’est déplacée vers le centre du Pacifique. Les régions à l’ouest du Pacifique ont alors reçu moins de pluie, mais le centre et l’est du Pacifique davantage. D’ordinaire épargnées par les cyclones tropicaux, Tahiti et les îles de la Polynésie ont, cette année-là, subi une succession de six cyclones dévastateurs en quelques mois seulement.
L’alternance entre une intense activité convective au-dessus de l’ouest du Pacifique, situation la plus courante, et son déplacement vers le centre du Pacifique, fut observée dès les années 1920 par Sir Gilbert Walker qui lui donna le nom d’oscillation australe. Ce phénomène apparaît en effet régulièrement, toutes les trois à quatre années en moyenne. Il ne faut pas pour autant s’imaginer qu’il revient avec une périodicité parfaite, car l’intervalle de temps entre deux événements successifs varie d’une fois sur l’autre, pouvant aller de deux à dix années, éliminant ainsi toute possibilité de prévision purement statistique. Ces anomalies ont également marqué les années 1972-73, 1975-76, 1986-87 et 1991-1992, avec toutefois une intensité moins forte. L’épisode de 1982-1983 et tout dernièrement celui de 1997 représentent les événements les plus intenses du siècle.
L’oscillation australe s’accompagne d’un réchauffement sensible de la température des eaux de surface du Pacifique Est. Dans une vaste région centrée autour de l’équateur, la température de l’eau, qui avoisine habituellement 20 à 25 °C, s’élève de plusieurs degrés en même temps qu’apparaît une anomalie dans le régime des pluies. La présence d’eaux anormalement chaudes se manifeste généralement au moment de Noël, d’où le nom d’El Niño, qui signifie l’enfant Jésus en espagnol. A l’origine, cependant, El Niño désignait pour les péruviens un phénomène régional de moindre ampleur. Tous les ans, juste après Noël, la température des eaux côtières se réchauffe en même temps qu’un courant de surface en provenance de l’Amérique centrale charrie de véritables présents de Noël, noix de cocos, ananas et autres denrées rares au Pérou. Certaines années, cependant, le réchauffement est beaucoup plus important et de fortes perturbations dans le régime des pluies se produisent. Dans la communauté des climatologues, El Niño désigne exclusivement ces années exceptionnelles.
Le phénomène El Niño ne se limite cependant pas. à la période de Noël; entre l’apparition et la disparition d’eaux plus chaudes dans l’est du Pacifique.
Vidéo : L’air et l’eau entrent en action
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