Les energies dites du futur
Les énergies du futur
Le même genre d’illusion est fortement répandu dans le public à propos des énergies renouvelables. Prenons le cas du développement énergétique durable qui est en rapport étroit avec la question du changement climatique. À l’image de l’énergie humaine ou animale, beaucoup de ressources énergétiques dans le passé étaient renouvelables : les moulins à vent, ancêtres de nos éoliennes, et les moulins à marée ou de rivière, représentaient des sources d’énergie propres et durables. Par contre, les « charbonnières » de l’époque médiévale, dans lesquelles on transformait le bois en charbon de bois, pouvaient déboiser une forêt sur un rayon de 1 km en quarante jours ! Jusqu’au XXe siècle, le charbon fut la principale source d’énergie fossile, puis le développement du moteur à explosion entraîna l’usage croissant du pétrole et de ses dérivés.
La question de l’épuisement des ressources d’énergie fossile s’est toujours posée, du moins en principe, puisque celles-ci ne sont pas renouvelables. Mais aujourd’hui, elle se pose avec plus d’acuité encore. Certains experts considèrent que les ressources pétrolières commenceront à manquer sensiblement d’ici vingt ans ; d’autres pensent que la question se posera dans trente ans seulement, voire même une ou deux décennies plus tard. C’est que beaucoup dépend du prix de revient de l’exploitation : aujourd’hui, par exemple, d’importants gisements de schistes bitumineux au Canada et dans l’ex-Union soviétique ne sont pas exploités pour cette raison – et aussi parce qu’ils sont encore plus polluants que les pétroles actuellement utilisés, comme le célèbre Brentde la mer du Nord. Mais cela ne
change rien au problème de fond : comme l’usage des combustibles fossiles entraîne une intensification de l’effet de serre, c’est-à-dire du réchauffement climatique, l’un des grands défis que les êtres humains vont devoir relever au cours du XXIe siècle est celui du passage réussi vers l’usage de ressources énergétiques durables, c’est-à-dire non polluantes, ne contribuant pas à l’augmentation de l’effet de serre, et renouvelables.
Ces ressources énergétiques durables ne sont pas nombreuses, aussi sera-t-il vraisemblablement nécessaire d’y avoir recours simultanément. On commencera donc par se détourner de l’une des illusions les plus communes et des plus irresponsables, qui consiste à prétendre « sortir du nucléaire » en préconisant de remplacer le parc de centrales nucléaires actuel par des éoliennes, ou plus généralement par la panoplie classique des énergies « alternatives ». Passons sur le fait que les éoliennes puissantes mesurent 70 m de haut en moyenneet qu’elles ne fonctionnent qu’exceptionnellement à plein rendement, faute de vents suffisants. Les champs d’éoliennes sont, en outre, disgracieux et encore trop bruyants dans certains sites. Il est par ailleurs étrange de voir tels ou tels défenseurs du paysage prendre fait et cause pour des batteries d’éoliennes qui détruisent les paysages alors qu’ils combattent ce type de destruction en stigmatisant les pylônes des lignes haute tension d’Électricité de France ou les aménagements mécaniques de loisirs en haute montagne. Songeons que, rien que pour la France, il faudrait plus de 150 000 éoliennes pour « sortir du nucléaire».
Sachant donc que les zones où il serait possible et rentable d’en implanter sont loin de couvrir tout le territoire, il faut admettre que l’usage de ce type d’énergie propre devra être restreint à certaines zones d’accès difficile par les lignes électriques : zones de montagne, îles, etc. : ce type de « petit éolien » a peut-être plus d’avenir que le prétendument grand. Ainsi, il peut être intéressant de coupler des éoliennes à certaines installations hydroélectriques. L’eau est pompée par les éoliennes dans le bassin de retenue. En cas de besoin, on ouvre les vannes pour faire tourner les turbines du barrage. C’est une manière indirecte et élégante de « stocker » l’énergie du vent.
L’implantation de parcs off shore là où c’est possible, représente néanmoins une solution intéressante dans certaines circonstances. Au large du Danemark, pays pionnier en ce domaine, plusieurs parcs éoliens ont été édifiés, dont celui de Homs Rev construit en 2002 et situé dans la mer du Nord, entre 14 et 20 km de la presqu’île du Jutland. Il est composé de 80 éoliennes de 2 MW pour une puissance totale de 160 MW. La taille des machines est considérable : piliers de plus de 68 m de hauteur et diamètre des hélices supérieur à 80 m. C’était, en 2003, le plus grand parc éolien off shore du monde. Sa production couvre les besoins de 150 000 foyers. C’est bien, mais quid des besoins industriels ? En outre, les possibilités de telles implantations sont très limitées : les socles sous-marins doivent être stables et peu profonds, dans des zones favorablement ventées et suffisamment proches de la côte pour que l’acheminement du courant ne soit pas trop problématique.
Le recours à l’énergie solaire comme solution-miracle est également illusoire en pratique pour ce qui concerne les prochaines décennies. C’est pourtant l’énergie idéale : propre, renouvelable et quasiment illimitée en puissance lorsque nous saurons atteindre de hauts rendements, ce qui est loin d’être le cas. Dès aujourd’hui pourtant, le solaire pourrait être utilisé efficacement en France : les possibilités en matière d’appoint aux chauffages individuels sont immenses. En revanche, dans l’état actuel de nos technologies, nous sommes incapables de faire face à la demande énergétique globale d’un pays hautement industrialisé. On regrette à ce propos que la part du budget de la recherche scientifique consacrée au solaire soit dérisoire : le budget recherche de I’ademe, toutes énergies renouvelables confondues, s’élevait à 14 millions d’euros en 2003. A quoi on peut ajouter les contributions du CNRS et du CEA sur leurs budgets propres, de l’ordre de 12 millions d’euros au total. Pour donner une idée de l’insuffisance de ces sommes, l’industrie pharmaceutique consacre environ 420 millions d’euros par an à la recherche.
La situation est quelque peu différente pour ce qui concerne le thermonucléaire civil : on envisage de provoquer des réactions de fusion dans des toresde plasma portés à très haute température, ce qui dégagerait théoriquement une énergie bien supérieure à celle fournie par les centrales nucléaires classiques. De sérieux problèmes de radioactivité des parois pourraient toutefois se poser. Sachant qu’aucune application pratique n’a encore été mise au point, on s’interroge – vu l’urgence – sur la rentabilité des investissement pharaoniques envisagés en Europe pour ce type d’énergie (900 millions d’euros rien que pour la France).
Le moteur dit « à eau » fait partie de la famille des sources possibles d’énergie mais dont le développement stagne à la fois en raison du choix des énergies fossiles par les pays technologiquement les plus avancés et parce que les applications ne sont pas pour demain. Il s’agit d’une une pile à combustible qui fonctionne à l’hydrogène et à l’oxygène. L’oxygène est prélevé dans l’air extérieur tandis que l’hydrogène est censé être acheté « à la pompe » – on imagine les infrastructures nécessaires. Au contact chimique de l’oxygène, et en présence d’un catalyseur, l’hydrogène est dissocié et son électron, libéré. On produit l’électricité nécessaire au fonctionnement du moteur par ce processus. Des piles à combustible ont équipé les missions Apollo et les progrès sont réguliers. Cependant, beaucoup de problèmes subsistent, dont le rejet de vapeur d’eau et surtout la nécessaire production d’hydrogène. Le méthanol, autrefois produit par distillation du bois, est aujourd’hui expérimenté au Japon pour produire l’hydrogène nécessaire au fonctionnement de cette nouvelle génération de piles – mais au prix de quelle dépense d’énergie ? Et à quels horizons les applications pratiques, compte tenu de l’urgence du remplacement des énergies fossiles par de telles sources alternatives ?
Le recours à la « biomasse » fait partie des solutions qui devraient être considérées de manière très prudente et nuancée, tant les inconvénients sont nombreux et les avantages localisés. Au sens propre, la « biomasse » est l’ensemble de la matière vivante. Depuis la première « crise du pétrole», lorsqu’en 1973 l’Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole (opep) a décidé l’indexer le prix du baril de brut sur les fluctuations de la monnaie américaine, le mot « biomasse » est utilisé surtout pour désigner les produits végétaux qui sont utilisés à des fins énergétiques.
Il existe deux filières de composants biologiques renouvelables essentiellement utilisés comme « biocarburants » : le bioéthanol et son dérivé nommé ETBEsont mélangés aux essences et jouent le rôle d’additifs et d’oxygénants. Les huiles végétales et leurs dérivés sont mélangés aux gazoles et jouent le rôle d’additifs et de lubrifiants. La production de la première filière est assurée à partir de blé et de betteraves. La production de la seconde, à partir de colza. Ces deux filières fournissent 1 % de la consommation française totale de carburants. Les biocarburants peuvent être mélangés jusqu’à 30 % et sont alors utilisés dans des flottes de véhicules captifs (transports collectifs, véhicules appartenant à des collectivités locales ou des entreprises). Sinon, ils sont introduits pour quelques pour cents dans des gazoles ou des essences en tant qu’additifs.
On aura compris que si cette solution est viable en France, elle ne l’est pas nécessairement dans des pays comme le Brésil où elle menace par endroits les productions vivrières. Par ailleurs, le carbone stocké lors de la pousse des végétaux utilisés, est partiellement déstocké lors de la combustion des biocarburants en question. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ademe), le recours aux biocomposants permettrait d’économiser 300 000 tonnes-équivalent/pétrole (tep) et d’éviter l’émission de 800 000 t par an de gaz carbonique, C02.
En vérité, toutes les formes de production d’énergies renouvelables et ne rejetant pas ou peu de GES sont à considérer car elles font peut-être partie de notre avenir énergétique. Mais, même toutes confondues, elles sont actuellement très insuffisantes. Dans l’immédiat, si les rapports du GIEC sont avérés, la seule solution énergétique réaliste immédiatement est celle de l’électronucléaire civil.
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